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Acqua acetosa

Giuliano d’Angiolini
juin 2011

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/filigrane.386

Résumés   

Résumé

De quoi nous sommes faits ? Que c’est qui se grave en nous et détermine nos attitudes profondes ? Comment le chemin laborieux des nos choix artistiques a pris forme ? Si je dois me décrire et décrire ce qu’on appelle une esthétique, je commencerais par un souvenir ; cette incision dans le temps du vécu...

Abstract

What are we made of? What is engraved into us, determining our deepest attitudes? How did the laborious path of our artistic choices take form? If I were to describe myself and to describe what could be called aesthetics, I would begin with a memory – that incision of time into being…

Index   

Texte intégral   

Tu morirai fanciullo ed io ugualmente.
Ma più belli di te ragazzi ancora
dormiranno nel sole in riva al mare.
Ma non saremo che noi stessi ancora.
(S. Penna)

Tu mourras, enfant, et moi aussi.
Mais de plus beaux garçons que toi encore
Dormiront dans le soleil de la plage.
Mais nous ne serons que nous-mêmes encore.

1Le train filait à travers champ, terrain vague aux limites de la ville. Un petit train bleu qui commence comme un métro dans un tunnel obscur et finit sous un plein soleil de campagne. L’entrée de la gare se trouvait à l’intérieur d’un immeuble. On accède, du marbre blanc, froid et lisse du bâtiment, à une grotte sombre à peine dégrossie, accueilli par une bouffée d’air chaud, une haleine saturée de l’odeur forte des rails. Dans cet antre caverneux (sous-sol impensable) le silence de l’attente précède un fracas de cataclysme. Le train des employés des banlieues boueuses, et, en sens inverse, celui des excursions hors les murs qu’affectionnaient les petits-bourgeois. Mais ça, c’est une autre histoire.

2Un berger descendait aussi ce champ, transhumant avec son troupeau de moutons. C’était également un lieu de rencontres nocturnes et le pied-à-terre de prostituées. Toute une activité secrète dont nous étions curieux, troublés. Nous ne savions rien, mais nous comprenions parfaitement. Le corps de la femme nous ravissait déjà. Nous jouions au ballon, ou plus souvent parcourions en vélo des sentiers tortueux sans destination ni utilité manifeste. Des sortes de méandres, comme d’un labyrinthe sans logique ni raison. Il y avait le parfum de l’herbe humide, des feux de buissons, les surprises du terrain, vallonnements, flaques d’eau, baraques, ouvertures soudaines sur le paysage, chats (souvent en piteux état), plantes en fleurs, déchets en tout genre. L’accès interdit à la partie privée de la Villa Ada : un bois très dense, mystérieux qui s’ouvrait sur une grande clairière déserte. Au-dessus de ce terrain informe, qui était celui de nos jeux, les martinets descendaient au crépuscule criant pour nous l’heure de rentrer. Au bas de la maison, l’odeur si douce du jasmin m’attendait – elle est restée pour moi celle de l’espérance (peut-être pour sa douceur même ; ou bien devrais-je dire : « celle des douces espérances »). Marchant sur le pavé opaque, je me sentais déjà chez moi, je sentais la présence de ma mère. De l’amour de ma mère.

3Rome, et avec elle, le temps de mon enfance, sont partagés entre la ville et la campagne, l’actualité et l’antiquité, le passé et le présent. Ville de la mémoire et de l’instant, comme de l’urbain et du rural, du civilisé et du sauvage, de l’artificiel et du naturel, de l’organisé et du spontané, etc. À Rome, on est toujours à la frontière entre deux espaces, deux temps. Un cippe antique fiché dans l’asphalte, des herbes folles qui poussent au bord des trottoirs… Ville douce et mélancolique.

4Encore enfant, ou jeune adolescent, je me demandais souvent ce que serait mon avenir. Aujourd’hui, étant l’avenir d’alors, je peux répondre à ce garçon que le futur est mon passé.

5Dans cette question que je posais avec peur et appréhension à la vie, se trouvait inscrit un désir précis d’amour. L’amour, l’amour qui dure, voilà notre projet instinctif contre la mort. Faire des enfants contre la mort. Rage, rage against the dying of the light. Sur tout, sur toute chose de la vie s’étend la conscience. De quoi donc ? De notre mort. Les astrophysiciens postulent l’existence spéculaire de l’antimatière « à côté » de la matière. Invisible, insaisissable, indiscernable, elle a une telle importance dans l’univers !

6Pourtant cette opposition vie/mort est celle de l’homme au quotidien, celle des jours qui passent, comme me le rappelle le mécanisme du réveil juste à côté de moi. C’est également celle de ces hommes qui ont voulu mesurer le temps (quelle étrange idée !). Alors que j’écris, le ciel indéniablement s’assombrit.

7Il y a l’homme qui a vécu la mort de sa mère, de son père. J’ai vu disparaître mon père alors que peu de temps auparavant il se trouvait à mes côtés. Combien de temps avant ? Toujours ; il a toujours été là. Et il y est encore.

8« Tout s’écoule » vaut son contraire : tout demeure. Ni naissance ni mort. Vie et mort, aucune différence, l’une exclut l’autre en apparence, l’une est l’autre en substance.

9Le futur est mon passé, disais-je. Ma fin est mon commencement ? Non, nous sommes dans un bloc de présent. Immobile, même s’il se meut. Seulement cela. Et c’est ce que ma musique affirme.

(Trad. : Gérard Pesson)

10Acqua acetosa

11Il treno sfilava tagliando il campo, terrain-vague ai limiti della città. Un trenino blu che comincia come una metropolitana in un’oscura galleria e termina nel pieno sole della campagna. L’ingresso della stazione si trova all’interno di un palazzo ( !). Dal marmo bianco, freddo e liscio dell’edificio si accede ad una grotta buia, appena sbozzata e si è accolti da una vampata d’aria calda, un alito saturo dell’odore forte dei binari. In quella cavità cavernosa (impensabile scantinato) il silenzio dell’attesa precede un fracasso da cataclisma. Un treno per i pendolari delle borgate fangose e in senso inverso, per le gite « fuori porta » dei piccolo borghesi. Ma questa è un’altra storia.

12In quel campo scendeva anche, transumante, un pastore e il suo gregge di pecore. Era anche luogo di incontri notturni e pied-à-terre delle prostitute. Tutta un’attività segreta che ci incuriosiva procurandoci turbamento. Non ne sapevamo niente, ma capivamo benissimo. Il corpo femminile ci rapiva già. Giocavamo a pallone o più spesso percorrevamo in bicicletta dei tortuosi sentieri senza direzione dei quali non era chiara l’utilità. Una specie di meandro labirintico senza logica ne ragione. C’era il profumo dell’erba umida, dei fuochi di sterpi, le sorprese del terreno, avvallamenti, pozzanghere, baracche, improvvisi squarci di paesaggio, gatti (spesso assai malconci), piante in fiore, rifiuti di ogni genere. L’accesso proibito alla parte privata di Villa Ada : un bosco fittissimo e misterioso che si apriva su una grande radura deserta. Sopra quel terreno informe che era quello dei nostri giochi, i rondoni calavano al crepuscolo gridando per noi il segnale del rientro. Sotto casa mi avrebbe atteso l’odore dolcissimo del gelsomino, che -direi-è per me l’odore della speranza (forse proprio per via della dolcezza ; quindi dovrei dire : delle dolci speranze). E percorrendo il selciato ricoperto di mattonelle grigie e opache mi sentivo già a casa. Fin da quelle mattonelle sentivo la presenza di mia madre. Dell’amore di mia madre.

13Roma, e con lei il vissuto della mia infanzia, si trova in bilico tra città e campagna e tra antichità e attualità, cioè tra passato e presente. Città della memoria e dell’istante, così come dell’urbano e del rurale, ovvero del civile e del selvatico, dell’artificiale e del naturale, dell’organizzato e dello spontaneo, eccetera. A Roma si è sempre sulla linea di confine tra due spazi o due tempi. Un cippo antico incastonato nell’ asfalto, erbe folli che crescono ai margini dei marciapiedi... Città dolce e malinconica.

14Allora, ancora bambino o appena adolescente, mi chiedevo spesso quale sarebbe stato il mio avvenire. Oggi, che sono l’avvenire di allora, posso rispondere a quel ragazzo che il futuro è il mio passato.

15In quella domanda che rivolgevo con timore e apprensione alla vita era insito un preciso desiderio di amore. L’amore, l’amore che continua, è il nostro progetto spontaneo contro la morte.

16Fare figli contro la morte. Rage, rage against the dying of the light. Su tutto, su ogni cosa della vita, si estende la coscienza. Di che ? Sopratutto della nostra morte. Gli astrofisici postulano l’esistenza speculare dell’antimateria « accanto » alla materia. È invisibile, inafferrabile, indiscernibile, ma pesa nell’universo !

17Però questa opposizione vita vs morte è dell’uomo quotidiano, quello dei giorni che scorrono, come insiste a rammentarmi il ticchettio della sveglia accanto a me. Anche di quegli uomini che hanno voluto misurarlo, il tempo (che idea bizzarra !). E adesso che scrivo il cielo si fa scuro, innegabilmente.

18Ma c’è l’uomo che ha vissuto la morte della madre e del padre. Ho visto mio padre scomparire, così come poco prima si trovava con me. Poco prima quando ? Sempre, c’èsempre stato. E c’è ancora.

19« Tutto scorre » (panta rei) vale il suo inverso : tutto sta. Ni naissance ni mort. Vita e morte non vi è differenza, l’una esclude l’altra in apparenza ; l’una è l’altra in sostanza.

20Il futuro è il mio passato, ho detto. Ma fin est mon commencement ? No, si è in un blocco di presente. Immobile, anche se si muove. C’è solo questo. E questo afferma la musica che scrivo.

Citation   

Giuliano d’Angiolini, «Acqua acetosa», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Numéros de la revue, Nouvelles sensibilités, mis à  jour le : 08/12/2011, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=386.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Giuliano d’Angiolini

Giuliano d’Angiolini est compositeur et musicologue. Il est né à Rome en 1960 et depuis 1988 il vit à Paris. Ses œuvres ont été jouées par les ensembles Alter Ego, 2e2m, Fa, Ictus, Le Banquet, Moderne, le Quatuor Parisii et dans plusieurs festivals importants (Ars Musica, Aujourd’hui Musiques, Festival d’Automne, Musica, Voix Nouvelles...). Un disque de ces compositions, interprété par l’Ensemble 2e2m et le Quatuor Parisii est en voie de publication.
Gérard Pesson a écrit de lui : « Giuliano d’Angiolini est absolument singulier dans le paysage musical. Sa démarche profonde, réfléchie, obstinée, l’a conduit à élaborer une musique qu’il appelle impersonnelle, musique dont toute idée de développement ou de forme est bannie. Par des états successifs d’évidences, qui ont à voir avec l’élucidation, d’Angiolini dit avoir voulu “laisser sa place au son pour que la musique devienne moins volontaire”, approche qui l’a conduit à privilégier la superficie – démarche rien moins que superficielle –, la part immédiate de toute proposition sonore, et le présent, qui est la superficie même du critère temporel. [...] D’Angiolini a préparé sa tabula rasa : faire “une musique qui ne soit plus construite sur les exigences de la compréhension, mais sur la perception du phénomène” [...] ».