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Troisième quartier. Sons entendus ici

Jean-Michel Beaudet
avril 2015

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.688

Résumés   

Résumé

Ceci est un strip sonore, une brève série de sons décrits. Je propose ici un tableau avant tout sonore, d'un village, posé sur le sable entre deux estuaires, à la frontière de la Guyane et du Suriname. Il s'agit de décrire un milieu, en partant du son lui-même, des sons entendus, même s'il est évident que cette approche par le sonore est inséparable d'une prise en compte des autres modes de perception. Au passage, ces annotations auditives offrent des éléments de compréhension des relations entre les habitants et leur milieu, ainsi que de certaines manières de faire de la musique. Enfin, il m'apparaît comme nécessaire qu'une telle présentation soit datée et localisée.

Abstract

Abstract This is a sound strip, a short sequence of described sounds, like snapshots, taken in a spacious village. Rather, let us say that these sonic traces, coming from various sources, took the ears of the writer. I tried to describe a set of relationships of this moving ecosystem, the starting point being the sounds themselves, heared sounds I perceived living among this village families. (And it is clear for everybody that this sonorous approach is inseparable from other modes of perception). On the way, these hear notes offer means for understanding the relationships between these communautary land dwellers and their environment, and for understanding some ways of music making.This kali’na (karib) village is located on the north east coast of South America. It is clear for me that such a parception, such an understanding, need that this description be dated and placed.

Index   

Texte intégral   

1Ce matin, on peut entendre
un petit tracteur qui coupe les herbes au vent entre le fleuve et la maison.
Derrière, des maçons brésiliens qui scient des planches et complètent les murs et cloisons du premier étage de l’épicerie (on entend donc aussi des coups de marteau).
Les oiseaux pitsugo, nombreux autour de la maison, ont au moins deux chants différents, ils nous réveillent tous les matins, ponctuellement à six heures.
Les enfants sont à l’école, alors je n’entends qu’un bébé, chez nos voisins les Henri. Les jeunes gens d’une autre maison voisine (chez Jacques, où une des femmes vient de l’Oyapock) actionnent des machines à sons puissantes qui donnent du reggae assez commercial d’aujourd’hui, du brega, un peu de zouk. Toutes les fins de semaine la même maison donne des chants kali’na avec tambours samula1. C’est l’émission hebdomadaire en langue kali’na de Radio Ouassaille, radio associative du bourg voisin. Hier, une autre maison, un peu plus au nord celle-ci, a passé les airs avec malaka d’un disque ancien du Suriname.
Les rires et les blagues des buveurs devant l’épicerie.
Les troglodytes tsulalapi chantent beaucoup, un air joli long en deux motifs (ils chantent surtout dans les maisons pendant la sieste, et Annie une autre voisine, se met en colère après eux et essaie de les chasser, voir exemples 1 et 3).
Deux espèces différentes de perruches viennent tourner en bandes autour des manguiers et des cajous : des touis bien verts, et des conures cuivrées, plus grandes, vertes et jaunes. Il m’est arrivé fiévreux ou dans un mauvais sommeil de confondre des caquetages de perruches avec une radio déréglée. Perruches et tyrans sont très sonores.
Quelques voitures et camionnettes passent sur la rue principale à cinquante pas d’ici. Le matin et le soir les cars de transport scolaire. Appels des rapaces diurnes et nocturnes. La grand-mère d’à côté fend son bois pour faire un feu et tenter d’écarter les moustiques du soir.
fire trrr – fire trrr : avec l’argent des allocations familiales, la maman de l’Oyapock a acheté pour son garçon un pistolet en plastique et à pile.

2Sons entendus ici. « Ici », c’est le village d’Awala, posé sur le sable entre deux estuaires, là où se chevauchent de grandes plages de sable et des étendues de mangrove. Awala, village kali’na, à la frontière de la Guyane et du Suriname. Village de 1200 habitants, étiré sur 6 Kms en bout de route. « Ici », c’est le grand auvent de feuilles de palmier wasey, où nous passons nos journées. Ainsi, ces sons m’arrivent sous cette cloche végétale, dans cette partie du village que les jeunes gens nomment « Troisième quartier » (voir exemples 1 et 2).

3Je vous propose un tableau sonore, réalisé à partir de notes prises entre 2006 et 2010, de ce milieu où je vis actuellement2. Tableau incomplet, fragmentaire, et largement naïf, c’est-à-dire, pour reprendre la qualification que Verónica Cereceda, une anthropologue spécialistes des textiles,donne de la peinture naïve, une présentation volontairement sans perspective et sans relief : (presque) tout est donné à plat avec une valeur égale3. Je ne m’engagerai ni dans les nécessaires analyses, ni dans une réflexion théorique sur les musicologies et anthropologies des « milieux sonores », très bouillonnantes aujourd’hui. Le premier principe descriptif que je me donne est d’essayer de partir des sons eux-mêmes : c’est-à-dire autant que possible de commencer le paragraphe, les premières phrases par la description du son. Puis de développer sur ce qu’il est et d’où il vient. Le second principe est de décrire les sons avec des termes issus d’abord du domaine de l’acoustique : a priori un son n’est pas dit lourd ou chaud, etc. Cela n’est pas facile, car on s’aperçoit rapidement que les synesthésies sont très enveloppantes, très présentes dans nos pratiques perceptives et descriptives. Synesthésies trop et mal utilisées dans les écrits de toutes sortes, et qui favorisent les projections ethnocentriques. D’où, selon moi, la nécessité de ce principe pour se libérer des formules clichés qui donnent facilement du « rythme » à une œuvre plastique ou du « chatoyant » à de la musique. Comme vous le verrez, je ne suis parvenu à respecter totalement aucune de ces deux règles.

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Exemple 1. La maison de Annie et Honoré, Awala, 2006.

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Exemple 2. Awala, 2006.

4Les matins, souvent, sont calmes, et le niveau sonore d’ensemble est faible. C’est une qualité que les plus âgés apprécient, valorisent explicitement. On entend alors peu de saillies sonores : une multiphonie faible composée principalement de chants d’une douzaine d’espèces différentes d’oiseaux, à faible volume.
Les wu’ wu’ wu’ (parfois j’entends clairement wup wup wup) des dukuluwe, ces petites tourterelles4, parfois nombreuses, qui marchent près des maisons. Elles chantent beaucoup à l’aube, puis de moins en moins jusqu’à l’après midi. De 75 à 95 pulsations par minute, la vitesse de leurs chants semble varier selon les individus.
La camionnette qui passe à peu près une fois par mois pour répandre de l’insecticide dans l’air de tout le village. La machine juchée sur la camionnette et qui crache cette fumée insecticide s’entend de loin : un rugissement maigre c’est-à-dire dans une bande de fréquence aiguë et étroite.
Les sifflements en glissando descendant des anis5. Eux ils se déplacent en bande, font le tour des maisons ou plutôt des quelques déchets qui entourent chaque maison, ils chantent et volettent les uns après les autres, tout en restant groupés. Ils font aussi parfois un chant ascendant.
Dans ce grand et clair village où les maisons sont distantes d’une centaine de pas les unes des autres, les garçons ne passent pas, comme ailleurs, leurs journées à poursuivre les oiseaux avec des lance-pierres ou des petits arcs. Alors, on observe une bonne diversité d’espèces d’oiseaux autour des maisons.
Un étonnement pour les étrangers qui passent par ici : la présence de nombreux urubus noirs tout près des maisons. Perchés sur les arbres et les cocotiers, ils attendent, comme les chiens avec qui ils s’entendent bien, ils attendent les déchets laissés après le nettoyage des poissons. Alors ils viennent sautiller tout près, regardent les gens avec leur air de magistrats anglais, bavardent entre eux ou se disputent avec de courts grincements graves et parfois comme des jappements faibles. Ces vautours, kulum6, qui auraient ailleurs, dans d’autres imaginaires, une place sombre, ont ainsi, ici, une psychologie de poule domestique. On les voit s’épouiller, se sécher les plumes après la pluie, ils nous regardent passer en penchant la tête, ils s’écartent avec paresse… Ici, le rire de certains hommes (parmi ceux qui boivent de la bière à l’épicerie) est comme un battement d’ailes de ces urubus kulum : wup wup wup. Il est d’ailleurs possible que kulum, de même qu’uluwu dans une langue tupi, et son dérivé urubu en brésilien, soient des onomatopées du vol de ces bestioles.

5Je n’ai pas encore parlé des rainettes « qui appellent la pluie », comme on dit ici. Elles coassent coassent pourtant tous les jours et à toute heure du jour, du soir et de la nuit en cette saison des pluies, et elles peuvent chanter partout mais elles semblent savoir choisir les recoins qui feront résonateurs à leurs coassements. Alors elles se rengorgent d’elles-mêmes, s’écoutent chanter comme le commun des humains dans sa salle de bains. « Elles appellent la pluie », cette manière de dire me semble éclairante, peut aider à approcher cette cosmologie amazonienne : on ne dit pas, comme un moderne, zoologue ou non, « il pleut alors le taux d’humidité ambiant favorise les chants de reproduction des batraciens ». A l’inverse de cette vision qui détermine le comportement d’un animal par des conditions physiques, ici on ne saurait entendre ces émissions vocales sans les appeler wale, « chant », et prêter une intentionnalité, un désir, diraient certains, à ces petites bêtes, et aussi une relation, ici vocalisée, et entendue comme un langage, entre certains animaux et la pluie, entre différentes entités du cosmos7.

6Fragments d’une veillée mortuaire pour un grand-père chamane. Six de ses collègues, certains sont venus des villages de la rive surinamienne du fleuve Maroni, sont assis devant son cercueil et chantent en jouant de leurs hochets malaka. A chaque chant, des femmes et des hommes participant à la veillée se lèvent et dansent autour du cercueil. Ces rassemblements de chamanes sont une particularité forte du chamanisme kali’na en regard d’autres pratiques chamaniques de la région : ailleurs dans l’est des Guyanes, ces hommes de la nuit agissent seuls. Le son de ces hochets est particulier lui aussi. En une première approximation on peut la situer entre chuintement et raclement. Comme pour tous les hochets, c’est bien un bruit blanc comme diraient les acousticiens, un son sans hauteur précise, et étalé sur une longue bande de fréquence, un spectre plein ; mais ces hochets kali’na ont un son particulièrement brillant8, c’est-à-dire dont le spectre présente une bande intense dans les aigus (voir exemple 3). Ils sont aussi très sonores. Il faut dire qu’ils sont assez volumineux, une grosse sphère noire qui ne tiendrait pas dans les deux mains9.
Avant d’entonner chaque chant ils sonnent d’abord indépendamment tous, pas tout à fait sur la même pulsation, pas à la même vitesse, pas en phase, comme, comparaison distante, un orchestre symphonique qui s’accorderait, comme laissant aux différents habitants de ces hochets, aux différents êtres extraordinaires qui y demeurent, alliés de chaque chamane, leur laissant le temps de s’exprimer à leur manière d’abord. Puis, avec l’accentuation du meneur, ils s’assemblent en une battue unique ou plutôt unie (car la synchronie n’est pas chose exacte, mais comprend une latitude qui varie d’une culture à l’autre, d’un répertoire à l’autre. La synchronie musicale ou chorégraphique n’est pas une fin normée, c’est un chemin collectif). Alors le chant démarre. Sous l’angle strictement rythmique cette battue peut être décrite comme l’incrustation d’une cellule à quatre temps sur ce que j’appelle un rythme monaire10. La cellule à quatre temps se joue deux coups en haut, deux coups en bas, deux coups en haut où la main-le hochet tournent, deux coups en bas jetés droit dans le plan sagittal du musicien. Le jeu entre geste-son tourné et geste-son11 jeté offre un jeu varié entre continu et discontinu. Ce geste musical peut être différent selon les chamanes. Ainsi cette nuit-là, il m’a fallu du temps pour réaliser que le monsieur très âgé assis au début de la ligne des chamanes, le meneur étant au centre, était lui aussi en train de jouer, tant son mouvement était discret, comme caché entre ses genoux. Dans la plupart des musiques des basses terres d’Amérique du Sud que j’ai entendues, le rythme n’est ni binaire, ni ternaire, il est « monaire » : chaque émission sonore a le même poids, ne présentant aucune irrégularité régulière, aucune accentuation régulière. Que l’on considère l’intensité, le timbre, la hauteur ou la structure des motifs, on ne produit pas, on n’entend pas d’accentuation régulière qui permettrait de ranger ces musiques dans la catégorie des rythmes binaires ou ternaires, des rythmes pairs ou impairs. Il convient aussi d’inclure cette caractéristique rythmique dans une conception plus générale du rythme et de la temporalité, lesquels, dans de nombreuses cultures musicales d’origine amérindienne, ne sont pas divisibles, mais additifs.

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Exemple 3. En haut : spectre d’un son de maraka de chamane kali’na
En bas : spectre d’un chant de troglodyte [fragment].

7Une chouette criaille. Un chien aboie sans fin, il s’énerve de son propre écho. Le bébé pète. Juste avant l’aube une pluie arrive, hésitante, crépite un instant sur le toit de tôle et s’en va.
Retour de la ville épuisés et démoralisés par la visite chez un mauvais médecin. Epuisés, démoralisés, mais contents de rentrer chez nous. A peine arrivés, en début d’après-midi, le voisin prépare une fête d’anniversaire et branche une énorme sono qui inonde de manière ininterrompue jusqu’au lendemain matin une vingtaine de maisons alentour de chansons commerciales, pas toutes mauvaises (succès de la République Dominicaine, de la France, et des Etats-Unis).

8Cette nuit, l’électricité s’est arrêtée assez longtemps. Le frigo et le congélateur se sont arrêtés. C’était bon le silence noir. Le lendemain, Jennifer, encore une voisine, a dit « Lorsque tout est silencieux, je me sens mal à l’aise. »
Des sifflements de gorge que je ne reconnais pas : un cacique cul jaune12, connu pour la liberté et la variété de ses gloussements, est venu visiter le manguier. Ils sont si originalement volubiles que Tatu, un chamane du haut fleuve en avait fait ses alliés (des interprètes vers d’autres mondes ?). Un autre homme avait même donné la langue d’un de ces oiseaux à manger à son fils pour qu’il apprenne facilement les langues étrangères.

9Parfois, comme une flèche, un vrombissement de colibri. Ou le froissement nerveux de tangaras qui traversent.
Trois buses qui s’invectivent.

10La sono des voisins qui diffuse encore de la musique en boîte, du zouk aujourd’hui. Les basses saturées dominent, c’est le goût la manière d’écouter ce type de musique depuis une trentaine d’années (il est parfois difficile d’écrire avec ce son qui s’impose).
Un bruit comme de petites gamelles en plastique qui tombent, là dans la cabane de douche, c’est une grande couleuvre qui cherche des rainettes, et fait tomber les flacons de shampoing, elle les cherche avec une telle passion qu’elle ne me voit même pas.
La scie électrique des maçons brésiliens qui installent le faux plafond à l’arrière de l’épicerie.
Les mouches. Pas toujours, peu nombreuses.
Le petit vent presque constant dans les feuilles de palmier de l’auvent.
wiik wiik wiik wiik wiik wiik wiik, début juillet, le matin entre deux maisons, les buses s’invectivent, se coupent la parole en de courts crescendo. Elles font aussi kwii---iu, accentué sur le i et descendant glissando en fin de i sur le u.
Palana, la mer, souffle selon des intensités différentes, selon un spectre grave ou aigu, un spectre étendu ou étroit. Ces changements sont associés à la marée, à la direction du vent, au temps qu’elle annonce. En général elle souffle avec une grande régularité, mais quelque fois on entend clairement aussi sa nervosité, elle donne des coups, des accentuations irrégulières. « Elle bosse ! » dit mon copain pêcheur.
Palana, la mer, est un très important espace de ressources, et en même temps, un milieu non anthropique, non anthropisé, et perçu par ce village de pêcheurs, par ces gens de culture karib, comme non anthropisable. Il est ainsi considéré comme un milieu dangereux, habité par des monstres.
Les samedis soirs, cinq ou six maisons plus loin mais à notre vent, une évangéliste chante dans un micro. Autant dire tout de suite que je trouve cela musicalement lamentable. Quelle caractérisation musicologique à ce « lamentable » ? Des mélodies usées et ré-usées construites sur un accord parfait et se restreignant le plus souvent à de petits intervalles. Parfois on reconnaît l’air d’une chanson de Bob Dylan (Blowing in the wind), récupération qui désigne l’origine nationale des propagandistes : les USA. Ce thème est simplifié, réduit à une trame minimum. Toutes ces vocalisations de propagande intégriste (« nous sommes l’armée du roi… ») semblent avoir opté pour la simplification : que des monodies, pas d’harmonie donc, mélodies réduites à leur contour minimum, c’est-à-dire juste suffisant pour les reconnaître, les mémoriser. Toutes sont reconditionnées, enfermées dans un rythme à deux temps, se limitant à l’usage de deux valeurs, la noire et la croche. La voix utilise l’arrière du palais comme résonateur, dans une modalité aiguë et comportant peu d’harmoniques, sans aucun son de souffle ou de gorge, toujours égale de ce point de vue du timbre. En somme, tous les paramètres musicaux (timbre, mélodie, harmonie, rythme) sont aplatis, pourrait-on dire, réduits au minimum. C’est un fait connu et documenté pour les religions du livre, la propagande pour cette hypostase, un être suprême et immatériel, ne peut accorder d’importance au son lui-même, seul « le verbe » a de la valeur. Le degré de subordination de la musique au « verbe » a varié au cours de l’histoire, mais dans cette propagande évangéliste, il atteint le niveau de la caricature. J’avais déjà été désolé de la même manière, chez les Parikwene du bas Oyapock, d’entendre les femmes chanter faux, avec des voix décharnées, des mélodies d’église insipides, alors que les mêmes personnes lorsqu’elles interprètent leur propre répertoire (wawapna, wukikapna…) montrent une finesse mélodique, une subtilité de timbre et une puissance poétique exceptionnelles.

11Que d’oiseaux !

12La mer est après le fleuve, après la langue de sable, à quelques centaines de pas. D’ici on l’entend sonner étouffée par la distance. Assourdie ? Elle nous entend la mer ? Elle, assourdie, explose s’effondre bat s’étale claque ses masses sur le sable. Elle fait son travail avec cette régularité célèbre. Doute-t-elle parfois ici ?

13Hier nuit éclairée par la lune. D’une maison proche à notre vent venaient les stridulations graves d’une malaka et d’un chant d’homme. Une séance de cure par le chamane Roger Kilinã ? Je n’arrivais pas à décider si c’était du direct ou de l’enregistré, la malaka me semblait actuelle et la voix enregistrée
Frsh. Frsh. Frsh. Frsh… Les pas de notre voisin Jacques. On le reconnaît au son particulier de son pas dans le sable, rapide, incisif, et chargé en même temps. Voilà, je retombe dans l’erreur des métaphores : essayons de traduire ces métaphores en langage acoustique : une série serrée, pratiquement isochrone, d’impulsions brèves, de bruits blancs avec une intensité plus élevée dans les mediums et les aigus je suppose, impulsions brèves et nettes, c’est-à-dire avec une coupure nette à la fin, tandis que l’attaque se fait chaque fois dans un microscopique crescendo… Une petite irrégularité : ne boîte-t-il pas légèrement ?
Un yapu, cacique à huppe noire13 vient plusieurs fois par semaine glousser dans les arbres au bord de la maison.
Globalement, la quantité de sons issus de l’activité des hommes est assez importante dans ce village. Je suppose que de nombreux citadins, se choisissant un « retour à la nature », doivent être choqués par les atteintes que portent les locaux à cette « nature ». Ce qui suppose une conception de la vie politique et économique cloisonnant complètement la ville et la campagne (la ville qui fabrique les tronçonneuses et les désherbants, la ville qui consomme le blé, le manioc). Ce qui suppose aussi, on le sait, une conception paradisiaque de la nature dont l’homme social et économique serait absent14. Pour en revenir aux sons provenant d’artefacts humains dans ce village, sommairement, l’ensemble comporte des coups de marteau, des tronçonneuses, quelques voitures surtout le matin et le soir ou encore les fins de semaines, et des chansons propulsées par des amplificateurs électriques et des hauts parleurs puissants. Alors que pour les premiers, nos voisins ressentent et font la corrélation entre la consommation de carburant et le travail des machines, dans le cas des chansons sur haut-parleur, ils n’établissent pas, je crois, de corrélations entre une consommation d’électricité et une puissance sonore. « Mes voisins sont pauvres, alors moi qui peux le faire, je vais brancher mes hauts parleurs et ils pourront se distraire avec mes playlists » m’avait dit un homme qui travaillait à la radio. Faire de la musique est considéré comme une offrande (aux parents, aux voisins, ou encore aux êtres invisibles). La puissance sonore, qu’elle vienne du corps des musiciens ou d’un amplificateur électrique, est un signe de générosité.

14« Lorsqu’une personne est morte, alors le village reste calme » a dit mon copain Bourgeois ce matin. Effectivement le niveau sonore de l’ensemble de ce grand village est remarquablement bas aujourd’hui : les machines à son du voisinage sont moins nombreuses à fonctionner, et surtout à faible volume. Dans l’après-midi passent des groupes de dames parlant à voix basse, marchant vers la maison où vient d’arriver le corps de la défunte. Une dame âgée est décédée hier à l‘hôpital. Elle était malade depuis longtemps. Veillée toute la nuit, jusqu’au matin, avec dominos, café, bière, rhum, chant de femmes avec des hochets kalawasi. Nous avons eu un epekodono, cérémonie de levée de deuil il y a deux semaines, il y a eu un autre epekodono cette fin de semaine dans un autre village, et à la fin de la semaine prochaine devrait se dérouler à Awala cette même cérémonie pour une autre femme, décédée il y a quelques années. La mort rythme la vie. Chaque décès ouvre un cycle de trois cérémonies (veillée et enterrement, omongano installation du deuil, epekodono levée du deuil). Les Kali’na commencent à être nombreux, quelques milliers, ces cérémonies sont nombreuses, on vit un grand nombre de ces cérémonies donnant forme à la mort. Même si la périodicité de ces cérémonies de deuil est très élastique (de trois à six ans avant de réaliser la levée de deuil), la mort fonde une des temporalités de la vie kalina. Une temporalité concrète, sensible, actuelle.

15En ce moment, tous les jours, beaucoup, les « punp punp punp » des bulldozers et rouleau compresseur qui asphaltent une rue. Il n’y a pas de doute, la modernité est bruyante, et pour de nombreuses cultures dans le monde, niveau sonore élevé est synonyme de modernité.
Le perroquet d’Adriana il est bavard comme un perroquet. Il a ses heures : aujourd’hui, après quelques sifflements et appels, il est silencieux. Puis, il pousse deux faibles couinements suivis d’un grand cri. En général ce qu’il préfère c’est reprendre les appels des enfants, leurs cris. Il dit souvent « papa ! » par exemple, mais hier il s’est pris à rire comme Adriana, il faisait son rire, et il était content de le réussir, et il recommençait. Parfois il imite le singe capucin15, et là c’est amusant de deviner qui chante parce qu’il le fait très bien. Adriana est ma préférée parmi les voisines du quartier avec ses six ans, ses mensonges et ses inventions, elle est vive et bonne.
Deux pics we’tu16 s’appellent et s’accrochent à l’arbre du jardin : leur rire est ascendant.
Ce matin assis sous l’auvent m’arrivent ensemble comme se rejoignant sur moi un battement d’ailes d’urubu et un coup sur un bidon en plastique. Chacun de ces deux sons ainsi que leur conjonction sont brefs, de faible intensité, venant de loin. Fugitive musique, une touche sonore qui n’est pas une forme en relief sur le fond de la multiphonie quotidienne, mais se place comme point translucide de cette vie étale. Quel serait l’équivalent acoustique de translucide ? Un son lui-même filtrant, laissant passer d’autres sons en en absorbant certaines fréquences par exemple ? Filtre est un terme qui appartient au vocabulaire des ingénieurs du son, c’est un terme de technique acoustique, mais il n’est pas plus acoustique en lui-même que translucide : dans l’histoire des femmes et des hommes on a filtré de la bière avant d’avoir filtré des sons. (Est-ce bien certain ? mes amis souffleurs de clarinettes et leurs femmes mes parentes brasseuses affirment qu’on joue et boit ensemble). L’émouvant de cette conjonction filtrante vient de sa brièveté et de sa faiblesse. Un écosystème, comme une musique, ne se compose pas seulement d’éléments ou d’interactions remarquables, de fonds, de saillies ou de formes, mais aussi de superpositions faibles, froissements, sons interrompus ou au bord de l’indistinction… Ces faiblesses étant parfois vitales. Ainsi, le cliquetis d’une fuite de lézard dans les feuilles, ainsi un soupir de mon amoureuse.

16Des coups de marteaux proches ou lointains. Ainsi, je sais que le voisin Shinga tente d’élever les murs de sa maison jusqu’au toit, ainsi je sais que le voisin Honoré n’a toujours pas terminé le canot pour son frère. Ecrivant dans ce journal sonore, je me suis dit qu’il serait bon de noter les paroles de mes voisins, et pas seulement des descriptions miennes, mais, on le voit, on l’entend plutôt : accomplir une tâche est aussi une façon de parler17. Saison sèche, saison des pluies, saison calme, et saison des grands vents et de la mer forte, mais aussi les activités des hommes font que les sons changent le jour la nuit, d’une saison à l’autre, et aussi d’une année sur l’autre : les boulangers ont changé, les bêlements chrétiens du samedi soir se sont éloignés vers une autre maison, une des sonos voisines s’est arrêtée car son propriétaire a obtenu un contrat de quelques mois de l’autre côté de la Guyane…
Nous pourrions dire qu’il n’est pas possible d’isoler ces sons de la luminosité d’ensemble, de la température, des activités humaines, des odeurs…18

17Ce lundi matin, ambiance très lourde au village que je traverse. Hier, à la fin d’une fête d’anniversaire une jeune femme a été renversée par une voiture et est morte sur le coup. Alcool au volant. Le glas s’étale sur tout le village. Le glas, c’est le silence : pas une sono, pas une tronçonneuse, pas de moteurs, pas d’appels, pas de rires, les conversations sont basses, même les coqs se font discrets. Elle s’appelait Yolanda, était la fille du chanteur Jann et mère de deux enfants.

18Cet été, le voisin Loulou a apporté une nouvelle chanson : un reggae bien fait, bien chanté, simple, une propagande, cela raconte l’histoire d’un mauvais garçon qui s’est tourné vers « l’unique lumière » etc. Facile : lui ou un de ses enfants appuie sur la touche « repeat » ; et on entend la chanson littéralement en boucle pendant toute l’après-midi.
Nous en sommes au quatrième mois de tournoi de foot, organisé sur le petit terrain d’à côté et baptisé « plateau omnisport de la commune » (cette mégalomanie de la ‘communication’ a peut-être été vue comme nécessaire pour dire « aux jeunes » qu’on s’occupait d’eux). Quatre mois de tournoi local, cela signifie que tous les vendredis et tous les samedis, une puissante sono beugle des noms d’équipes de foot de 17h à minuit. Noms d’équipes européennes que se collent les groupes d’ici. Sur ces commentaires sportifs simplistes, clichés et prétentieux, sont superposés par le DJ les chansons à succès du moment (dans ce tournoi, surtout de la disco–house et du brega du Brésil). Une fois encore, même si certaines chansons sont bien faites, voire agréables, l’ensemble imposé est pénible à supporter. Ainsi, la musique c’est aussi du volume sonore, de la répétition d’unités de répertoire dans la même soirée et d’une soirée sur l’autre, c’est aussi un rapport de choix entre ceux qui produisent la musique et ceux qui l’entendent (ici, qui fait marcher la sono, qui se trouve dans son rayon d’action). Quand on dit que la musique n’est pas un langage universel, cela signifie aussi cela : même si ces chansons commerciales appartiennent à un langage tonal, harmonique, rythmique, qui m’est facilement compréhensible, j’en rejette le volume, la quantité (la manière dont elle est produite). C’est un cas de figure très commun, et source de conflit dans de nombreux espaces sociaux, urbains surtout, et qui mériterait une description et une analyse plus fine19.

19Avril, hier nous sommes allés à la pêche avec Honoré, en mer. Nous avons pris un peu de poisson. Certains d’entre eux (ce ne sont pas les mêmes à chaque pêche) grognent ou cornent lorsqu’on les sort de l’eau. Il y en a même un hier, un petit silure, qui toussait exactement comme une chèvre. Dans son livre sur l’acoustique animale, Yveline Leroy (1993) montrait que dans un milieu, dans un écosystème donné, les différents animaux se répartissent le spectre de fréquences pour ne pas se marcher sur les pieds, ne pas créer de confusions sonores et sexuelles (on pourrait imaginer par exemple, une dame criquet qui entrerait dans le lit d’un moineau !). Mais il est possible que de telles égalités existent dans deux écosystèmes différents (chèvre du Poitou toussant comme un silure des Guyanes). Au retour, nous avons eu le temps d’entendre les bancs de poissons kuday20 qui se déplacent, remontent la berge avec la marée montante, rentrent dans les petits cours d’eau sous les palétuviers : une rafale légère et souple. Un crépitement bref, il ne dure que 2 secondes au maximum, avec une attaque nette, Ça commence d’un seul coup, et une extinction en pointe, très brève. Un puissant friselis. Qui l’enregistrera ? Qui le publiera ? (on dit que dans le monde, la destruction des mangroves est plus rapide que la destruction des forêts tropicales).

20Deux tourterelles dukuluwe chantent en même temps. Je ne les vois pas, elles sont bien différentes, espacées d’une dizaine de mètres. Hier, j’ai entendu une tourterelle chanter en même temps qu’un autre oiseau. Dans les deux cas, les deux chants, différents l’un de l’autre, se combinaient dans ma perception, en formant un motif simple, avec parfois des superpositions, un thème musical imbriqué, comme celui d’un orchestre à trois parties entrecroisées21. Mais les deux chants formateurs de chaque oiseau n’avaient ni le même rythme ni le même tempo, et en plus, aucun des deux n’était complètement stable. Aussi, la résultante, le motif musical qui se formait dans ma perception ne durait qu’un temps, disons une minute, puis apparaissait une nouvelle résultante. Ce nouveau thème était à la fois proche et différent du précédent : une variation. Il y eut ainsi plusieurs variations successives, formées par une modification des matériaux de base. Ces modifications n’étaient ni discontinues ni régulières. C’est-à-dire que les chants individuels (chaque partie orchestrale) pouvaient être stables un moment, puis se modifier lentement, comme un glissement lent, ou un étirement, ou une contraction lente. En revanche, le résultat, la variation était perceptible de manière nette : le passage d’un motif à l’autre se faisait comme une bascule, pas comme un glissement, avec parfois quelques secondes d’incertitude entre deux variations, un moment a-thématique. Ainsi, si, comme l’ont montré différents ethnomusicologues et ethnologues, à propos de musiques amazoniennes parfois distantes les unes des autres, les micro variations d’un thème à l’autre, dans une suite orchestrale par exemple, ou dans une série de chants, peuvent correspondre à un certain type de pensée des Amazoniens22, ce mode de composition musicale correspond aussi à une perception particulière du milieu sonore (et vraisemblablement aussi du milieu visuel, olfactif, de températures, etc.). Autrement dit, ici comme ailleurs, composer de la musique peut-être associé à un type de pensée logique qui va chercher à parcourir toute la palette de possibilités combinatoires. Mais aussi, et parfois dans le même souffle, composer est se lover dans ses sens. Et, ici comme ailleurs, penser de manière logique est aussi faire confiance à ses sens.

21Les jeunes gens passent de leur pas ferme ou nonchalant (que les sons des pas m’apparaissent dans une discontinuité nette, ou avec des traînées qui les rapprochent d’un tuilage, que le pas soit ferme ou nonchalant, il est signé comme démarche de « jeune »), à la main ou dans la poche, un téléphone portable qui diffuse une chanson à la mode. Cela fait un son très particulier qui contraste fortement avec le son des baffles, puissant, surchargé de basses, et fixe : le son de ces petits téléphones est grêle avec une dominante d’aigus23. Il porte à vingt mètres et la nuit on entend cette musique portable qui passe lentement.

22Février, nuit calme avec peu de vent. Un peu loin et très faible à la radio, un commentaire brésilien de match de foot, à peine audible. Un grincement continu et égal (la pompe à eau du voisin Shinga Adrianus ?). Un rire d’homme sporadique et contenu chez le voisin Machoin Lassoe ; peu à peu il se transforme en plusieurs rires libérés d’hommes.

Bibliographie   

AUSTIN, John L. (1962) : How to do Things with Words : The William James Lectures delivered at Harvard University in 1955. (ed. J. O. Urmson and Marina Sbisà), Oxford, Clarendon Press.
BANGS, Lester (1996) : Psychotic reactions & autres carburateurs flingués, Auch, Tristram.
Beaudet, Jean-Michel (1997) : Souffles d’Amazonie, Nanterre, Société d’ethnologie.
BOPP, Raul (1998) : Poesia Completa, Rio de Janeiro, José Olympio / São Paulo, Edusp.
CANZIO, Riccardo : « Texte et musique dans le chant des Bororo du Mato Grosso : une évaluation analytique », in DEHOUX, Vincent et al. (éd.) (1995) : Ndroje balendro. Musiques, terrains et disciplines. Textes offerts à Simha Arom, Paris, Selaf, p. 365-378.
CHARLES-DOMINIQUE, Pierre (2011) : La Guyane. Milieux, faune et flore, Paris, Cnrs.
DESCOLA, Philippe (2005) : Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard.
GEPOG (2003) : Portraits d’oiseaux guyanais, Matoury, Ibis Rouge.
GINSBURG, Natalia (1966) : Les mots de la tribu, Paris, Grasset.
Ingold, Tim (2007) : « Against soundscape », in Carlyle A. (ed.), Autumn leaves : sound and the environment in artistic practice, Paris, Double Entendre, pp. 10-13.
Lawrence, Tim (2003) : Love Saves the Day. A history of American dance music culture, 1970-7979, Durham and London, Duke University Press.
LEOPOLD, Marc (2004) : Guide des poissons de mer de Guyane, Plouzané, Ifremer.
Leroy, Yveline (1993) : l’Univers sonore animal, Paris, Dunod.
Mello, Maria Ignez C. (2005) : Iamurikuma : Música e Mito e Ritual entre os Wauja do Alto Xingu. Thèse de doutorat en antropologie Sociale, Florianopolis, PPGAS/UFSC, ms. (disponible en pdf sur le site www.musa.ufsc.br).
MONTARDO, Deise Lucy (2009) : Através do Mbaraka. Música, danÇ a e xamanismo guarani, São Paulo, Edusp.
PIRES ROSSE, Eduardo (2013) : Kõmãyxop. Etude d’une fête en Amazonie (mashakali/tikmũ’ũn, M.G. – Brésil), Thèse de Doctorat en ethnologie, Nanterre, Université Paris Ouest, ms.
Watts, Alan (1991) [1958] : Nature, Man, and Woman. Vintage reissue.

Notes   

1 Sont écrits en italiques, les mots en langue kali’na, ainsi que les onomatopées de mon cru.

2 Une version de cet article a été traduite et publiée dans l'ouvrage suivant :

3 Dans le champ de la littérature, le livre de Natalia Ginzburg Les mots de la tribu (Lessico famigliare) est un exemple remarquable d’écriture naïve.

4 Dukuluwe, tourterelle, Columbina spp. (Il y en aurait quatre espèces différentes dans la région). Les identifications d’animaux sont extraites de Gepog 2003 et de Leopold 2004. Pour une compréhension des écosystèmes de cette région, voir Charles-Dominique 2011.

5 Ani, Crotophaga ani.

6 kulum, urubu noir, Coragyps atratus.

7 Cette caractéristique cosmologique est répandue en Amazonie. On peut en trouver un témoignage littéraire dans le chant VII du poème Cobra Norato de Raul Bopp : Sapo sozinho chama chuva, « crapaud solitaire appelle la pluie ». Vers bref, ramassé même, comme souvent chez Bopp, mais qui suffit à nous montrer que c’est là une manière de dire présente aussi sur les berges de l’Amazone (R. Bopp, 1998 : p. 156).

8 « Brillant » est lui aussi un terme d’acoustique musicale. « Blanc », « brillant », on voit que les acousticiens n’ont pas peur d’appliquer aux sons un vocabulaire extrait du monde visuel. Dans ce cas, cette synesthésie lexicale est directement issue de la représentation graphique du son.

9 On peut entendre ces malaka dans le disque The Maroni River Caribs of Surinam. (1996) [1975], Peter Kloos (ed.), Amsterdam, Royal Tropical Institute / Leiden, Pan Record.

10 Ce que Montardo (D. Montardo, 2009 : p. 152) nomme une marcação unitaria, “un temps à l’unité” ?

11 Canzio (1995) pour la musique bororo, et Montardo (2009) pour le chamanisme guarani ont montré qu’une analyse des sons de hochet nécessitait la prise en compte du geste.

12 Cacicus cela.

13 Psarocolius decumanus.

14 Voir, entre autres, A. Watts 1991 [1958], P. Descola 2005.

15 Meku, Cebus apella.

16 We’tu, Pic ouentou, Dryocopus lineatus.

17 “Faire, c’est dire” : quelques décennies après l’irruption durable des propositions d’Austin (1962), l’ethnologie a éprouvé le besoin, et a tenté de les inverser, pour les rituels par exemple.

18 C’est aussi un des arguments de Tim Ingold dans sa critique de la notion de “soundscape” (Ingold 2007).

19 Voir, entre autres, L. Bangs 1996, T. Lawrence 2003.

20 Kuday, Gros yeux, Anableps anableps.

21 Nommées aussi “interlocking parts” ou “hoquet” (voir J.-M. Beaudet, 1997).

22 Voir notamment J.-M. Beaudet 1997, M.-I. Mello 2005, E. Pires Rosse 2013.

23 Les fabricants prétendent souvent couvrir des plages entre 100 et 18 000 Hz; mais dans les faits, à première vue, peu de téléphones y parviennent, on se situe plutôt entre 300 et 16000 Hz (peu de fréquences graves), et pour éviter les saturations, on choisit des morceaux mettant en avant les fréquences de 600 à 16000 Hz. De plus, divers codecs et logiciels dédiés aux mobiles dénaturent les originaux, pour une écoute optimale dans un rayon de trois mètres en milieu urbain bruyant ou dix mètres dans un milieu confiné (Camilo Laks Martínez, comm. pers. 2011).

Citation   

Jean-Michel Beaudet, «Troisième quartier. Sons entendus ici», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Musique et écologies du son. Propositions pratiques pour une écoute du monde, Musique, nature, espace, mis à  jour le : 03/04/2015, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=688.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Jean-Michel Beaudet

Jean-Michel Beaudet has been involved in research on amazonian music and dance for nearly 40 years. He lived for a long time in amerindian villages in Brazil, Bolivia and French Guyana. He also worked for several years in Oceania. He is currently Professor at the University of Paris-Ouest, where he teaches music and dance anthropology. An active member of CNRS (CREM/LESC), he has published many articles and three books: Souffles d’Amazonie (Nanterre, Société d'ethnologie, 1997), Nous danserons Jusqu’à l’aube (in collaboration with Jacky Pawe. Paris, CTHS, 2010), Parikwene agigniman. Une présentation de la musique parikwene (palikur) (in collaboration with Pival, Berchel Labonté et Ady Norino. Matoury, Ibis rouge ed., 2013). His recordings had been mainly published by the CNRS-Musée de l’Homme collection: Wayãpi de Guyane. Un visage sonore d’Amazonie (1998), et Chants kanaks. Cérémonies et berceuses (in collaboration with K. Tein and L. Weiri, 1990). He also made two documentary films: Tapaya. Une fête en Amazonie bolivienne (in collaboration with P. Erikson et P. Jobet. Paris, CNRS, 2001), et Les trucs que grand-mère a fait (in collaboration with V. François, P. Lacaisse, F. Singh et K. Kukawka. Mana, Chercheurs d’art, 2007).