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Réflexions socio-historiques sur les enjeux politiques et identitaires de l'évolution des styles musicaux en Jamaïque

Gildas LESCOP
octobre 2013

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/cultureskairos.721

Résumés   

Résumé

Si la diffusion et le succès des musiques jamaïcaines, en dehors des limites du ghetto, permettront à cette petite île des Caraïbes, au sortir de son indépendance, de se faire connaître bien au delà de ses frontières en faisant découvrir au monde entier son étonnant potentiel créatif, ces différentes formes musicales amèneront aussi et dans le même temps la Jamaïque à mieux se connaître elle-même en conduisant une part croissante de son public à une redécouverte et à une réinvention de leur identité. En croisant le regard de différents auteurs sur l'évolution de la musique jamaïcaine et sur les processus de construction identitaire, ce texte voudra montrer de quelle façon et dans quelles circonstances ces musiques, dans leur ensemble, par l'innovation progressive d'un langage propre, s'affirmeront comme une force culturelle de première importance tout en rencontrant, à chaque étape de leur développement, l'hostilité et le mépris des classes dirigeantes de ce pays.

Abstract

The distribution and success of Jamaican music have led this small Carribean island to gain international recognition shortly after its independence, and the entire world to discover its amazing creative potential. Simultaneously, the various Jamaican music forms have also shaped the country’s self-awareness and led a growing part of the public to rediscover and reinvent its collective identity. By comparing different authors’ points of view on the evolution of Jamaican musics and on the construction of a national identity, this paper aims to demonstrate in which ways, and under which circumstances these musics have established themselves as a cultural force of prime importance, by the emergence of a proper language, while meeting the hostility and contempt of the Jamaican ruling classes at each stage of their development.

Index   

Index de mots-clés : Jamaïque, reggae, musique, identité, rastafarisme.
Index by keyword : Jamaica, reggae, music, identity, rastafarism.

Texte intégral   

Une île gorgée de soleil... de souffrances et d'espérances

1Petite île montagneuse des Grandes Antilles, la Jamaïque appartient à cet espace caribéen historiquement ponctué de conquêtes, d'expropriations, de génocides, d'esclavages et qui restera durablement marquée par l'imposition du système de la plantation et par la longue tutelle de la dépendance coloniale (Hall, 2008, p. 332).

2Ancienne possession espagnole puis britannique, la Jamaïque accédera à l'indépendance, dans le cadre du Commonwealth, le 5 août 1962, à minuit précisément, après pratiquement 300 ans de régime colonial. Une indépendance, réclamée tant par le PNP1 depuis son arrivée au pouvoir en 1955 que par son rival, le JLP2, qui sera d'autant plus facilement obtenue de la part des Britanniques qu'à leurs yeux, cette petite île ne présentait plus guère d’intérêt3.

3Cette indépendance suscitera néanmoins de grands espoirs parmi la population jamaïcaine, très majoritairement pauvre, pour qui cet affranchissement devait conduire à un mieux-être économique, ou du moins, s'accompagner d'une plus grande justice sociale. Ces espoirs seront cependant rapidement déçus : économiquement, les infrastructures resteront en pleine décomposition, et, socialement, l'ancienne stratification, héritée du système colonial et dominée par les « euro-créoles » (Ceyrat, 2009, p. 44), restera inchangée, si bien que ce transfert de souveraineté n'aura réellement de signification que pour la classe politique et le nombre démesurément faible d'individus contrôlant l'essentiel des richesses du pays. Se substituant à la domination politique, économique et culturelle exercée par la Couronne britannique s'exercera bientôt l'influence culturelle doublée de l'ingérence politique des États-Unis qui veilleront notamment à ce que ce petit pays ne succombe pas à l'influence idéologique de son proche voisin cubain.

4Désormais unie4 sous le même nouvel étendard, la Jamaïque conservera néanmoins deux visages : l'un clair et avenant, issu d'une « Jamaïque coloniale, fortunée et au mode de vie européanisé » (Ceyrat, 2009, p. 29) et associé aux clichés des brochures touristiques dépeignant une île paradisiaque, exposant le luxe des hôtels et la beauté des plages, exaltant le plaisir de boire un verre de rhum au son de quelques rythmes exotiques avec, pour arrière plan, esquissée sous forme de silhouettes, l'image d'une population noire, gaie et insouciante ne songeant qu'à danser toute la nuit. L'autre, nettement plus sombre, demeurant en dehors du cadre de ce tableau idyllique, « celui des masses noires colonisées, paupérisées et résolument tournées vers l'Afrique » (Ceyrat, 2009, p. 29) et tenu à l'écart de ce décor de carte postale.

5C'est pourtant de ce hors champs, de cette périphérie laissée en souffrance, que raisonneront d'abord, par l'élaboration graduelle d'un langage musical original, les échos d'une identité culturelle propre en construction directement issue de ces marges. Une identité réinventée plutôt que retrouvée qui, traversant les murs des townships, pénétrant progressivement l'ensemble de la société jamaïcaine et franchissant les mers, finira par s'affirmer ensuite, non sans rencontrer de résistances, comme un nouvel élément central de représentation adressé au pays tout entier et au delà.

6Rythmant ses mutations et orchestrant ses évolutions, la musique jouera en effet un rôle important en Jamaïque. Source de réconfort pour les plus pauvres et espoir de réussite pour tous les démunis, mode de communication de populations dominées et marginalisées, forme d'expression populaire se développant en dehors des institutions officielles, support récréatif mais aussi revendicatif en tant que vecteur d'un discours social et politique et véhicule d'un mouvement spirituel contestataire, elle sera le refuge « compensatoire » (Ceyrat, 2009) d'une identité culturelle déniée au sein d'un pays libéré de sa tutelle coloniale mais demeurant encore largement prisonnier de ses cadres cognitifs coloniaux.Ainsi, par ses sonorités, au moyen d'instruments de musique devenant des instruments du changement, face à la mémoire sourde de l'esclavage prolongée par le mutisme d'une classe dirigeante peu désireuse de remettre en cause les fondements d'un pouvoir façonné par le colonialisme, la musique jamaïcaine participera en grande partie d'un processus de reconstruction identitaire en contribuant à faire entendre la voix d'une identité noire et africaine qui demeurait toujours en silence depuis l'indépendance.

Les différents tempos de l'histoire jamaïcaine

7Pays du mento5, la Jamaïque, n’aura cependant longtemps pour toute musique largement diffusée et commercialisée que le calypso§, musique de danse produite en grande partie à Trinidad et répandue à travers toutes les Antilles britanniques à partir des années 1940. « Malgré tout, le calypso, le mento, ne mordaient pas vraiment sur la culture populaire ou, plus exactement, ils s’adressait surtout à une petite bourgeoisie urbaine que satisfaisait son rythme alangui et ses voix sucrées. Les populations rurales, le prolétariat urbain avaient d’autres musiques ou la religion tenait grande part mais qui étaient placées hors des moyens de diffusion de masse » (Constant, 1995, p. 36).

8Au cours des années 1950, une mutation décisive allait s'opérer par une ouverture à d'autres sources musicales alors que le pays connaissait dans le même temps, pour des raisons démographiques et économiques, un important exode rural7. Cet afflux humain massif ne tardera pas à favoriser l’apparition de bidonvilles périurbains, les shanty towns, véritables ghettos où se trouvera entassé un sous-prolétariat réduit, pour subsister, aux expédients les plus divers.

9Grâce à la diffusion des postes de radio seront bientôt captées au sein de ces zones déshéritées les programmes des stations du Sud des États-Unis qui diffusaient du blues et du rhythm and blues,musiques qui n'avaient pas leur place sur les radios nationales jamaïcaines et qui allaient rapidement devenir extrêmement populaires parmi les habitants des ghettos, lesquels pouvaient sans mal s'identifier à la tristesse et aux déboires chantés par le blues tout en appréciant par ailleurs l'énergie dégagée par le rhythm and blues. Dans tous les cas, « ces formes musicales vocales et instrumentales dérivées des chants de travail exprimant [...] la dureté de la vie dans une Amérique blanche et raciste » (Kroubo Dagnini, 2011, p. 145) ne manquaient pas de rentrer en résonance avec l’histoire passée et le présent vécu de ces Jamaïcains.

10Cet engouement pour les musiques noires américaines conduira d'abord à l'apparition d'orchestres de blues jamaïcains dont les premiers enregistrements dateront de 1958. Ce blues autochtone, « bricolé avec les moyens du bord, instruments et amplificateurs restant hors de portée du commun en Jamaïque » (Constant, 1995, p. 36), se fera l'écho de la situation sociale du pays, sans pour autant oublier les traditionnels thèmes d’amour. Mais, sous l’effet des influences musicales locales, ce blues ne tardera pas, sur la forme, à s'affranchir de son modèle et à gagner en autonomie. À partir de l’évolution du rhythm and blues et du rock and roll, les musiciens jamaïcains innoveront en effet en accentuant le contretemps plus fortement, à l'instar du banjo dans le mento, sur une figure rythmique généralement inspirée du shuffle8. C’est de ce subtil décalage que naîtra, vers 1961, à la veille de l'Indépendance, un nouveau genre musical : le ska9. « Certes, la transformation était des plus subtiles, mais faire glisser l'accent de cette façon suffisait à donner à la musique un caractère auquel la quasi-totalité de la population jamaïcaine pouvait s'identifier » (Bradley, 2008, p. 72).

11De la sorte, en tant que première musique « moderne » jamaïcaine ne se contentant pas d'imiter platement les styles américains, le ska deviendra rapidement très populaire en Jamaïque, s'imposant, dans l'euphorie de l'Indépendance10, comme la musique nationale jamaïcaine avec notamment pour dignes représentants les Skatalites, groupe de musiciens pour la plupart issus du jazz qui donneront au ska ses lettres de noblesse.

12Bien que traité avec mépris par les classes dominantes, le ska dominera lui la scène musicale jamaïcaine jusqu'au milieu des années 1960, divertissant les habitants des ghettos, les interpellant aussi à l'occasion, avant de laisser la place à un nouveau style musical produit par un ralentissement de son rythme trépidant.

13Parmi les versions proposées pouvant expliquer ce changement de rythme, l'une d'elle affirmera que le ska s'apaisera durant la saison particulièrement chaude de l'été 1966, à la demande d'un public toujours enthousiaste et dansant volontiers mais qui, fortement éprouvé par ce climat étouffant, demandera aux musiciens de ralentir le tempo11. Ces derniers, accédant volontiers aux attentes de leur public, donneront ainsi naissance à une autre forme musicale : le rocksteady12. Cette musique, encore fortement influencée par le rhythm and blues et pouvant être qualifiée de soul jamaïcaine, charmera les habitants du ghetto et rencontrera également une grande audience en Angleterre, non seulement auprès de la communauté jamaïcaine immigrée, mais aussi auprès de ces Britanniques constitués en subcultures mods et skinheads qui, dès l'apparition du ska, s'enticheront des rythmes jamaïcains.

14Si le facteur climatique a pu, éventuellement, participer d'une manière originale à l'émergence du rocksteady, un autre climat particulièrement chaud, mais social celui-là, contribuera pleinement à l'essor de ce tempo apaisant. Les années allant de 1966 à 1969, période durant laquelle le rocksteady verra triompher ses rythmes langoureux et ses thèmes romantiques, correspondront en effet à une époque de violence marquée par l'avènement du rude boy.

15Phénomène alors typique de la Jamaïque, les rude boys étaient de jeunes gens issus des ghettos les plus pauvres que l'absence de travail, de perspectives économiques et politiques avaient fait sombrer dans la délinquance. En but contre toutes les institutions, se considérant comme « victimes du système », les rudies13, organisés en gangs, se livreront à toutes sortes de petits trafics et se feront la guerre entre eux. Ils se mettront également au service de l'un ou l'autre parti politique de l'île, sans aucune considération idéologique. Dans l'atmosphère de chaos tolérée, si ce n'est organisée, par le gouvernement lui-même où sévissaient la corruption et le clientélisme, « l'anarchisme apolitique des rude-boys ne pouvait que prospérer » (Bradley, 2008, p. 213). Dépourvus de toute conscience sociale, « ces racailles urbaines, toujours prêtes à faire étalage de leur force s'attaquaient à ceux qui, a priori, offraient le minimum de résistance : leurs congénères habitants du ghetto » (Bradley, 2008, p. 217) et investissaient volontiers les lieux de fête pour y semer le trouble. Aussi les groupes de rocksteady tenteront-ils de réguler cette violence en invitant les rude boys, au travers de leurs mélodies suaves et de leurs textes conciliants, à se calmer et à s'assagir, à faire preuve de retenue ne serait-ce que le temps d'une soirée14.

16Considérée par beaucoup de musiciens comme une période faste de la musique jamaïcaine15, le rocksteady aura cependant une durée de vie plus brève que le ska. C'est sous l’appellation de reggae que, à la fin des années 196016, un nouveau style émergera une fois de plus des quartiers les plus pauvres de la Jamaïque, gagnant rapidement une grande popularité, et suscitant une fois encore le mépris des classes dominantes de cette île. Mépris qui atteindra un degré supérieur, lorsque, après une courte période de transition appelée early reggae faisant immédiatement suite au rocksteady, le reggae allait, en sus de ses sonorités africaines parfois marquées, se faire entendre comme le moyen d'expression d'une foi mystique.

Évolution musicale vers une élévation mystique

17Avant de bénéficier d'une meilleure reconnaissance et de gagner en respectabilité grâce au succès grandissant du reggae puis grâce à la figure charismatique et rassurante de son plus illustre ambassadeur Bob Marley, les représentants de cette foi propagée par le mouvement rastafari17 vivaient alors en marge d'une Jamaïque très majoritairement chrétienne, au sein de quelques communautés18 pratiquant la culture maraîchère. Régulièrement persécutés par la police qui les pousseront à la dispersion – conduisant les premiers rastas dans les années 1940 à s'installer au bord de la mer, près du centre de Kingston, dans le quartier ouest de Back-O-Wall où ils construiront un bidonville – puis poussés par l'exode rural, la majorité des rastas finiront par échouer dans les différents ghettos de Kingston où, dans l'indifférence de leurs compatriotes, ils affronteront des conditions d'existence très difficiles. Le rastaman ne jouissait alors certes pas d'une bonne réputation : il était vu au mieux comme un original vaguement inoffensif, le plus souvent comme une sorte d'illuminé fumant de l'herbe, au pire comme un cinglé potentiellement dangereux19, notamment par le pouvoir jamaïcain pour qui le mouvement rastafari figurait une menace pour l’ordre public et la stabilité du pays. Véritables parias, « les rastafariens représentaient le sous-prolétariat du sous-prolétariat, placés si bas dans le rigide ordre social de l'île que, pour la majorité de ses habitants, ils ne comptaient tout simplement pas » (Bradley, 2008, p. 85).

18Le monde de la musique jamaïcaine lui-même, plus proche de la soul américaine et des églises chrétiennes comme le reste de la société, ainsi que peuvent l'attester les thèmes et les structures inspirés du gospel des morceaux antérieurs au reggae, mettra du temps à accepter et à intégrer les influences rastas. Ne serait-ce que visuellement, le port des dreadlocks20 constituait déjà pour les artistes jamaïcains un véritable défi à la mode alors que la tendance était, sur le modèle des artistes noirs américains, au défrisage et au lissage des cheveux, pratique que les rastas assimilaient à un coupable abandon de l'africanité. L'arrivée de groupes et de chanteurs impliqués et déterminés comme les Wailers qui feront prendre à la musique jamaïcaine, à la fin des années 1960, un tournant plus engagé, contribuera à un changement de regard d'ensemble vis-à-vis des rastas, de leur apparence, de leurs pratiques et de leurs croyances. Leur système de pensée allait dès lors lentement imprégner la population jamaïcaine, à commencer par les plus pauvres, jusqu'à devenir une force spirituelle et culturelle de première importance.

19D'un point de vue musical, le passage du rocksteady au reggae et la rapide popularité de celui-ci allait s'avérer essentiel quant à la popularisation des thèmes rastafaris en se révélant être, plus que le ska ou le rocksteady, un véhicule fort approprié quant à l'expression et à la diffusion de ces messages à la fois mystiques et revendicatifs. Le ska avec son rythme sautillant et le rocksteady avec son tempo langoureux abordaient en effet plus volontiers des thèmes ludiques et sentimentaux. Même s'il n'en reste pas moins que la musique jamaïcaine possèdera toujours, dans son ensemble, une profonde essence sociale et politique, délivrant un commentaire des évènements en cours, tels que l'accès à l'indépendance pour le ska et le phénomène des rude boys pour le rocksteady, les ballades d’amour, au registre léger, et les chansons salaces resteront des thèmes constants dans son histoire. Mais le reggae, habillé de toute la terminologie rasta, en se faisant la caisse de résonance d'une insatisfaction générale ira plus loin et plus profondément dans le registre de la contestation en développant une critique radicale du système. Car derrière la condamnation de « Babylone », c'est la politique jamaïcaine dans son ensemble qui sera attaquée et au delà encore, tout un système politique, le « shitstem21 », pour reprendre le terme employé par Peter Tosh, hérité du colonialisme. De la sorte, parée de toute une mystique religieuse, le reggae roots22 participera d'un processus de prise de conscience collective. Il marquera, à la fois sur la forme et sur le fond, l'accomplissement d'un processus de maturation23. Sur la forme, il se manifestera « comme l'aboutissement d'un itinéraire musical collectif, entamé par l'imitation de musiques afro-nord-américaines et poursuivi dans l'innovation progressive d'un langage musical propre » (Constant, 1995, p. 37). Sur le fond, il contribuera progressivement à la reconnaissance d’une identité noire et africaine liée car basée sur le souvenir de l’esclave, identité qui, depuis la décolonisation, restait encore inexprimée du fait d’un refoulement mémoriel et, par voie de conséquence, de « la réticence et/ou [de] l’incapacité de l’élite jamaïcaine indépendante à intégrer le facteur racial dans sa pensée sociale » (Kroubo Dagnini, 2011, p. 11).

20Ainsi, compensant ce manque, remplissant ce vide laissé par les institutions officielles, c'est la musique et non l'écriture, la foi en tant que savoir qui, comme outils plus accessibles aux plus pauvres, deviendront les armes d'un combat culturel « alternatif » invitant les Jamaïcains, par la médiation du reggae roots, à une redécouverte et à une réinvention d'eux-mêmes.

Redécouverte de ses origines et réinvention de son identité

21Le ska, dont l’émergence en tant que style original coïncidera avec l'indépendance de la Jamaïque, contribuera au façonnement d'une conscience nationale. Le rocksteady, en témoignant de la violence agitant les ghettos et en diffusant en retour des appels à la raison, participera à la diffusion d'une conscience sociale. Le reggae, en s'affranchissant de plus en plus des influences musicales nord-américaines, en incorporant notamment dans sa rythmique des formes d'expression natives tel que le burru, rythme africain importé en Jamaïque par les esclaves, amènera les Jamaïcains, en puisant au delà du mento ou du calypso dans un répertoire occulté, à une meilleure conscience d'eux-mêmes en les rapprochant de leur propre histoire. La rencontre, alors qu’ils se côtoyaient dans le ghetto et qu’ils faisaient l'objet d'un même ostracisme, entre batteurs burru, communauté déclinante sans religion propre,etles rastas, communauté croissante encore sans musique, avait conduit dans les années 1940 à un « échange musique contre doctrine » (Constant, 1982, p. 48) qui aboutira à une fusion de ces deux groupes et à l’extinction presque totale des gens du burru en tant que groupe social. Par la suite, le reggae, en valorisant les pratiques musicales et les croyances les plus marginalisées du ghetto, poussera à la réhabilitation sociale de ces deux groupes initialement stigmatisés qui les pratiquaient et qui témoignaient, par l'usage de ces sonorités et l'emploi d'un discours faisant référence à l'Afrique, d'une mémoire oubliée d'un passé refoulé.

22C'est qu'en Jamaïque comme dans le reste des Antilles, ainsi que le rappelle Stuart Hall cité par Dick Hebdige : « la voix de l’Afrique, identifiée à l'esprit des rebelles des esclaves, a été systématiquement muselée » (Hebdige, 2008, p. 33). Marqués par cette dépossession, par ce « drame de la séparation et de la ''perte d'identité'' faisant partie intégrante de l'expérience caribéenne » (Hall, 2008, p. 313), la grande majorité des Jamaïcains allaient découvrir, à travers l'impact de la culture rasta intimement liée à la culture du reggae, « qu'ils étaient ''noirs'', comme au même moment, ils découvraient qu'ils étaient tous les fils de ''l'esclavage'' » (Hall, 2008, p. 319). Cette prise de conscience de leur « identité noire » mise en corrélation avec leurs conditions d'existence et de marginalisation sociale sera donc intrinsèquement liée à la réception et à la diffusion du rastafarisme, la couleur de peau étant « le véritable principe fondateur [de ce] mouvement. Pas de peuple noir, pas de nécessité au rastafarisme. Ou plus exactement, pas de peuple noir oppressé, pas de rastafarisme » (Bradley, 2008, p. 99).

23Cette sorte de « révélation de soi », ce « dévoilement identitaire », ne sera pas le seul apport du rastafarisme. À partir d'une assimilation spécifique du discours biblique consistant à lire dans les tribulations du peuple juif leur propre histoire de peuple victime de l'esclavage et condamné à l'exode, le rastafarisme va construire un récit mythique qui va s'enraciner « dans un fantasme, une projection, une idéalisation » (Hall, 2008, p. 270) faisant de l'Afrique, « paradis perdu », par le biais de cette transposition, la terre de référence – la « terre promise » – d'une « communauté imaginée » (Anderson, 1996). Ce récit mythique et ethnocentré permettra à nombre de Jamaïcains de s’agréger à un groupe, à cette « communauté imaginée » – c'est la fonction même de l'ethnicité – ne serait ce que brièvement ou périodiquement, le temps d’un concert de reggae. Plus encore, en transformant « la pauvreté et l'exil en ''signes de grandeur'' » (Hebdige, 2008, p. 37), ce récit participera activement au développement d'une fierté, d'une audace, d'une définition valorisante de la « négritude » qui faisaient jusqu'alors défaut et qui offrira, en reprenant ici les mots employés par Franz Fanon à propos de la redécouverte de l'identité (Hall, 2008, p. 312), l'espoir au Jamaïcain le plus pauvre de découvrir « au delà de [sa] misère actuelle, de ce mépris pour [lui-même], de cette démission et de ce reniement, une ère très belle et très resplendissante qui [le] réhabiliterait, à la fois vis-à-vis de [lui-même] et vis-à-vis des autres ».

24Ce récit imaginaire proposera donc aux jamaïcains, et à tous ceux éprouvant ici ou là ce même sentiment d'exil et de dépossession – la « diaspora noire » –, le retour comme réponse à l'expérience de la dispersion et de la fragmentation : retour réel en cette « Afrique-mère » pour quelques uns, retour du moins symbolique pour beaucoup, permettant à ceux-ci, par ce retour réflexif, de comprendre non pas tant ce qu'ils sont, mais ce qu'ils sont devenus au travers d'une réinvention de ce qu'ils étaient. Réinvention en tant que construction culturelle hybride, car le rastafarisme, émergeant dans le contexte caribéen de culture syncrétique, apparaît lui-même créole, se nourrissant aussi bien « du christianisme européen – les Ras sont des grand lecteurs de la Bible –, des vestiges de l'hindouisme des travailleurs indurés (de Back-O-Wall notamment) – comme le montrent leur régime alimentaire végétarien et leur usage de la ''ganja'', nom lui même empruntée à la langue Hindi –, que des survivances africaines (afrocentrisme, cultes utilisant des tambours, etc.) » (Cruse ; Rhiney, 2011).

Conscience noire, inconscient blanc

25En Jamaïque, où, comme dans le reste des Caraïbes, « la race demeure malgré tout le secret coupable, le code caché, le traumatisme inexprimable » (Hall, 2008, p. 343), le message afrocentré des rastas issu de leur interprétation de la bible – « cette profonde subversion de la religion de l'homme blanc, qui installe Dieu en Éthiopie et les victimes noires à Babylone » (Hebdige, 2008, p. 36) – interprétation amenant à montrer que dans un « système blanc », la pauvreté est noire – vaudra à ceux-ci, jusqu'à la fin des années 1960, d'être persécutés par les autorités jamaïcaines. Autorités « qui leur reprochaient de mettre en relief ces mêmes différences de race et de classe que le gouvernement essayait désespérément de camoufler » (Hebdige, 2008, p. 37). C'est pourquoi le reggae, aux sonorités déjà trop noires, sera pareillement condamné par ces mêmes autorités, lorsque celui-ci, ravivant le souvenir de l'esclavage, se fera le véhicule du rastafarisme.

26Pourtant, l'influence et la renommée de cette musique seront bientôt telles que la Jamaïque deviendra, avant toute autre chose, le pays du reggae, sans que les autorités gouvernementales et les élites locales n'y soient donc pour grand chose dans l'avènement de cette nouvelle image de marque, « elles auraient plutôt freiné le mouvement au départ avant que le phénomène ne devienne irrésistible et fournisseur, somme toute, de devises » (Constant, 1995, p. 23).

27De fait, avant même l'émergence du reggae, la musique jamaïcaine, cette construction culturelle qui sera, pour reprendre la formule de Stuart Hall, « socialement périphérique mais symboliquement central » (Hall, 2008, p. 310), se heurtera, à chaque étape de son développement, au mépris et à l'hostilité des classes dominantes de ce pays. Si le succès populaire, à l'intérieur des frontières de l'île, et internationale, à l'extérieur de ses frontières, confirmera la créativité, l'originalité et le dynamisme d'une musique autochtone, cette dernière, sous ses différentes formes, ne fera cependant l'objet que d'une très rétive acceptation de la part des classes dominantes locales. Jamais en effet celles-ci n'encourageront le développement de ces courants d'expressions déjà négativement associés pour elles aux « bas quartiers » et aux autres jeunes « de mauvaise vie ». Qui plus est, dans un pays aux structures sociales très rigides et encore dominé par le shadism24 où subsistera longtemps, comme héritage du colonialisme, l'idée d'une supériorité du blanc – idée se trouvant ici confortée par la reconduction des « mulâtres » aux rênes de l'indépendance, les couches dominantes étant également composées de « browns » selon la terminologie jamaïcaine – ces musiques issues des ghettos auront le tort de développer de manière croissante des messages à caractère sociaux, puis protestataires, voire nettement révolutionnaires. Mais en outre, elles intègreront et revendiqueront bientôt et en parallèle des influences africaines de plus en plus marquées en un mélange, fort indigeste pour un pouvoir encore emprunt de l’idéologie coloniale, de socialisme, de mysticisme et de black power.

28Les divisions sociales et les préjugés raciaux se reportant dans l'espace musical, le gouvernement jamaïcain se montrera dès lors incapable d'exploiter le succès du ska « à cause de son snobisme intrinsèque » (Bradley, 2008, p. 162). Les radios nationales jamaïcaines, aux mains « d'un personnel issu des classes moyennes qui aspirait à la ''dignité'' et méprisait ouvertement tout ce qui était trop brutal – trop noir –, comme étant à la limite de la musique de sauvage » (Bradley, 2008, p. 26), s'opposeront de même à la diffusion de ces musiques populaires, du ska au reggae, assumant « une scission qui dura vingt ans entre les stations de radio nationales et les préférences du public » (Bradley, 2008, p. 35). Tout au plus le gouvernement concèdera-t-il à ces musiques aux influences jugées suspectes, troublé de leur succès à l'étranger et notamment chez les anciens « maîtres » britanniques, que des orchestres « propres sur eux », puissent en délivrer une version soft, lisse et inoffensive, à l'intention des touristes au sein des hôtels de luxe25.

29Dans cet environnement « où toute forme d'expression indigène – i.e. Noire – émergente, aussi bien dans le domaine social qu'artistique, était découragée avant même son apparition, radicalement diluée au nom d'une certaine sophistication artistique ou affadie pour plaire aux touristes blancs » (Bradley, 2008, p. 23), les sound-systems, créés par et pour les plus défavorisés, allaient jouer un rôle essentiel quant au développement de la musique jamaïcaine en s'affirmant comme des lieux de création artistique et de résistance culturelle autonome.

30Invention populaire et sorte de rave parties avant l'heure, ces sound-systems naîtront de la nécessité et de la débrouille – nécessité de compenser le manque de lieu où faire la fête, les « clubs » ou les « boîtes » étant pratiquement inexistantes en Jamaïque, débrouille quant aux moyens de se procurer à la fois les disques et le matériel susceptible de fournir le « gros son » qui emportera la faveur du public. Générateur, platines vinyles et haut-parleurs, aussi puissants que possible, étaient chargés sur un camion avant de s'installer sur un terrain en plein air. La fête pouvait alors commencer. Bien que peu nombreuses26, une compétition des plus acharnées règnera à cette époque entre ces discothèques mobiles, le talent des DJ27 employés et l'originalité des morceaux passés faisant la différence28. Fréquentées plus ou moins pacifiquement par les fameux rude boys, animées par des personnalités « hautes en couleurs29 », l’ambiance pouvait s’avérer houleuse, en particulier lorsque deux sound-systems se produisaient le même soir, entraînant rixes entre les supporters des deux camps parfois ponctués de coups de feu. Malgré tout, ces soirées étaient celles que les habitants du ghetto préféraient pour aller s'amuser.

31C'est à l'intérieur de ces espaces sonores, jouant aussi un rôle économique30 et social31, que va s'élaborer la musique jamaïcaine, là où l'intuition de quelques programmateurs puis producteurs ira directement à la rencontre du goût d'un public enthousiaste et tapageur qui, bruyamment, validera ou non les nouveautés proposées. Ceci aura pour effet de dynamiser la musique jamaïcaine qui, cherchant constamment à se renouveler, à surprendre et à séduire son public, s'affranchira rapidement de ses premières influences américaines pour trouver, avec l'aide de ce public, sa propre personnalité. Le ska, le rocksteady, le reggae et tous les autres genres qui suivront ne devront de la sorte leur succès qu'aux sound-systems et à un public, qui, dictant ses choix, commandera de fait toute l'évolution musicale du pays32.

32Les sound-systems formeront de ce fait les lieux où se développera une authentique culture populaire et où s'affirmera, avec le ska et le rocksteady, une identité jamaïcaine en construction avant de devenir, avec le reggae roots, un pôle d'ancrage de l'identité noire. Ils deviendront en cela des espaces d'épanouissement, de consolidation et d'exportation d'une identité collective autonome, affranchie de l'influence de la culture légitimée par les classes dominantes.

33Les sound-systems joueront ainsi un grand rôle en Jamaïque, mais également en Grande-Bretagne33où, sur le même modèle, à l'initiative des jamaïcains ayant émigrés là-bas, des versions locales s'y développeront à leur tour, constituant pour cette communauté des lieux de réenracinement au sein de leur pays d'accueil d'où s'implanteront et se rediffuseront à nouveau, en servant de relais, toutes les formes d'expressions culturelles venues de Jamaïque et dont l'influence s'étendra également à une grande partie de la jeunesse britannique.

Lente reconnaissance, rapide récupération

34Ces musiques venues de Jamaïque ne tarderont pas en effet à se propager parmi la communauté antillaise installée en Angleterre où elles revêtiront une importance particulière pour une seconde génération devenue circonspecte vis à vis d'une société qui semblait peiner à les intégrer pleinement malgré les efforts d'assimilation de leurs pères. Se sentant non reconnue comme citoyenne britannique à part entière, cette génération cherchera à raviver des liens avec leur ancienne patrie et trouvera une sorte de refuge réconfortant dans une identité reconstruite en renouant les fils de leurs origines. La musique afro-américaine d’abord, puis la musique jamaïcaine en plein essor depuis les années 1960 constituera le noyau de sens autour duquel une autre culture, un autre système de valeurs et d’autodéfinition, notamment au travers d'un rastafarisme vécu à distance, pourra s’agglutiner et s'affirmer. Dans cette quête identitaire, acheter un disque jamaïcain en Angleterre, sera donc déjà pour ces jeunes déracinés comme acquérir à bon prix un bout de ce pays. Et en cette terre d'accueil où la plupart des clubs et des pubs anglais n'accueillaient pas toujours volontiers les jeunes noirs, ces derniers ne tarderont pas à organiser eux-mêmes, sur le modèle des sound-systems jamaïcains, leurs propres espaces d'expression et d'affirmation.

35Les rythmes ska, rocksteady et reggae commenceront dès lors à faire vibrer certains quartiers de Londres après ceux de Kingston pour ensuite gagner une forte popularité à travers tout le pays. Entre 1968 et 1972, leur audience se développera à un point tel qu'il se vendra, durant cette période, plus de ce style de musique sur le sol anglais qu'en Jamaïque, sans qu'il n’y eut jamais un effort du gouvernement jamaïcain pour aider à l'exportation de cette musique alors que « les importants chiffres de ventes de disques en Angleterre faisaient du reggae l'une des très rares industries du pays en expansion » (Bradley, 2008, p. 308).

36Bien que le ska ait obtenu pour la première fois une reconnaissance auprès du grand public en 1964 par l'intermédiaire de Millie Small, une jeune chanteuse jamaïcaine, dont le My boy lollipop atteindra la seconde place des charts britannique – devant les Beatles et les Rolling Stones – et bien que la musique jamaïcaine enregistrera par la suite d'autres succès34, les stations de radio de la BBC se montreront singulièrement peu réceptives à l'égard de cette musique. Ainsi, « en dépit du fait que certains disques de reggae se vendaient à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires et que cette musique constituait le choix manifeste d'un grand nombre de citoyens britanniques, plus souvent blancs que noirs, la BBC fit de son mieux pour faire comme si elle n'existait pas » (Bradley, 2008, p. 296-297). Cela, au prétexte que cette musique, jugée trop « primitive », ne correspondait pas à ses standards de diffusion.

37La réussite d'un label comme Trojan Records, qui deviendra rapidement le premier fournisseur de reggae en Grande-Bretagne, fera fléchir cette politique d'obstruction, d'une part, en démontrant, par son simple succès, l’existence d'un véritable marché, d'autre part, en réorchestrant ces morceaux jamaïcains afin de les rendre plus accessibles aux oreilles du grand public britannique et qu'ils puissent être, ainsi « anglicisés », plus largement diffusés.

38Cette acceptation et cette reconnaissance que le reggae finira par obtenir en Angleterre aura un « effet retour » en Jamaïque : les classes supérieures de ce pays, qui, jusque là, dédaignaient cette musique, se mettront à l'apprécier, dès lors qu'elle eût acquis une certaine légitimité chez l'ancienne, mais toujours prestigieuse à leurs yeux et à leurs oreilles, puissance colonisatrice. C'est donc précisément ce reggae reformaté en Angleterre, reggae qu'ils trouvaient plus « décent », qu'ils finiront par accepter, gardant entier leur mépris pour le reggae local – celui-là même qu'affectionnait tout particulièrement les Jamaïcains vivant en Angleterre.

39Parallèlement, vers la fin de l'été 1971, alors que le seul soutien du gouvernement que les professionnels de la musique avaient reçu remontait à l'époque où Byron Lee avait été invité à représenter la Jamaïque à l'exposition universelle de New-York en 1964, le reggae et sa terminologie rasta allaient subitement être politiquement mobilisés. Michael Manley, leader du People's National Party, formation restée dans l'opposition depuis l'indépendance, déclarera en effet « ''être profondément'' influencé par le nouveau reggae » (Bradley, 2008, p. 325). En vertu de quoi il mènera une campagne où l'on verra le « char musical du PNP », un camion à plateau orné des couleurs et des slogans de ce parti où se produiront des artistes d'importance tels Bob et Rita Marley, sillonner les routes du pays. L'on verra également Manley, la « verge de correction35 » à la main qu'il aurait obtenu d'Haïlé Sélassié lui-même, faire part à la foule, dans des discours aux accents prophétiques, de sa mission consistant à conduire son peuple vers un monde meilleur, quitte à détruire les murs qui se dresseraient sur sa route. L'on entendra aussi dire par ailleurs, qu'une fois élu, Manley légaliserait l'herbe...

40En sollicitant de la sorte les codes et les mythes rastas pour signifier son intérêt envers le sort des plus pauvres sensibles à cette rhétorique, en s'assurant le concours du reggae et des sound-systems qui donneront un écho extraordinaire à sa campagne, touchant ainsi des couches de populations qu'il n'aurait pu atteindre autrement, le PNP remportera les élections et Manley deviendra Premier ministre le 29 février 1972, événement qui sera salué par l'enregistrement de morceaux tels que Better must come de Delroy Wilson, Beat down Babylon deJunior Byles ou Socialism is love de Max Romeo.

Babylone brûle mais ne tombe pas

41Malgré la sincère volonté de Manley d'apporter un changement social à la Jamaïque, en témoigneront ses premières mesures36 gouvernementales, l'effet du choc pétrolier, la crise économique qui s'ensuivra, la désastreuse intervention du FMI à laquelle il dû se plier, mettront bientôt fin aux espoirs de la reggae-revolution. Le pays connaîtra alors une recrudescence de la misère et de la violence des gangs qui prospèreront de plus belle dans les ghettos de par le développement sans précédent des trafics d'armes et de drogues.

42Le monde du reggae qui, à l'occasion de cette campagne, était sorti de son rôle habituel de contestation de l'ordre établi en extériorisant les mécontentements pour se voir transformé en instrument d'encadrement idéologique des populations les plus réticentes à l'égard des institutions politiques, redeviendra la forme d'expression des insatisfactions des plus démunis, leur offrant un dernier refuge spirituel, consolateur et compensatoire. Mais pour un temps seulement car le décès de Bob Marley le 11 mai 1981, figure incarnée du reggae, semblera préluder, du fait de cette extrême personnification, d'un effacement de ce genre musical et de son message rasta.

43En Angleterre, la musique jamaïcaine finira, du fait de son exportation et de sa standardisation, par faire l'objet d'un mode de consommation très éloigné du contexte de sa création. Après avoir contribué à devenir un puissant facteur d'identification et d'affirmation pour les jeunes d'origine jamaïcaine tout en exerçant une forte influence sur les subcultures britanniques37, après avoir connu quelques grands succès d’audience et après avoir également servi de bande son de renfort à la contestation portée par le mouvement punk, elle se trouvera progressivement vidée de sa substance, menacée d'abord d'un « jah jah business » (Bradley, 2008, p. 431) mercantile et opportuniste, formatée ensuite pour ne devenir qu'un « produit métissé » (Gilroy, 2011, p. 320) pour finalement apparaître, en dernière instance, comme un simple phénomène de mode ayant déjà fait son temps.

44La mort de Bob Marley sonnera à cet égard comme un signal pour les labels qui décideront de se séparer de leurs artistes reggae, « préférant souvent placer leur argent dans des groupes comme Police, Madness ou les Clash qui jouaient ce que l'on pouvait appeler du reggae mais étaient tellement pétris de tous les aspects de l'idiome pop/rock anglais qu'ils représentaient un bien meilleur investissement pour une maison de disques » (Bradley, 2008, p. 559). Ainsi « la place de Marley fut prise, avec une certaine avidité, non pas par la génération suivante d'artistes jamaïcains et britanniques, que leurs compagnies de disque préparaient à lui succéder, mais par une nouvelle vague de musiciens de reggae blanc post-punk » (Gilroy, 2011, p. 321) qui détacheront définitivement le reggae de ses liens historiques avec les Africains des Caraïbes et leurs descendants britanniques.

45En Jamaïque, « la longévité commerciale du reggae roots avait créé une frustration sous-jacente : le mouvement roots avait tellement peu changé la vie quotidienne du ghetto que sa domination sur les paroles dans les soirées dansantes était un véritable non-sens » (Bradley, 2008, p. 575). À l'intérieur du pays, la fin de la reggae-revolution avait fortement oblitéré les perspectives politiques et spirituelles qu'offraient le mouvement rasta. À l'extérieur du pays, cette version édulcorée du reggae et de son message originel qui s'était internationalisée et standardisée avec Bob Marley s'était trop éloignée des foules des ghettos pour que celles-ci puissent s'y reconnaître et y puiser un motif de fierté ou de réconfort dans son succès. Pas plus que ses nouvelles formes sonores jugées « trop lisses et trop blanches », la « culture arc-en-ciel » qu'il véhiculait désormais ne pouvaient, selon eux, prétendre refléter la réalité sociale et incarner l'identité culturelle de cette île. « Ainsi, après des années de frustration, il semblerait que de nombreux laissés-pour-compte en eurent assez de se sacrifier pour les idéaux proclamés par la religion rasta et le socialisme, qu'elles qu'en fussent les dimensions qualitatives, et décidèrent d'embrasser la culture dancehall » (Kroubo Dagnini, 2011, p. 480). Une culture dancehall propulsée par la rage et la frustration accumulées dont le matérialisme affiché et revendiqué sous ses aspects les plus vulgaires, sur le nouveau modèle du gangsta rap américain, tranchera nettement avec la spiritualité du mouvement rasta mais qui reflètera « crument la nouvelle réalité jamaïcaine dans son intégralité avec en toile de fond : le sexe, l'argent et la violence » (Kroubo Dagnini, 2011, p. 480). Quant au reggae et au mouvement rasta, de nouveau relégués à l’arrière-plan, après avoir été l’un et l’autre, séparément et conjointement, en butte au mépris et à l’hostilité du pouvoir jamaïcain, ils pourront désormais, après avoir été vidés de leur dimension révolutionnaire et identitaire, être rapatriés dans le domaine du folklore national et être reconnus comme ayant contribué à « la renommée mondiale de la Jamaïque, tout comme... la bière nationale Red Stripe » et célébrés comme « une expression culturelle du peuple jamaïcain aux côtés du ''jerk concept'', c’est-à-dire une sauce nationale très épicée qui accompagne fréquemment le poulet » (Kroubo Dagnini, 2009, p. 111).

46Reste que ce tandem « reggae-rasta », avant d’être ici réduit à une expression du folklore jamaïcain et dilué ailleurs dans l’univers commercial des styles musicaux et vestimentaires, aura tout de même participé pleinement, au travers de ses sonorités et de ses textes, à la découverte d’une Jamaïque noire.

Bibliographie   

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Notes   

1 Le People's National Party (Parti national du peuple) est un parti jamaïcain membre de l'Internationale socialiste fondé en 1938.

2 Le Jamaica Labour Party (Parti Travailliste jamaïcain) est l'autre principal parti politique jamaïcain. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser entendre, il est plus à droite que son principal rival, le People's National Party et adhère à l'Union démocrate caribéenne.

3 « Si les britanniques avaient eu une seule bonne raison économique de conserver la Jamaïque dans le giron de l'Empire, ils l'auraient fait. Tous les accords concernant l'exploitation de la bauxite étaient signés, le commerce de la canne à sucre était mourant, celui de la banane ne pouvait en aucun cas suffire à soutenir toute une économie, et les grandes chaînes d'hôtels de luxe couvrant le marché touristique appartenaient à des sociétés américaines. La spectaculaire croissance du Produit Intérieur Brut des années 1950 avait considérablement et très rapidement diminué, ce qui signifiait une seule chose : la Jamaïque ne valait plus rien » (Bradley, 2008, p. 133).

4 La devise nationale de la Jamaïque, Out of Many One People, magnifie « l'union dans la diversité. Or, la production de cette identité hybride tant célébrée n'est pas évidente dans un contexte marqué par les clivages raciaux et socio-économiques » (Gaye, 2011, p. 9). D'autre part, « La mise sur le même plan des différentes populations est discutable d'un point de vue numérique, puisque la majorité est constituée d'individus d'ascendance africaine. La devise participe ainsi de la dilution de l'élément ''noir'' dans un cadre identitaire plus large et certainement plus vague » (Ceyrat, 2011, p. 132).

5   Le mento est apparu à la fin du XIXe siècle dans les zones rurales de l'île. Les thèmes abordés par les chansons de mento sont simples et tirés de la vie des gens de la campagne mais possèdent aussi une dimension sociale et politique. Il est également fait usage des textes à double sens où la sexualité a une grande importance. Une version urbaine apparaîtra plus tard, joués par des groupes employés par de grands hôtels internationaux. Ainsi des Hiltonaires, trio vocal habitué, comme l'indique leur nom, de l'hôtel Hilton.  

6 En raison de la vogue internationale pour le calypso et de son succès commercial, les termes calypso et mento vont devenir interchangeables en Jamaïque quoique le mento ait une identité jamaïcaine propre, ses rythmes étant notamment différents de ceux du calypso (Blum, 2000, p. 15).

7 Exode composé de populations issues des campagnes qui iront se déverser vers les villes portuaires, attirées là par les promesses d’emploi de ces zones dynamiques.

8 Tempo caractéristique des rythmes très marqués, notamment à la guitare, dans le blues américain.

9 Bien qu'il soit pratiquement impossible de dire qui le premier inventa le terme ska, celui-ci trouve vraisemblablement son origine dans une onomatopée, vite popularisée, désignant le son caractéristique de la guitare jouant les contretemps.

10 Des morceaux tels que Independant Jamaica de Lord Creator ou Forward March de Derrick Morgan salueront à leur manière cet accès à l'indépendance.

11  Selon une autre version, ce sont les personnes âgées qui réclameront un laps de temps avec du ska « plus lent » pour pouvoir danser lors des soirées : http://www.franceculture.fr/emission-continent-musiques-city-songs-4-kingston-1965-1969-l-age-d-or-du-rocksteady-2013-08-08.

12 Au-delà de son rythme plus lent que le ska, le rocksteady offre plus de clavier et plus de chant, mais moins de cuivres et d'instrumentaux. La contrebasse est souvent remplacée par la basse électrique. Cette fois, le temps fort est marqué sur le troisième temps.

13 Diminutif de rude boys.

14 Ainsi, par exemple, les paroles du morceau rocksteady d'Alton Ellis, Dance Crasher: « Oh, dance crasher/oh, dance crasher/Oh no no/Don't break it up/Please don't make a fuss/Don't use a knife/Take another feel of life/You'll be sorry, you'll be so sorry/You'll be sorry, let me tell you/There is a debt sometimes/You won't have a chance/That will be your last dance... ». Dans un contexte de concurrence féroce, les rude boys étaient souvent employés par les organisateurs de soirée pour semer le désordre chez leurs rivaux.  

15 « Demandez à n'importe quel musicien jamaïcain et il vous dira que l'ère du rocksteady fut la meilleure de toute la musique jamaïcaine » (Bradley, 2008, p. 231).

16 Bien qu'il soit souvent illusoire de vouloir situer précisément l'apparition d'un nouveau courant musical, les influences étant trop diffuses, l’enregistrement en 1968 d’un titre du groupe Toots and the Maytals intitulé Do the reggay, marquera, en tant que première chanson ayant utilisé le mot, même avec une orthographe pour le moins inhabituelle, un repère quand l’émergence du reggae.

17 Mystique et prophétique, le mouvement rastafari est assimilé par certains à une religion, par d'autres à une philosophie, voire à une idéologie ou un syncrétisme pour ses emprunts à la Bible. Les rastas le conçoivent eux comme un mode de vie, une façon de concevoir le monde et tout ce qui le constitue depuis sa création. Il est en tout cas très difficile de définir le rastafarisme : s’il existe une dimension religieuse, il n'y a pas d'églises ni de hiérarchies ecclésiales, pas de textes ni de dogmes, seulement une philosophie générale et des règles de conduite. Les rastas réfutent même le terme de rastafarisme, selon le précepte « no ism, no schism » (pas de isme, pas de schisme) préférant le terme générique de Rasta (ou Rastafari) qui leur sert aussi à s'auto-désigner.

18 Le mouvement rastafari prendra naissance en Jamaïque en 1930 au sein d'une communauté d'agriculteurs d'obédience chrétienne et éthiopianistes de Sligoville, dit le Pinacle, dirigée par Leonard Percival Howell, véritable fondateur du mouvement rastafari, qui verra dans le couronnement de Haïlé Sélassié l'accomplissement de la prophétie attribuée à Marcus Garvey. Howell et sa communauté seront très mal vus par les autorités pour leurs pratiques blasphématoires et du fait de leur rejet farouche de la culture et de la société coloniale. Howell sera arrêté pour sédition en 1933, puis interné dans un asile à plusieurs reprises tandis que le Pinacle sera dévasté maintes fois par la police. L'éthiopianisme est un mouvement apparu à la fin du XVIIIe siècle, avec la diffusion de la King James Version de la Bible sacralisant l'Éthiopie et les Éthiopiens. Cette version de la Bible désignant les Noirs comme Éthiopiens et l'Éthiopie comme nouvelle Sion a été diffusée dans les colonies britanniques, dont les futurs États-Unis et la Jamaïque. A l’aube de la Première Guerre Mondiale, le mouvement éthiopiste prendra une ampleur nouvelle sous l’impulsion de Marcus Garvey et du Back-To-Africa Movement et sera une source d’influence pour le mouvement rastafari.

19 « Il n'était pas rare que les parents des classes moyennes et aisées terrorisent leurs enfants en leur racontant des histoires où le croquemitaine se présentait sous l'apparence d'un rasta » (Bradley, 2008, p. 63).

20 Coiffure caractéristique des rastas, ceux-ci observent en effet comme précepte, parmi d'autres, de ne pas se couper, ni de se coiffer les cheveux, ce qui entraîne l'apparition des dites dreadlocks.  

21  « shitstem », « democrazy », « polluticians »... les rastas forgeront tout un vocable imagé pour exprimer leur défiance envers le système politique jamaïcain.

22 Le roots reggae désigne un reggae diffusant un message rasta conscious, c'est à dire « conscient ».

23 Selon la formule imagée de Lloyd Bradley, on peut considérer que : « si le ska constitue la naissance de la musique populaire jamaïcaine moderne et le rocksteady son adolescence plutôt truculente, le reggae représente son accession à l'âge adulte » (Bradley, 2008, p. 233).

24 Forme de racisme basée sur les nuances de couleur de peau.

25 Ainsi de Byron Lee, sino-jamaïcain ne provenant pas des ghettos, et de son groupe The Dragonaires qui, pour l’anecdote, apparaissent furtivement dans le film James Bond 007 contre Dr. No, sorti en 1962, alors que le fameux espion britannique prend ses quartiers dans un hôtel de luxe jamaïcain.

26 Les plus fameux sound-systems seront ceux de Duke Reid (Duke Reid The Trojan), de Clement Dodd (Sir Coxsone's Downbeat) puis de Prince Buster (Voice Of The People) qui feront figures de véritables défricheurs du paysage musical jamaïcain.

27 DJ ou deejay, mot provenant de l'anglais disc jockey (« cavalier qui monte les disques »). Dans les sound-systems, le DJ intervient à côté du selecter, le programmateur de disque. Faisant d'abord les lancements et les enchaînements en se contentant de glisser de courtes interjections dans la musique, le DJ verra ensuite son rôle s'affirmer progressivement, en tant qu'artiste vocal à part entière et comme commentateur de la vie sociale.

28 L'exclusivité devenant un critère de plus en plus important pour garantir le succès d'un sound-system, il deviendra courant, pour les animateurs de ceux-ci, de rayer les noms des artistes et des labels sur les disques importés et de les renommer pour protéger leurs vraies identités et empêcher ainsi les concurrents d'y avoir accès à leur tour.

29 Ainsi de Duke Reid par exemple : ancien policier, il apparaissait dans ses sound-systems, escorté, voire porté sur un trône factice, par ses sbires, vêtu d'une cape rouge et coiffé d'une couronne, mais également pourvu d'un pistolet ou deux, d'une cartouchière ainsi que d'une grenade ou d'une machette. Il était également connu pour employer des voyous (les "dancehall crashers") afin de saboter le matériel des sound-systems concurrents et provoquer des bagarres chez eux.

30 Dans un environnement économique très instable, les sound-systems représenteront une affaire lucrative pour les organisateurs.

31 Les soirées en sound-systems, très prisées par les habitants du ghetto, représenteront un grand lieu de vie et d'échanges : « pour les foules qui se rassemblaient dans les endroits où le "gros son" résonnait, ces soirées étaient tout à la fois une agence de rencontres en direct, un défilé de mode, une bourse aux informations, une parade où se mesurait dans la rue le statut social des gens, un forum politique, un centre commercial » (Bradley, 2008, p. 21).

32 Ce qui ne doit occulter le fait que ce milieu de la musique jamaïcaine, issu des bas-quartiers, restera un monde dur où sévira souvent la loi du plus fort et où, par exemple, les notions de salaire et de droits d’auteur seront presque toujours ignorées.

33 Ainsi qu’aux Etats-Unis où son implantation à New-York via DJ Kool Herc d'origine jamaïcaine posera les fondations de la culture hip-hop.

34 En 1967, ce seront encore deux morceaux ska qui viendront se classer, à la vingtième place pour le Al Capone de Prince Buster et trentième place pour le Guns Of Navarone des Skatalites, devenant cette fois-ci les premiers morceaux produit en Jamaïque à rencontrer le succès sur les ondes britanniques. En 1969, le Israelites de Desmond Dekker occupera la première place.

35 Verge, qui selon la bible (proverbes 22.15.2), apporte la sagesse. Cette expression, « Rod of Correction », avait été rendu célèbre par une chanson du même nom de Clancy Eccles qui fut un succès la même année.  

36 Création d'un revenu minimum garanti, abaissement du droit de vote à 18 ans, vaste réforme agraire, fondation des premiers syndicats, création de coopératives agricoles, allocations familiales, droit à la retraite...

37 Une influence si importante que l'on pourrait, selon Dick Hebdige, « réinterpréter l'histoire des cultures juvéniles de la Grande-Bretagne à partir des années 1950 comme une série de réponses différenciées à la présence des immigrants noirs sur le sol britannique » (Hebdige, 2008, p. 31).

Citation   

Gildas LESCOP, «Réflexions socio-historiques sur les enjeux politiques et identitaires de l'évolution des styles musicaux en Jamaïque», Cultures-Kairós [En ligne], paru dans Les usages du politique et leurs enjeux dans les pratiques artistiques et expressions esthétiques, mis à  jour le : 12/10/2013, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=721.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Gildas LESCOP

Doctorant en sociologie récemment rattaché au laboratoire C3S de l'Université de Franche-Comté, Gildas Lescop termine une thèse consacrée à l'étude du mouvement skinhead (mouvement originellement lié à la musique jamaïcaine). Cet objet d'étude, lié aux cultural studies, l'amènera à s’intéresser au rôle et à l'influence de certaines formes musicales, notamment sous leurs aspects politiques.