Disparues


Numéro 1 - Processus d’apprentissage et d’appropriation

Gaëtan Tremblay et François Pichault

Editorial -1992


Résumé
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  Résumé

Les différents textes de ce numéro envisagent, chacun à leur manière, les phénomènes d'apprentissage et d'appropriation liés au développement des nouvelles technologies. Tout d'abord, Ronald Pirson pose la question de la concertation européenne en matière d'éducation et de nouvelles technologies. Conscient des dangers d'évolution vers une société duale, il souligne le rôle majeur du système éducatif dans l'égalisation des chances et la création d'une conscience européenne. Mais il s'agit là d'un domaine où chacun des Etats membres est jaloux de ses prérogatives et où la coopération suit nécessairement une courbe tangente. Le programme Euryclée, malgré l'hétérogénéité de son réseau, semble prometteur : « si les difficultés méthodologiques et institutionnelles qui président à la construction d'un tel réseau pouvaient être surmontées pour lui donner une légitimité et une identité comparable à celle dont dispose le réseau Eurydice, la Communauté serait alors dotée de deux outils complémentaires capables de contribuer concrètement et efficacement à la définition d'un espace européen de réflexion et de concertation en matière d'éducation ».

Jean-Bernard Carrière propose quant à lui d'aborder l'innovation technologique par le biais de l'apprentissage. Le modèle qu'il construit présente l'avantage de mettre en relief tout autant la continuité que la rupture dans l'appréhension et la gestion de tout processus d'innovation en entreprise. Les distinctions qu'il établit entre divers types d'apprentissage (par développement, par fabrication, par utilisation, par diffusion) lui permettent d'envisager la question dans sa globalité et de proposer une grille d'analyse stratégique adaptée à la diversité des situations auxquelles font face les entreprises : « nous suggérons par notre modèle que la stratégie d'innovation technologique de produit/procédé peut être conçu en terme d'apprentissage au niveau de l'organisation. Cette approche permet, dans une optique de management stratégique, pour le praticien de gérer, et pour le chercheur d'analyser le processus global d'innovation au sein d'une organisation ».

Michel Desmarais, Luc Giroux et Serge Larochelle traitent d'apprentissage dans un tout autre contexte : celui des programmes d'aide automatisés à l'utilisation des logiciels d'application. Ils présentent en trois modules (le module d'analyse des actions, le module d'inférence et d'évaluation de la connaissance et le module conseiller) les principes de systèmes actifs de consultation destinés à favoriser l'utilisation optimale des logiciels d'application. « De tels systèmes coach ont l'avantage de fournir une formation continue et personnalisée, tout en demeurant non obstructifs. En effet, ils sont actifs pendant que l'utilisateur s'affaire à son travail habituel sur l'ordinateur mais n'interviennent que pour apporter des suggestions ou enseigner les notions encore inconnues de cet utilisateur particulier ». Une série d'expérimentations à partir de l'utilisation du logiciel de traitement de texte WordPerfect ont permis aux auteurs de tester la validité de leur modèle et d'identifier de nouvelles directions de recherche, en particulier la nécessité d'inclure des sources complémentaires d'information à l'usage des méthodes inefficaces.

Harry Bouwman et Paul Slaa aident à comprendre que la clé de tout développement technologique réside dans le mode d'appropriation par ses utilisateurs. Dans cette perspective, leur objectif est d'essayer de trouver une méthode de prédiction de la masse critique dans l'adoption d'une technologie de communication comme le vidéotex. Après avoir présenté les limites des approches existantes pour évaluer cette masse critique et les seuils individuels de décision, ils discutent des résultats d'un sondage effectué aux Pays-Bas et des renseignements qu'on peut en tirer concernant les variables qui influencent le choix des consommateurs. Leurs conclusions sont ambivalentes :« nous pouvons en conclure, en ce qui concerne la prédiction de la masse critique, qu'il est beaucoup plus important de savoir combien d'individus pourraient utiliser le système avant que quelqu'un prenne la décision de l'utiliser lui-même que de connaître la somme qu'il est prêt à payer. Même si l'approche de Marwell et Oliver doit être intéressante pour les fournisseurs de services et les propriétaires de systèmes de vidéotex, leur méthode de calcul de la masse critique fondée sur la disposition à investir des individus n'a qu'une valeur limitée. D'un autre côté, notre recherche montre que l'interdépendance des décisions est importante pour l'établissement des seuils individuels mais cette approche ne permet pas la prédiction de la masse critique ».

Enfin, Jean-Guy Lacroix, lui aussi, souligne l'importance des problèmes d'appropriation des nouvelles technologies en se centrant, dans une note de recherche, sur les transformations en cours dans le travail de création, en particulier celui des musiciens-compositeurs et des écrivains. A partir d'une série d'entrevues, il analyse les perceptions que les artisans de la création culturelle se font des changements introduits dans leurs activités par l'utilisation des NTIC. L'ambivalence de leur discours, oscillant entre la fascination exercée par le potentiel des nouveaux outils et un certain sentiment de dépossession du savoir transparaît clairement. L'interprétation qu'en tire Lacroix ne manquera pas d'alimenter un débat déjà ouvert par Pierre Lévy : « en fait, ce processus bouleverse radicalement les conditions de cognition et par extension la cognition elle-même, la connaissance. Il transforme structurellement les conditions de formulation, de conservation et d'utilisation de la pensée. Nous devons nous interroger sur la portée sociale de ces transformations pour prendre pleinement conscience de l'ampleur du changement et surtout pour le comprendre, ce qui finalement est l'objet de l'évaluation sociale des nouvelles technologies d'information et de communication ».

Nos lecteurs auront sans doute remarqué que la revue TIS est désormais publiée chez Dunod. Nous espérons que ce changement d'éditeur nous permettra de mieux servir nos abonnés, en particulier les européens. Nous nous excusons pour le léger retard qu'un tel changement a entraîné dans la parution de ce numéro.

Bonne lecture !

Erratum

Une malencontreuse erreur s'est glissée p. 248 du Vol. 3, n°2/3 de TIS. En effet, les notices biographiques de Monsieur M. Neboit et de Madame Ch. Poyet ont été interverties. Nous prions ces auteurs de bien vouloir nous en excuser et publions ci-dessous la rubrique corrigée.

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