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Avertissement
Musique et rythme

Jean-Paul Olive, Jean-Marc Chouvel, Joëlle Caullier et Makis Solomos
janvier 2012

Index   

1Déjà le numéro 10… La revue Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société, lancée en 2005 à raison de deux numéros par an, a déjà balayé des thèmes qui nous tenaient à cœur : Musicologies ? (n° 1), Traces d’invisible (n° 2), La société dans l’écriture musicale (n° 3), Nouvelles sensibilités (n° 4), Musique et globalisation (n° 5)1, Musique et inconscient (n° 6), Musique et bruit (n° 7), Jazz, musiques improvisées et écritures contemporaines (n° 8), L’individuel et le collectif dans l’art (n° 9). Mais ce n’est qu’un commencement, car les idées ne manquent pas, et nous projetons d’explorer de nombreux autres thèmes dans un avenir proche : New Musicology. Perspectives critiques (n° 11), Musique et lieu (n° 12), l’interprétation musicale, musique et conscience, musique et anthropologie… (prochains numéros).

« Nommer une revue, c’est déjà annoncer un programme. […]. Qu’évoque […] Filigrane ? L’absence d’évidence sans doute, un penchant pour l’introversion, mais aussi la nécessaire perméabilité au regard cherchant à pénétrer l’apparente transparence pour découvrir ce qui est crypté dans la matière, ce qui a été déposé par l’homme désireux d’imprimer, au cœur du matériau qu’il destinait aux autres, au cœur de son œuvre, un signe secret, la trace d’un passage, d’une origine, d’une appartenance… Un filigrane conteste la frontière imposée par la surface de la page, suppose la nuance, l’estompement, mais il réclame aussi du lecteur une disposition particulière, qui le rende apte à identifier les empreintes mystérieuses qu’on ne remarque pas dès l’abord – le signe de l’autre –, ce qui échappe au visible… Or c’est bien cette disposition qui motive la naissance de Filigrane, une revue consacrée, non pas à la musique contemporaine comme ensemble constitué d’œuvres et de discours, mais bien plutôt à la création considérée comme un champ de forces où s’élabore le sens du monde. Le projet est ici de considérer la musique comme un phénomène global où le sens se forge et circule, où l’homme emploie ses facultés à construire un monde en même temps que lui-même. La musicologie devient alors le lieu où les sciences de l’esprit et de la société croisent la pensée propre de l’art, une pensée en acte, non discursive, une pensée de l’expérience humaine, métaphorisée par l’invention et la disposition d’un matériau dans le temps et dans l’espace. Or, si la musique est bien, avant tout, une pensée de l’expérience, comment la musicologie pourrait-elle sensément, sans contradiction avec l’art lui-même, se constituer en discipline autonome médiatisant cette expérience ? N’a-t-elle pas le devoir de partager la destinée de l’art tout en s’enrichissant de points de vue multiples qui élèveront sa fonction, au confluent de l’art et des sciences humaines ? Une louange de l’interdisciplinarité certes, mais plus encore peut-être, de l’indisciplinarité féconde de l’art ! »,

2écrivions-nous dans l’éditorial du numéro 1. Avons-nous atteint notre but ? Laissons le lecteur en décider.

3Au niveau de son fonctionnement, la revue a évolué sur deux points importants. D’une part, née de la volonté de ses quatre fondateurs (comité de rédaction) de faire un acte d’engagement pour travailler en faveur de la musicologie en laquelle ils croient, elle s’est ouverte. Ainsi, la direction de trois numéros, dont le présent, a déjà été confiée à des collègues, avec qui, bien entendu, le quatuor fondateur se sent en affinité intellectuelle. Nous espérons que, sans renier l’engagement, la revue trouvera sa place au sein de la communauté des chercheurs européens concernés.

4Seconde nouveauté : les numéros donnent lieu à un appel à communication. Une sélection des articles est ensuite opérée par les responsables du numéro, en accord avec le comité de rédaction. Enfin, chaque article est lu par deux personnalités extérieures à la revue, lesquelles peuvent se prononcer contre sa publication ou demander des modifications, et qui envoient aux auteurs (anonymement) des commentaires pour engager la discussion. De la sorte, la revue prend position dans le débat sur l’« expertise » et l’« évaluation » : oui à l’évaluation, mais pour fonder précisément des valeurs, et non pour le plaisir de quantifier ou d’exercer un pouvoir…

5Le présent numéro de Filigrane est le troisième dirigé par des membres extérieurs au comité de rédaction. Nous tenons à remercier Geneviève Mathon et Éric Dufour d’avoir proposé la thématique du numéro, Musique et rythme, et d’avoir réalisé un numéro très riche.

6En exergue à ce numéro, le lecteur trouvera une partition totalement inconnue de Iannis Xenakis : une partition inédite, d’une pièce jamais encore exécutée. Elle date de l’époque de formation, où le compositeur était encore élève d’Olivier Messiaen, et où, sans doute sous l’instigation de ce dernier, il s’intéressait profondément au rythme, comme en attestent ses notes très importantes2. ll est encore peu connu que le premier Xenakis était bien plus intéressé par le rythme (et la mélodie) que par le son et par les relations à la physique ou aux mathématiques. C’est sans doute parce qu’il ne trouva pas un système, une écriture qui le satisfaisait, qu’il finit par abandonner ces recherche rythmiques, pour emprunter la direction que l’on connaît (masses, transformations continues, etc. eu égard à la question du son, combinatoire et probabilités en ce qui concerne l’intérêt pour les mathématiques). La preuve en est que, plus tard, il récupérera progressivement les recherches rythmiques, pour finir par aboutir aux chefs d’œuvres pour percussions tels que Persephassa ou Psappha. La partition inédite en question démontre que le jeune Xenakis, sans avoir encore trouvé son écriture propre – la référence principale est la métrique de la musique indienne, qu’il étudie à l’époque à travers Messiaen et par lui-même3 –, comme il vient d’être dit, regorge de possibilités et de manières d’enrichir les perspectives rythmiques.

7Cette partition constitue sans doute plus un « exercice » (une « étude ») qu’une œuvre aboutie, mais elle mériterait amplement d’être créée ! Elle est donnée ici à travers la transcription de François-Bernard Mâche, que nous tenons à remercier vivement de nous avoir confié sa parution originale ainsi que la publication de son texte « Xenakis et la musique indienne ».

8Nous tenons également à remercier chaudement la famille Xenakis (Françoise et Mâkhi Xenakis) d’avoir accepté d’autoriser cette publication.

Notes   

1  La revue a organisé également un colloque sur le même thème (en novembre 2008, au Cdmc et à la Cité de la musique), avec des thématiques et des auteurs différents du numéro 5, colloque dont les actes devraient paraître prochainement sous forme de livre.

2  Cf. notamment le Carnet 1 (Archives Xenakis, Bibliothèque Nationale de France), où on lit par exemple : « L’autre jour, j’ai essayé des superpositions de rythmes différents : 7/8 + 5/8 + 1/8. Le résultat au bout de 3 répétitions était très pauvre. L’imprévu manquait. Très difficile avec seulement le bruit. Faudrait étudier Histoire du soldat, le finale » (septembre 1951).

3  Cf. ibid., « La musique hindoue » (octobre 1951).

Citation   

Jean-Paul Olive, Jean-Marc Chouvel, Joëlle Caullier et Makis Solomos, «Avertissement», Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société. [En ligne], Musique et rythme, Numéros de la revue, mis à  jour le : 30/01/2012, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=316.

Auteur   

Jean-Paul OliveJean-Marc ChouvelJoëlle CaullierMakis Solomos