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Les médias comme espaces de (re)configurations et de (re)négociations des droits humains

Karoline TRUCHON
novembre 2014

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/cultureskairos.988

Résumés   

Résumé

Cet article illustre de cas comment un droit, pour qu’il advienne, nécessite la combinaison de deux éléments. D’emblée, l’appel au droit doit être visibilisé par les personnes qui pensent qu’elles en sont privées. Ensuite, ce manque, révélé par l’appel au droit doit être ressenti par des personnes influentes et du public en général. Il s’appuie sur trois analyses de cas qui présentent les stratégies médiatiques utilisées par FEMEN, Malala Yousafzai et son équipe de conseillers et Aliaa Magda Elmahdy, aussi associée à FEMEN. Il présente également la réception de ces stratégies par les différents publics auxquels elles s’adressent.

Abstract

This paper illustrates how a human right needs to be visibilized as a lack for and by some members of society and how simultaneously this lack needs to be recognized by influential members of society as well as general audiences in order to be legitimately a human right. It builds its argument on three case studies, which present how FEMEN, Malala Yousafzai and various consultants as well as Aliaa Magda Elmahdy use media strategies to make their points. It also analyses how different audiences receive and interact with these strategies.

Index   

Index de mots-clés : droits humains, FEMEN, Malala Yousafzai, Aliaa Magda Elmahdy, médias.
Index by keyword : human rights, FEMEN, Malala Yousafzai, Aliaa Magda Elmahdy, media.

Texte intégral   

1Un droit, pour qu’il advienne, nécessite la combinaison de deux éléments : dans un premier temps, l’appel au droit doit être visibilisé par les personnes qui pensent qu’elles en sont privées et, dans un deuxième temps, ce manque – révélé par l’appel au droit – doit également être ressenti par des personnes influentes et du public en général (Hunt, 2007 et Sliwinski, 2011). Plus précisément, « le fait d’être spectateur […] est primordial car les droits doivent être perçus comme étant enfreints pour entrer dans la conscience publique » (Hunt 2011 : ix)1 et « pour que les droits humains deviennent des évidences […] des personnes ordinaires [et influentes] doivent développer de nouvelles compréhensions qui émergent du ressenti de nouveaux sentiments» (Hunt 2007 citée par Sliwinski, 2001, p. 8)2. Ainsi, les droits humains demandent la mise en place d’une « scene of human rights as a scene of aesthetic conflict » pour des auditoires ciblés par la visibilisation de « droits » que des personnes soulignent ressentir manquer et revendiquent (Sliwinski, 2011, p. 31). Et, de plus, « [l’]histoire des droits humains peut être racontée comme celle de visibilités sélectives et différentielles qui a positionné certains corps, certaines populations et certaines nations comme des objets de reconnaissance et a octroyé à d’autres le pouvoir du regard ainsi que les moyens de conférer cette reconnaissance » (Hesford, 2011, p. 2)3. La visibilisation des droits nous conduit donc à des scènes d’interpellation (Butler, 2007) au sein desquelles autant les requérants de droits que les audiences sollicitées performent des rôles mouvants qui permettent ou non à ces appels à droits de se concrétiser.

2J’aimerais amorcer ici le développement d’une explication anthropologique qui pourrait contribuer à illustrer ce que Hesford (2011) nomme le « human rights spectacle », espace au sein duquel l’esthétique de la spectacularisation des enjeux liée aux appels de droits est constamment redéfinie. Cependant, l’analyse que je propose s’éloigne des propos de Hesford (2011) et Sliwinski (2011) car, au lieu de ne montrer que l’instrumentalisation « des médias » envers les personnes qui revendiquent des droits et les situations au sein desquelles elles se trouvent, je montrerai que cette instrumentalisation peut également être utilisée par les personnes revendicatrices et d’autres personnes qui pourraient bénéficier de la visibilisation de luttes pour ces droits ainsi que de leur acquisition. Je définis l’instrumentalisation comme une tentative d’influencer un résultat anticipé. Par ailleurs, aucun jugement moral n’est rattaché à cette définition. Par conséquent, je proposerai un déplacement dans la perception des dynamiques de pouvoir « des médias » sur les requérants de droits humains et les personnes de leur entourage : le pouvoir serait bi-directionnel plutôt qu’uni-directionnel, avec diverses gradations.

3Pour étayer cette affirmation, je montrerai également que « les médias » ne peuvent plus être conceptualisés comme un outil qui devrait principalement communiquer et informer – une position idéaliste fréquemment revendiquée. J’expliquerai que « les médias » sont intrinsèquement des outils de contrôle qui peuvent apporter du pouvoir, surtout si les personnes qui les sollicitent, les créent et les diffusent connaissent les rouages autant que les environnements où sont utilisés ces médias. Les médias s’avèrent ici des espaces publics au sein desquels des personnes aux différents intérêts et aux revendications diverses tentent d’insérer leurs points de vue afin de les débattre et, si possible, de les faire entériner, par le biais de stratégies adaptées aux contextes où elles sont utilisées, malgré que les résultats qualitatifs de cet exercice puissent être débattus.

4Pour illustrer ces deux déplacements conceptuels, je présenterai trois situations récentes qui impliquent des personnes ou des groupes de femmes. Ces trois situations aux esthétiques performatives différentes ont généré des conflits d’interprétation entre les requérantes et diverses audiences à qui elles ont présenté ces appels à droits. Ces personnes et ces groupes de femmes, je postule, utilisent les médias de masse et sociaux comme des espaces publics pour visibiliser leur(s) manque(s), présenter leur(s) demande(s) et défendre « leur cas » pour convaincre de sa validité car ils comprennent que l’octroi d’un droit est une lutte pour déstabiliser la relation asymétrique de pouvoir entre ceux qui décident et ceux qui demandent, et un des éléments sur lesquels s’appuie cette déstabilisation est la reconnaissance que peut générer la visibilité.

5J’illustrerai ces déplacements en utilisant un modèle développé par Andrea Brighenti (2007, p. 323) qui stipule que la visibilité est un concept qui devient une catégorie sociale si nous l’utilisons pour révéler « the relational, strategic and processual aspects » de situations particulières. J’ai choisi de discuter quelques aspects précis des situations sélectionnées plutôt que privilégier l’analyse en profondeur d’une situation afin de montrer la transversalité de l’instrumentalisation de la visibilisation de revendications sous le vocable « des droits (humains) » par les personnes impliquées des trois situations présentées ici4.

Une instrumentalisation médiatique pré-fabriquée qui universalise l’expérience d’être « femme » : le cas de FEMEN

6Fondée en 2008 à Kiev, en Ukraine, FEMEN se qualifie de « mouvement » revendiquant le droit des femmes d’être sans peur et responsable de leur corps. En août 2012, il établit son quartier général à Paris. FEMEN s’autoproclame réunir des « sextrémistes », ou encore des « activistes topless », et, avant de déménager son siège social à Paris, invitait les femmes à concrétiser sa mission qui était de devenir, « the biggest and the most influential feminist movement in Europe »5. Depuis ce déménagement, le groupe revendique un universalisme et s’affiche sous l’appellation : « FEMEN est un mouvement féministe international » et son slogan est : « Nos seins nus sont nos armes. Sors, déshabille-toi et gagne ! »6.

7Une des principales stratégies de FEMEN est de mettre en scène ce que le groupe appelle des « noticeable erotically-flavored rallies » avec l’objectif de protester contre toutes les pratiques de patriarchie – composée de « trois ennemis », selon le groupe, soit « l’exploitation sexuelle, les institutions religieuses et les dictatures »7. FEMEN justifiait avant son déménagement à Paris ses « provocative methods » en affirmant : « C’est la seule manière d’être entendues […]. Si nous avions mis en scène des protestations qu’avec des bannières, nos revendications n’auraient pas été remarquées»8,9.

8Inna Shevchenko, une des membres fondatrices de FEMEN, assume fréquemment le rôle de porte-parole dans les médias et elle est probablement « la FEMEN » la plus photographiée.

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Inna Shevchenko

© Karoline TRUCHON d’une photo de Guillaume HERBAUT, 2012.

9Cette photo dévoile en grande partie les motifs de l’utilisation de cette femme comme porte-parole et de l’engouement médiatique qui l’entoure : photogénique, Inna possède également un corps sculpté au goût du jour – certainement des photographes, la plupart de genre masculin – et elle adopte des postures qui, en bombant le torse, font ressortir les reins et donnent ainsi un air à la fois de défiance et de séduction, caractéristiques accentuées par son regard aussi direct qu’évasif. Cette manière de se projeter dans l’espace public et d’interagir lors de protestations et d’arrestations est enseignée dans les « camps d’entraînement » qu’offre FEMEN à ses recrues à Paris, Berlin et Kiev10, tel que l’explique ce groupe d’opposantes quand elles mentionnent, mon adaptation, que :

[…] Les activistes de Femen reçoivent des formations média au sein desquelles on leur apprend comment créer des photos qui seront visuellement intéressantes pour les médias […]. Elles sautent sur les gardes de sécurité et elles se laissent tomber afin que ces personnes aient à les soutenir. Ensuite, elles bougent leurs bras rapidement, en regardant directement la lentille de la caméra en prétendant souffrir. Elles aiment utiliser des mimiques où elles semblent en pleurs, ou tristes, afin de générer une empathie des personnes qui regardent la photo. […] C’est pour le spectacle. Et pour les photos qu’elles publient sur Facebook11.

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Commentaire laissé sur la page Facebook du groupe

EXIt FEMEN The truth about Femen

© Karoline TRUCHON, 2012.

10Des vidéos d’activités de FEMEN exposent les résultats de cette formation : des mises en scène unilatérales, peu importe les événements. Ces scénographies unifiées le sont par vague d’espace-temps, tempérées par la réception médiatique de celles-ci. La première série de vidéos montre des images d’une protestation au Musée du Louvre à Paris en octobre 201212 pour demander « de suspendre les accusations contre la victime Tunisienne Mariam qui a été violée par un policier et qui a été par la suite jugée comme une ‘femme immorale’ »13. Elle montre aussi des imagesd’une protestation à Montréal en octobre 2012 qui avait, à l’époque, été relayée sur le site web de FEMEN et sur la page Facebook de l’organisation. Cette protestation a été organisée dans un magasin IKEA pour s’insurger contre l’effacement des femmes dans les catalogues du grossiste destinés au marché du Moyen Orient14.

11La deuxième série de vidéos que j’ai visionnées en 2013 offre des images d’une protestation à Paris en février 2013 « pour fêter la démission du pape » et de deux démonstrations-performances, la première à Berlin pendant la visite de Barack Obama en juin 2013 et la deuxième, à Paris en juin 2013 lors d’une sortie de François Hollande15. Si la première série de vidéos propose des marches plus centrées sur les corps se mouvant de manière plutôt pacifique, la deuxième série de vidéos présentait des corps qui cherchent à entrer de force dans d’autres corps de dignitaires et de personnalités publiques.

12Ces cinq événements présentent cinq motifs différents pour protester et deux manières de faire : la première manière, plus près de la parade de mode et la deuxième, plus près d’un attentat à la personne. Cette gradation de mise en physicalité indique qu’il faut des images potentiellement plus choquantes pour qu’elles soient diffusées par les médias corporatifs. Or, malgré ces différences, nous constatons qu’une même esthétique les traverse. Cette esthétique se retrouve dans la manière de bouger, de se mouvoir dans l’espace, de braquer le dos et de brandir, quand cela est possible, le poing droit dans les airs, avec un regard qui se veut fier d’être femme, défiant l’autorité et plein d’aplomb dans ses convictions et son affirmation de soi. Nous remarquons aussi une dramaturgie unifiée, filmée et photographiée par des caméramans et des photographes travaillant pour FEMEN, qui suivent des préparatifs aux manifestations les femmes protestatrices, caméra à l’épaule pour instiller une texture de cinéma-vérité aux images captées dans des espaces physiques – la rue, un musée, un centre d’achat – qui deviennent des accessoires soutenant la dramaturgie développée et l’esthétique qui lui donne chair.

13Ces événements ont été mis en scène spécifiquement pour relayer ensuite des images filmiques et photographiques de ceux-ci au sein des médias sociaux (Facebook, Twitter, site web de FEMEN) afin que ce contenu soit re-publié par les abonnés de ces derniers pour créer un effet viral, un des leviers actuels de leur visibilité. FEMEN espère que les médias de masse reprennent ce matériel et certains le font. En résumé, FEMEN utilise les médias comme des espaces publics pour disséminer par des images fixes et filmiques leur représentation chorégraphiée, c’est-à-dire l’iconologie que le groupe a imaginé et fabriqué de ce que c’est que d’être une sextrémiste, ou une activiste topless, sans peur et en charge d’elle-même en uniformisant et universalisant l’expérience d’être cette femme-icône passive-agressive.

14Jusqu’à l’été 2012, la plupart des photos des femmes aux seins nus publiées sur la page Facebook de FEMEN était accueillie avec des commentaires telles que : « Nice racks. Nice tits », reflétant ce que Laura Mulvey (1975) a nommé le « male gaze ». Cependant, depuis l’installation de FEMEN à Paris, la réception des activités de l’organisation a pris une tournure plus politique et culturelle.

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Commentaire laissé par un homme sur la page Facebook de FEMEN

© Karoline TRUCHON, 2012.

15FEMEN modifie constamment ses orientations stratégiques en fonction des commentaires et critiques reçues en ajoutant, notamment, des corps différents dans la mêlée (quand on les accuse de ne présenter que des corps de modèles) ou en justifiant que l’organisation n’est pas contre « les Musulmans », mais contre tout impérialisme religieux en organisant des événements dans divers lieux de cultes autres que de confession musulmane (voir les vidéos mentionnées précédemment) ou, encore, en développant un discours lié aux droits humains (lors de la campagne pour faire libérer Amina Sboui de prison en Tunisie en 2013)16. FEMEN adapte donc ses stratégies de visibilisation pour assurer sa survie et forcer un monopole de l’image de la femme universelle dont la liberté d’autogestion de son corps – selon des critères homogènes définis par l’organisme – serait un droit fondamental à son identité et son existence.

16Néanmoins, c’est précisément cette mise en scène homogénéisée de « la » femme libre que FEMEN tente d’imposer qui provoque la constitution de ce que Sharon Sliwinski (2011) nomme « a scene of aesthetic conflict » qui, ultimement, provoque « a scene of human rights », espace de possibles (re)configurations et (re)négociations de ce qui constitue un « droit ». En effet, les louanges et critiques que suscitent les activités de FEMEN – notamment, une critique de l’ignorance de l’intersectionnalité dans l’expérience des femmes du pouvoir17, la néocolonisation de l’expérience de « la » femme musulmane18 et l’usage politique de la nudité19 – permettent une conversation sans cesse renouvelée sur les droits que devraient bénéficier les femmes.

Une instrumentalisation médiatique de sauvetage orchestrées par des « Occidentaux » sur des « Orientaux » : le cas de « Malala » qui instrumentalise, avec son équipe, à son tour les « Occidentaux »

17La deuxième situation exprimeune instrumentalisation similaire à la première, mais celle-ci est menée par l’auditoire international que certains nomment les Occidentaux (Western audience). Ces Occidentaux affectionnent les trames narratives de sauvetage (rescue narratives) qui activent « la connaissance tacite, un système de valeurs et des ‘structures de sentiments’ […] qui guident les interactions sociales et le jugement civique » de cet auditoire (Hesford, 2011, p. 2)20. L’histoire de Malala Yousafzai illustre cette propension des Occidentaux à vouloir sauver « l’Autre », celui qui est encore de nos jours considéré « l’Oriental ».

18Adolescente alors âgée de 15 ans, Malala Yousafzai a reçu une balle dans la tête en octobre 2012 dans le district de Swat au Pakistan par un homme engagé par des Talibans parce qu’elle militait pour le droit à l’éducation des jeunes filles dans cette région21. À la suite de cette tragédie, « Malala » a perdu son nom et n’a gardé que son prénom pour devenir – grâce aux efforts d’organisations vouées à la défense des droits humains et de relations publiques22 qui ont relayé différents messages par le biais de médias sociaux et de masse – une icône de la libération des femmes, une thématique importante pour l’audience dite « occidentale » qui, selon une perspective assez enracinée dans l’espace public et médiatique de masse, envisage les femmes musulmanes incapables de penser leur propre émancipation, si émancipation il devrait y avoir.

19Malala Yousafzai a prononcé un discours devant les Nations Unies à New York en juillet 2013. Ce discours, devenu une vidéo virale sur les médias sociaux depuis, a été critiqué pour diverses raisons. La première objection concerne la fascination que Malala exerce sur les audiences occidentales. Cette fascination sans discernement, sans critique et sans connaissances des enjeux au Pakistan nuirait à la discussion de sujets considérés plus importants à l’avancement des droits humains dans ce pays23. Une autre objection souligne que le discours de Malala a été rédigé par des spécialistes des relations publiques des Nations Unies et par conséquent, Malala ne serait qu’une porte-parole, voire une marionnette, de cette organisation et de ses valeurs plutôt que l’héroïne dépeinte dans les médias24. L’accusation la plus percutante avance qu’au moment même où Malala prononçait son discours, des centaines de jeunes filles au Pakistan subissaient diverses persécutions, avec l’aval du public devant qui elle témoignait :

La vue d'hommes blancs en complet-cravate applaudissant et s'extasiant devant le discours de Malala Yusufzai aux Nations Unies, l'enthousiasme délirant des médias et le soutien inconditionnel sur les médias sociaux provoquaient chez moi la nausée. Non pas parce que je nie le droit de Malala de faire campagne comme elle fait. Ce qui me rendait furieuse était le double standard qui était en jeu et le fait que pendant qu’elle était acclamée, des centaines d’autres jeunes filles Musulmanes mourraient par explosion de bombes et étaient violées dans l’ignorance et l’oubli par la faute de ces mêmes hommes qui étaient assis devant elle ce jour-là. Sans oublier de mentionner que les taxes des membres de cet auditoire sont utilisés pour financer les campagnes de terreur en cours25,26.

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Malala Yousafzai, 16 ans, témoigne devant les Nations Unies

à New York en juillet 2013

© AFP, 2013.

20Depuis, Malala Yousafzai a publié ses mémoires en octobre 2013, mémoires intitulées I Am Malala : The Story of the Girl Who Stood Up for Education and was Shot by the Taliban etannoncées co-écrites avec la journaliste britannique Christina Lamb27. Publiées quelques semaines avant la remise du Prix Nobel de la paix, cet ouvrage constituait un des outils de la campagne de relations publiques qui était menée depuis l’été afin que Malala devienne la plus jeune récipiendaire de ce prix. Elle ne l’a pas gagné alors – et de nombreux chroniqueurs occidentaux ont évoqué divers motifs pour lesquels, selon leur point de vue, elle aurait mérité cette récompense28 – mais en 2014, Malala a reçu en 2014 ce prix, conjointement avec l’Indien Kailash Satyarthi « pour leur lutte contre la répression envers les enfants et les jeunes personnes et pour le droit de tous les enfants »29,30, lui permettant ainsi de devenir la plus jeune personne à recevoir cette récompense31. Cependant, le comité a aussi mentionné qu’il envisageait cette double nomination « comme un important soutien envers un Hindou et une Musulmane, un Indien, et une Pakistanaise de réunir leurs forces dans la lutte pour l’éducation et contre l’extrémisme »32,33, situation qui a amené plusieurs à souligner l’aspect politique entourant l’octroi de ce prix, qui pourrait, dans un pareil cas, supplanter la reconnaissance que ce prix pourrait représenter34. Cette instrumentalisation ne freine aucunement Malala, et son équipe de conseillers divers, à propulser l’image de marque de la jeune femme s’activant à défendre les droits des femmes à une éducation partout au monde comme le mentionne sa page Wikipedia quand il est stipulé en fin de premier paragraphe : « Le travail de militance de Yousafzais’est transformé depuis en un mouvement international »35,36. Le Prix Nobel, en crédibilisant auprès de la majorité des occidentaux « Malala », permet précisément cette globalisation recherchée par l’équipe de conseillers de cette dernière afin de continuer de générer des fonds pour le Malala Fund, la fondation qui nous demande, dès notre entrée sur sa page d’accueil « [to] join the movement »37.

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Capture d’écran de la page d’accueil du Malala Fund

© Karoline TRUCHON, 2014.

21Ainsi, si l’octroi du Prix Nobel constitue une instrumentalisation politique d’un conflit entre l’Inde et le Pakistan, entre les personnes de confession hindouiste et les personnes de confession musulmane, de leur côté, l’équipe de Malala Yousafzai instrumentalise tout autant ce prix afin de parvenir à ses fins. La prochaine étape de ce plan bien amorcé sera d’en faire une ambassadrice des Nations Unies, comme le montre cette photo où Malala est entourée de jeunes femmes au Kenya lors de son premier voyage en Afrique en juillet 201438.

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Capture d’écran d’un article qui présente une photo de Malala Yousafzai, 17 ans,

en Afrique en juillet 2014.

© Karoline TRUCHON à partir d’une photo de Free the children et

au Malala Fund/PA, 2014.

22Ce passage de « Malala la jeune victime des Talibans » à « Malala l’ambassadrice internationale des droits à l’éducation » est encore plus marqué par le don de $ 50 000 que la fondation a effectué en octobre 2014 pour la reconstruction de 65 écoles à Gaza, en Palestine, don qui sera géré, on l’aura deviné, par les Nations Unies39.

23Avant de conclure cette section, deux éléments doivent être mentionnés au passage. À la fin d’octobre 2014, Nabila Rehman, son père et son frère souhaitaient rencontrer le parlement américain pour témoigner de leur tragédie quand un drone lancé par l’armée américaine sur leur village a tué plusieurs membres de leur famille. Contrairement à la réception chaleureuse qu’a reçu Malala quelques temps auparavant, seulement 5 représentants de la chambre des communes sur 430 étaient présents pour les écouter. Bien évidemment que la venue de Nabila Rehman et était probablement aussi orchestrée par une organisation avec un agenda particulier ainsi qu’une équipe de relations publiques, même si cela n’est mentionné nulle part pour des raisons idéologiques et stratégiques. N’angélisons aucun camp. Or, il est important de comparer la réponse du gouvernement américain aux revendications de Nabila Rehman face à celles de Malala Yousafzai car elle remet en avant-plan le motif de celle-ci :

Pendant que Malala est célébrée par les représentants des médias ainsi que des milieuxpolitiques et civils occidentaux pour son héroïsme, Nabila est devenue une autre personne sans nom, sans visage qui a vu sa vie être détruite par la dernière décennie de guerres menées par les États-Unis. La raison qui explique cette différence criante est évidente. Étant une victime des Talibans, Malala est perçue, malgré ses protestations, comme un outil potentiel de propagande politique dont les défenseurs des guerres pourraient se servir. Elle pourrait être utilisée comme la personne qui personnifie leurs efforts, un symbole qui illustre la décence de leur cause, le type de jeune fille à travers qui les États-Unis et ses alliés peuvent témoigner de la pertinence de leurs actes meurtriers40,41.

24Une position qui illustre que l’attrait de la communauté occidentale envers Malala

est devenue moins à propos de ses efforts d’améliorer les conditions de travail des jeunes filles au Pakistan, ou, encore, à propos de l’amélioration des conditions de vie quotidienne de celles-ci, et plus à propos de notre souhait de nous donner une meilleure estime de nous par le biais d’un message facile à absorber et, qui plus est, provient d’une célébrité. C’est un moyen de nous déresponsabiliser et de nous convaincre que c’est simplement de reconnaître le bon côté du mauvais et que nous nous sommes affiliés au bon, donc que tout va bien42,43.

25Par conséquent, nous ne serons pas surpris de savoir qu’en date du 11 octobre 2014, la situation pour les jeunes filles Pakistanaises était toujours critique :

Il est estimé que 25 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école ne peuvent recevoir de scolarisation au Pakistan et qu’au moins 13 millions de ce groupe sont des jeunes filles. La plus grande urgence qu’éprouve le Pakistan est ce manque de scolarisation sans cesse croissant. Les enfants continuent de se voir refuser le droit humain le plus fondamental, soit celui d’apprendre. Les écoles pour jeunes filles sont toujours la cible de bombes et les professeurs continuent également d’être menacés par des milices44,45.

26Concluons cette section en spécifiant que dans ce cas où une jeune femme est adoptée par la communauté occidentale, au détriment d’autres qui ont vécu des événements similaires, afin que cette communauté puisse se sentir mieux dans son passé de colonisateur qu’elle reproduit par ce « complexe du sauveur blanc (white saviour complex) »46, le politique et les relations imaginées par les Occidentaux avec le Pakistan ont été majoritairement occultés par les créateurs et transmetteurs de contenus occidentaux pour offrir des images réifiées des enjeux de cette situation et de ce pays. Organisée sous une articulation de droits humains, cette instrumentalisation de la situation de Malala profiterait plus aux groupes d’intérêts que sont, notamment, les Nations Unies, divers groupes de collectes de fonds, dont la fondation qui porte son prénom, ainsi que l’élite politique et médiatique occidentale, qu’à cette dernière et aux personnes visées de son pays par ce discours de droit.

27Bref, ce qui est en jeu ici, c’est le droit pour les personnes que les Occidentaux jugent incapables de s’autodéterminer de décider quelles problématiques travailler, comment, avec quels porte-parole, à quels moments et avec quelles plateformes. Or, malgré que cette instrumentalisation soit contestable, car elle devient ce que Wendy Hesford (2011) nomme le
« human rights spectacle », cette situation, pareillement à celle des FEMEN, permet à plusieurs personnes de débattre des stratégies et des tactiques employées pour faire apparaître cette victime que l’Occident « sauve » et visibiliser ainsi, dans les médias de masse et sociaux, les ficelles de cette visibilisation instrumentalisée et d’autres enjeux liés aux réalités du Pakistan. Et pareillement aux FEMEN qui se sont adaptées aux critiques et au fur et à mesure qu’elles émergeaient, Malala et son équipe de conseillers ont également su développer des stratégies de spectacularisation des droits humains pour mousser leurs propres agendas.

Une instrumentalisation médiatique trouble pour (s’)iconiser : le cas d’« Aliaa, la blogueuse Égyptienne »

28Aliaa Magda Elmahdy était entre octobre 2011 et janvier 2013 une blogueuse Égyptienne qui avait étudié auparavant à la American Université of Cairo. Elle se décrivait alors comme « Secular, Liberal, Feminist, Vegetarian, Individualist Egyptian » ou comme « artist »47. D’autres la qualifiait de travailleuse opérant « in the field of human right, health, sexuality and gender »48. Le 23 octobre 2011, un ami a relayé sur son réseau Twitter, avec sa permission, une photo d’elle nue avec le hashtag #nudephotorevolutionary, photo qui avait été effacée du compte Facebook d’Aliaa par cette compagnie.

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Auto-portrait par Aliaa Magda Elmahdy

© Karoline TRUCHON à partir d’une photo d’Aliaa Magda ELMAHDY, 2011.

29Avec la diffusion de cette photo, Aliaa est devenue dans l’espace médiatique autant un modèle féministe pour sa défiance de la répression à laquelle les femmes sont soumises en Égypte qu’une paria.

30D’un côté, les partisans d’Aliaa Magda Elmahdy soutenaient que la nudité dans cet auto-portrait

n’est pas tant à propos de sexe, mais cherche plus à revitaliser une conversation à propos de la politique du sexe et les déséquilibres entre les manières dont ces propos sont articulés à travers les catégories que sont le genre, le capital et le contrôle. […] Sa bouche n’est pas ouverte et elle ne fait pas la moue. Ses seins ne sont pas gros. Ses yeux ne sont pas affamés ou apeurés. Elle ne porte pas de talons hauts. […] Elle ne vend rien et ne cherche pas à nous aguicher. L’utilisation qu’elle fait de ses bas résilles semble s’avérer un commentaire sur les clichés de la séduction marchandisée49,50.

31De l’autre côté, les opposants d’Aliaa soutenaient qu’elle était une

[s]tupide petite fille. Se dénuder ne fait pas de toi une activiste ou ne t'émancipe pas comme femme. Être nue fait de toi un morceau de peau et permet à tous et toutes de te voir ainsi. Tu n'es qu'une petite fille ignorante qui s'est placée dans cette situation pour que le monde entier la perçoive comme un morceau de viande, sans intelligence, sans personnalité, sans rien d'autre qu'un corps qui invite les hommes à jouer avec celui-ci. Ce n'est rien de moins que de la pornographie51,52.

32Pour sa part, Aliaa mentionnait lors d'une entrevue au réseau CNN qu'elle a voulu visibiliser cette photo car « les femmes » [en Égypte] ne sont rien d’autres que des objets sexuels qui sont harcelées sur une base quotidienne par les hommes qui ne savent rien de la sexualité et de l’importance de la femme. Cette photo est une expression de ce que je ressens et je perçois le corps humain comme la meilleure représentation artistique de ce ressenti »53,54.

33Jusqu’à janvier 2013, Aliaa Magda Elmahdy gérait trois blogues, dont un consacré aux réactions qu’a généré l’image-icône la représentant nue, avec ses souliers rouges. La journée commémorant le premier anniversaire de sa diffusion, Aliaa a publié sur ce blogue des images et des commentaires d’autres personnes sur cette image-icône pour promouvoir de nouvelles représentations de son auto-portrait.

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Une des appropriations artistiques de l’auto-portrait d’Aliaa qu’elle rediffuse

© Karoline TRUCHON à partir d’une photo d’Aliaa Magda ELMAHDY, 2012.

34Dans un sens, Aliaa a créé ce blogue pour s’instrumentaliser elle-même en promouvant l’image qu’elle avait créée et disséminée pour continuer l’iconification publique de celle-ci, une image qui revendique, dit-elle, le droit des femmes Égyptiennes d’exister selon leurs propres termes et de disposer de leur corps comme elles l’entendent.

35Au début de l’année 2013, Aliaa Magda Elmahdy a émigré en Suède et a rejoint FEMEN qu’elle représente dans diverses manifestations, dont celle devant l’ambassade d’Égypte en Suède tenue en février 2013.

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Manifestation à laquelle participe Aliaa Magda Elmahdy devant l’ambassade d’Égypte en Suède en février 2013

© FEMEN, 2013.

36Dans un reportage publié dans le magazine Elle français en février 2013, nous constatons que les souliers rouges qu’Aliaa portait sur son auto-portrait diffusé en octobre 2012 sont utilisés comme une mémoire, voire un remplacement de son corps, pour authentifier, de manière paradoxale, sa présence iconique dans cette revendication qu’elle affirme mener pour faire avancer les droits des femmes non seulement en Égypte, mais dorénavant, partout au monde.

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Aliaa Magda Elmahdy pose en Suède pour un reportage de l’édition

du Elle français publiée en février 2013.

© Karoline TRUCHON d’une photo de Guillaume HERBAUT, 2013.

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Les souliers d’Aliaa Magda Elmahdy mis en scène dans un reportage de l’édition du Elle français publiée en février 2013

© Karoline TRUCHON d’une photo de Guillaume HERBAUT, 2013.

37Cette situation permet de contraster les justifications de plusieurs personnes avec celles d’Aliaa Magda Elmahdy. Nous constatons que ces justifications varient et reflètent des intentions différentes quant à ce que la nudité et la mise en scène de celle-ci signifient socialement. La combinaison de ces discours promulgue ce que Stuart Hall (1997) appelle l’intertextualité, un mécanisme qui permet de mieux appréhender les contours social, culturel et politique d’une situation. Par leur forme et leur contenu, les représentations portent chacune leurs propres significations, mais rassemblées, elles offrent des similitudes en regard des pratiques de mise en scène et de circulation de la visibilisation. Aliaa devient ainsi soit une activiste asexuée, une vulgaire putain ou une artiste apolitique. Ces trois figures possibles de la féminité vues par des prismes surplombants sont dépourvues de contextualisation et sont mobilisées par des féministes du monde académique, des personnes du grand public, Aliaa et le groupe FEMEN.

38Cette situation nous amène ensuite à constater qu’Aliaa Magda Elmahdy revendique aussi le droit de s’instrumentaliser de manière consciente à travers la fétichisation de ses souliers rouges. D’abord, avec des œuvres d’art qu’elle publiait sur un blogue, et ensuite, dans le reportage qui annonçait son arrivée au sein des FEMEN et lors d’une première activité où elle agissait comme leader d’un groupe de femmes. Mais depuis, les souliers rouges ont été remisés dans les souvenirs : Aliaa est maintenant une FEMEN, elle doit suivre la dramaturgie imposée, dramaturgie qui occulte la personnalité de chacune des femmes pour offrir une personnalité unique, celle de la FEMEN incarnée et visibilisé par Inna Shevchenko. Une réalité qui a été magnifiée quand, en août 2014, Aliaa Magda Elmahdy a publié sur sa page Facebook55 la photo suivante avec un commentaire personnel, mais qui a été, par la suite, commenté exclusivement par Inna Shevchenko auprès des médias56, bien que dans l’article paru dans la revue d’art en ligne Hyperallergic il soit mentionné qu’Aliaa a travaillé en tandem avec FEMEN, ce qui laisserait présager qu’elle ne ferait plus partie comme tel du mouvement57.

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Capture d’écran d’une photo publiée en 2014 d’Aliaa Magda Elmahdy

qui performe avec une autre femme anonyme

© Karoline TRUCHON à partir d’une photo non créditée, 2014.

En guise de conclusion…

39Cette brève démonstration des processus qui permettent l’instrumentalisation médiatique des droits par des personnes et des groupes d’intérêt m’amène à vouloir poursuivre la réflexion sur trois aspects. En premier lieu, ces trois situations ont permis la fabrication de nouvelles (re)conceptualisations par des (ré)appropriations locales de ce que signifie un droit – le droit d’autogérer son corps (FEMEN), le droit de décider quelles problématiques sociales aborder, comment et avec quels porte-parole (les critique entourant l’utilisation par les Nations Unies de Malala, à 16 et 17 ans, comme porte-parole des femmes violentées) et le droit de s’instrumentaliser publiquement (Aliaa Magda Elmahdy). Les droits dans ces situations sont de manière inhérente « humains » et sont diversifiés. Comme Saillant (2014) le préconise, le terme « droits humains » nécessite dorénavant un élargissement de son usuelle définition légale et politique pour inclure les reconfigurations vernaculaires qui se refont quotidiennement par les personnes et les regroupements qui les mobilisent pour exprimer, expliquer et revendiquer ce qu’ils considèrent être un droit et n’ont pas. Ces reconfigurations permettent de reconnaître la pluralité des expériences de ce qui pourrait être de manière empirique et subjective un droit.

40En deuxième lieu, si nous acceptons que « l'espace public est non seulement un lieu strictement physique mais aussi un espace d'auto-autonomie et une manifestation sociale spontanée ; [et qu'il ] obtient son statut véritable de public que dans des moments d'antagonisme, quand le public est connecté par le conflit »58,59, nous reconnaissons que les conflits générés par les situations présentées ici l’ont été par les utilisations instrumentalisés des médias sociaux et de masse, contribuant à faire de ces médias des espaces publics qui décloisonnent les définitions restrictives d’un « média » et d’un « espace public ». Similairement à la proposition que les photographies ne sont pas des choses, mais des expériences60, les médias sont aussi des expériences qui médient des rencontres et des conversations conflictuelles ainsi que des tentatives de persuasion entre divers types d’auditoires. Dorénavant, les discussions sur les (re)configurations et les (re)négotiations des droits devraient tenir compte de l’aspect performatif du « rendre visible l’appel aux droits ».

41En troisième lieu, finalement, ces deux postulats m’amènent à conclure que dans tout espace public au sein duquel sont médiés des activités entre différentes personnes et/ou groupes d’intérêt, des « relations publiques » sont forcément impliquées. Les relations publiques constituent les fondations de toute représentation dans les arènes publiques. L’appel aux droits et la gestion de sa scène performative aux diverses esthétiques qui suscitent des conflits menant à des discussions entre diverses personnes et groupes d’intérêt s’alimentent au développement de stratégies et de tactiques qui permettront de rejoindre et tenteront de convaincre divers publics. La question devient alors se savoir comment s’engager dans des activités de revendications par des relations publiques éthiques par le biais, et le concours, de médias/espaces publics et ainsi espérer récoler des résultats « justes ». Les situations présentées ici montrent que les relations publiques s’avèrent des outils d’instrumentalisation qui deviennent autant des injonctions que des possibilités subversives que les chercheurs se doivent d’investiguer pour mieux appréhender certains phénomènes tels que celui de l’avènement, de la revendication et de la négociation des « droits humains ».

Bibliographie   

BRIGHENTI, Andrea, « Visibility. A Category for the Social Sciences », Current Sociology, 55, 3, Madrid : International Sociological Association, Mai 2007, pp. 323-342.

BUTLER, Judith, Le récit de soi, Paris : Presses Universitaires de France, 1987.

HALL, Stuart, « The spectacle of the ‘other’« , dans HALL Stuart (dir.), Representation : cultural representations and signifying practices, London : Sage/Open University, 1997, pp. 223-290.

HESFORD, Wendy S., Spectacular Rhetorics : Human Rights Visions, Recognitions, Feminisms, Durham : Duke University Press, 2011.

HUNT, Lynn, « Foreword », dans SLIWINSKI Sharon, Inventing Human Rights : A History, Chicago : The University of Chicago Press, 2011, pp. ix-xii.

HUNT, Lynn, Inventing Human Rights : A History, New York : Norton, 2007.

MARCUS, George E., « Ethnography in/of the world system : the emergence of multi-sited ethnography », Annual Review of Anthropology, 24, Palo Alto : Annual Reviews, Octobre 1995, pp. 95-117.

MULVEY, Laura, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », dans BRAUDY Leo et COHEN Marshall (dir.), Film Theory and Criticism : Introductory Readings, New York : Oxford University Press, 1999[1975], pp. 833-844.

SAILLANT, Francine, « Anthropologie et performativité : transformations et connexions », Cultures-Kairós, revue d’anthropologie des pratiques corporelles et des arts vivants, n° 4, novembre 2014 (le présent numéro).

SLIWINSKI, Sharon, Human Rights in Camera, Chicago : The University of Chicago Press, 2011.

Principaux sites consultés :

http://femen.org/fr

https://www.facebook.com/francefemen

https://www.facebook.com/pages/FEMEN-International/532207853546186

https://www.facebook.com/pages/EXit-FEMEN-The-truth-about-Femen/272316346234582

http://www.malala.org/

http://en.wikipedia.org/wiki/Malala_Yousafzai.

https://www.facebook.com/aliaaelmahdy

Notes   

1  Mon adaptation de : « spectatorship […] is crucial because rights must be seen to be violated in order to come into consciousness » (Hunt, 2011, p.ix).

2  Mon adaptation de : « for human rights to become self-evident […] ordinary [and influent] people had to have new understanding that came for new kind of feelings » (Hunt, 2007, citée par Sliwinski, 2001, p. 8).

3  Mon adaptation de : « [t]he history of human rights can be told as a history of selective and differential visibility, which has positioned certain bodies, populations, and nations as objects of recognition and granted others the power and means to look and to confer recognition » (Hesford, 2011, p. 2).

4  Je suis devenue familière avec ces situations par le biais des publications sur Facebook. J’ai, comme le formule Marcus (1995), « suivi et pisté » ces situations qui sont devenues, au fil des publications, performatives. J’ai alimenté ma réflexion par des textes et des documents audio-visuels auxquels ces publications sur Facebook me renvoyaient.

5  Source : Facebook-FEMEN, About page. Cette page n’existe plus depuis le déménagement du siège social de FEMEN à Paris et a été remplacée depuis, en anglais, par : https://www.facebook.com/FEMEN.International/info et en français par : https://www.facebook.com/francefemen/info.

6  Source : https://www.facebook.com/francefemen/info. Cette page n’existe plus depuis la première version de cet article car le site de FEMEN a été fréquemment piraté depuis.

7  Source : https://www.facebook.com/francefemen/info.

8  Source : consultez la note 6.

9  Mon adaptation de : « This is the only way to be heard […]. If we staged simple protests with banners, then our claims would not have been noticed ».

10  Visionnez ici How to become a FEMEN Sextremist – Lesson 1 : https://www.youtube.com/watch ?v =MuUqvxcOQnc.

11  Source : https://www.facebook.com/pages/EXit-FEMEN-The-truth-about-Femen/272316346234582.

12  Vidéo de et mise en scène par FEMEN lors d’une protestation au Musée du Louvre à Paris le 3 octobre 2012. Le lien à la vidéo placée sur Vimeo alors n’existe plus, mais comme je l’avais archivé pour une présentation à l’American Anthropological Association (AAA) de 2012, j’ai pu créer un compte Vimeo pour présenter cette vidéo : https://vimeo.com/111354756.

13  Mon adaptation de : « to drop charges against Tunisian victim Mariam who was raped by policemen and was then judged as ‘immoral woman’ ».

14  Vidéo de et mise en scène par FEMEN lors d’une protestation au magasin IKEA de Montéral le 27 octobre 2012. Le lien à la vidéo placée sur Vimeo alors n’existe plus, mais comme je l’avais archivé pour une présentation à l’American Anthropological Association (AAA) de 2012, j’ai pu créer un compte Vimeo pour présenter cette vidéo : https://vimeo.com/111354120.

15  Les liens à ces vidéos n’existent plus, mais la description que j’en fait pourra, je l’espère, illustrer les principales différences entre cette série et la première série de vidéos.

16  Je ne discute pas ici de l’incursion de FEMEN en Tunisie en 2013 avec l’enrôlement d’Amina Sboui, connue simplement comme « Amina » et qui a amené la jeune femme de 19 ans à être incarcéré depuis juin 2013 et jugée devant la loi en août 2013 pour crime contre la propriété. Un article devrait être consacré au sujet des tactiques d’instrumentalisation de la culture et de la religion par FEMEN dans ce triste événement.

17  Source : http://www.rue89.com/2013/07/21/feminisme-pourquoi-strategie-femen-mene-a-lechec-244411.

18  Source : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/06/11/les-femen-un-feminisme-de-type-neocolonial_3428285_3232.html.

19  Source : http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=377.

20  Mon adaptation de : « the tacit knowledge, systems of belief, and ‘structures of feeling’ […] that guide social interaction and civic judgment » (Hesford, 2011, p. 2).

21  En 2009, alors qu’elle était âgée de 11 ans, Malala Yousafzai a écrit sous un pseudonyme un blogue pour la BBC-Urdu sur sa vie alors que des Talibans cherchaient à prendre le contrôle du territoire où elle habitait. Elle partageait aussi sa vision sur l’importance de l’éducation pour les jeunes filles de son pays. Un documentaire a ensuite été filmé sur sa vie par le New York Times. Fort instructif, ce documentaire a été tourné avant que Malala ne devienne une personnalité publique et montre, notamment, la relation complexe qu’elle entretient avec son père (source : http://www.nytimes.com/2013/10/08/world/asia/the-making-of-Malala.html ?pagewanted =all&_r =0). Elle a aussi été interviewée à maintes reprises depuis par les médias occidentaux.

22  Malala Yousafzai et son père étaient conseillés en 2013 par une des firmes de relations publiques les plus puissantes au monde, Edelman (source : entre autres, http://www.independent.co.uk/news/world/politics/the-making-of-malala-yousafzai-shot-by-the-taliban-for-going-to-school-and-now-in-the-frame-for-nobel-peace-prize-8862588.html). Il est difficile de savoir depuis qui conseille la famille car les opérations de relations médias sont effectuées par la fondation de Malala ou des tierces parties, ce qui permet une plus grande discrétion et un semblant de contrôle de la part de « Malala », la marque de commerce.

23  Source : http://www.cbc.ca/q/blog/2013/07/23/malalas-mixed-reviews-in-pakistan/index.html.

24  Source : http://binashah.blogspot.ca/2013/07/the-malala-backlash.html.

25  Source : Sofia Ahmed citée dans http://www.5pillarz.com/2013/07/25/malala-yusufzai-is-being-exploited-by-the-west-and-its-stooges/.

26  Mon adaptation de : « The sight of white men in suits applauding and gushing at Malala Yusufzai’s speech at the United Nations, the gushing media frenzy and vociferous support on social media was nauseating for me. Not because I deny Malala the right to campaign for what she does. It was more due to the sickening double-standards at play and the thought that while she was being lauded hundreds of other Muslim girls were being blown up, raped and bombed into oblivion because of those very men sitting with her that day. Not to mention those very audiences whose tax money is used to fund these campaigns of terror ».

27  Avec tout le respect que nous devons à Malala Yousafzai, il est cependant peu probable que cette adolescente qui apprenait encore à s’exprimer en anglais à l’époque ait pu co-rédiger ses mémoires.

28  Notamment, http://www.washingtonpost.com/blogs/answer-sheet/wp/2013/10/11/why-malala-should-have-won-the-2013-nobel-peace-prize/ et http://www.theglobeandmail.com/news/world/was-malala-snubbed-for-nobel-peace-prize-four-experts-weigh-in/article14832401/.

29  Source : http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2014/press.html.

30  Mon adaptation de : « for their struggle against the suppression of children and Young people and for the right of all children ».

31  Source : http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/lists/age.html.

32  Source : http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2014/press.html.

33  Mon adaptation de : « as an important point for a Hindu and a Muslim, an Indian and a Pakistani, to join in a common struggle for education and against extremism ».

34  Source : par exemple, http://www.theguardian.com/world/2014/oct/10/nobel-peace-prize-political-analysis et http://www.aljazeera.com/programmes/insidestory/2014/10/nobel-peace-prize-recognition-politics-20141010161910289505.html.

35  Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Malala_Yousafzai.

36  Mon adaptation de : « Yousafzai's advocacy has since grown into an international movement ».

37  Source : http://www.malala.org/.

38  Notons cette photo est créditée à l’organisme Free the children et au Malala Fund/PA, ce qui en fait une photo destinées à des opérations de relations publiques, photos que les médias véhiculent fréquemment au même titre que celles de leurs photographes attitrés, réalité qui n’est toutefois pas connue de la majorité des lecteurs.

39  Source : http://www.theguardian.com/world/2014/oct/29/malala-yousafzai-reconstruction-gaza-schools.

40  Source : http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2013/11/malala-nabila-worlds-apart-201311193857549913.html.

41  Mon adaptation de: « While Malala was feted by Western media figures, politicians and civic leaders for her heroism, Nabila has become simply another one of the millions of nameless, faceless people who have had their lives destroyed over the past decade of American wars. The reason for this glaring discrepancy is obvious. Since Malala was a victim of the Taliban, she, despite her protestations, was seen as a potential tool of political propaganda to be utilised by war advocates. She could be used as the human face of their effort, a symbol of the purported decency of their cause, the type of little girl on behalf of whom the United States and its allies can say they have been unleashing such incredible bloodshed ».

42  Source : http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2013/11/malala-nabila-worlds-apart-201311193857549913.html.

43  Mon adaptation de: « has become less about her efforts to improve conditions for girls in Pakistan, or certainly about the struggles of millions of girls in Pakistan, and more about our own desire to make ourselves feel warm and fuzzy with a celebrity and an easy message. It's a way of letting ourselves off the hook, convincing ourselves that it's simple matter of good guys vs bad guys, that we're on the right side and that everything is okay ».

44  Source : http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2013/11/malala-nabila-worlds-apart-201311193857549913.html.

45  Mon adaptation de: « An estimated 25 million school age children are missing an education in Pakistan – at least 13 million of them are girls. Among all the other emergencies we have in Pakistan is a growing education emergency. Children continue being denied their basic human rights – the right to learn. Girls’ schools continue being targeted by militants, schools are blown up, teachers continue to be threatened ».

46  Source : http://www.huffingtonpost.co.uk/assed-baig/malala-yousafzai-white-saviour_b_3592165.html.

47  Source : Blogue d’Aliaa Magda Elmahdy effacé depuis, mais on retrouve cette information sur la page d’intérêt consacré à Aliaa sur Facebook –https://www.facebook.com/pages/Aliaa-Magda-Elmahdy/170596839705656 ?ws&nr.

48  Source : Blogue d’Aliaa Magda Elmahdy effacé depuis.

49  Source : Maya Mikdashi 20 novembre 2011 – http://www.jadaliyya.com/pages/index/3208/waiting-for-alia.

50  Mon adaptation de: « is not about sex, but it aims to reinvigorate a conversation about the politics of sex and the uneven ways it is articulated across the fields of gender, capital, and control. […] Her mouth is not open and pouting. Her breasts are not large. Her eyes are not hungry or afraid. She is not wearing high heels. […] She is not selling anything, and she is not trying to turn us on. Her use of fishnet stockings appears to be a commentary on the clichés of commodified seduction. »

51  Source : Badawi sur la page Facebook d’Aliaa Magda Elmahdy, le 1er janvier 2012. Depuis, le compte Facebook d’Aliaa a été fermé. Une page d’intérêt l’a remplacé : https://www.facebook.com/pages/Aliaa-Magda-Elmahdy/170596839705656 ?ws&nr

52  Mon adaptation de: « [s]tupid little girl. Being nude does not make you an activist or free as a women. Being nude makes you just a piece of flesh and will allow all to view you as such. Just an ignorant little girl who has put herself out there for the world to see as a piece of meat–no intellect, no personality, no nothing other than a physical body that men can toy with. This is nothing more than pornography ».

53  Source: Mohamed Fadel Fahmy, CNN, le 20 novembre 2011:  http://edition.cnn.com/2011/11/19/world/meast/nude-blogger-aliaa-magda-elmahdy/index.html.

54  Mon adaptation de: « women [in Egypt] are nothing but sex objects harassed on a daily basis by men who know nothing about sex or the importance of a woman. The photo is an expression of my being and I see the human body as the best artistic representation of that ».

55  Source : https://www.facebook.com/aliaaelmahdy.

56  Inna Shevchenko soulignait alors: « With the picture we want to criticize the killings, rapes, and public executions by Islamic fascists, who are breaking news. This is what the Islamic State wants. They want the world to obey their ideas. Spreading their video messages of executions and sharing their speeches, we do a good job for them, we serve the Islamic State. Instead we should spread our message to them. Enough of tolerance! Don’t be scared to offend. Let’s hit them back with our answers, instead of giving them more space. The world is in fear, exactly as the Islamic State wants. We call not to fear them, but to resist them » (Source : http://hyperallergic.com/145768/feminist-activists-bleed-and-shit-on-islamic-state-flag-nsfw/).

57  Source : http://hyperallergic.com/145768/feminist-activists-bleed-and-shit-on-islamic-state-flag-nsfw/.

58  Source : http://www.gsapp. org/AAR/ ?p =505, page de la Columbia University Graduate School of Architecture, Planning and Preservation qui n’existe plus depuis que je l’ai consultée pour la première fois en 2012.

59  Mon adaptation de: « (p)ublic space has not only been restricted in physical terms but also in terms of self-autonomy and spontaneous social manifestation; [and that] it gains its true public status only in moments of antagonism,when the public connects through conflict ».

60  Source : http://www.wired.com/rawfile/2012/11/stephen-mayes-vii-photography/.

Citation   

Karoline TRUCHON, «Les médias comme espaces de (re)configurations et de (re)négociations des droits humains», Cultures-Kairós [En ligne], paru dans Les numéros, mis à  jour le : 18/11/2014, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=988.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Karoline TRUCHON

Karoline Truchon est chercheure postdoctorale en Anthropologie publique au Center for Oral History and Digital Storytelling de Concordia University. Ses travaux s’intéressent aux personnes en situation de (dé)marginalisation sociale, économique et spatiale (la communauté Innu de la Côte-Nord, des résidents d’habitations sociales à Montréal, à Toronto et à la Nouvelle-Orléans et des personnes sans papier en France, notamment. Elle travaille dans une perspective de recherche impliquée, critique et théorisée avec des méthodologies participatives audio-visuelles.