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« De malandro à citoyen » : capoeira et politiques culturelles dans l’Associação Capoeira de Rua Berimbau, Rio Grande do Sul

Lucrecia Raquel GRECO
décembre 2012Traduction de Sofiane AILANE

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/cultureskairos.488

Résumés   

Résumé

Les capoeiristes de l’Associação Capoeira de Rua Berimbau - Santa Maria, Rio Grande do Sul, Brasil - cherchent à dissiper le mythe du capoeiriste « marginal » ou « malandro » qui, selon eux, reste actif aujourd’hui dans l’imaginaire du public profane de la capoeira. Depuis sept ans, les capoeiristes, en majorité des hommes des classes populaires, s’identifient à une capoeira de Rua (de rue) dédiée à la formation de citoyens. Ils revendiquent également la pratique comme une forme de lutte, non seulement au sens physico-technique (un art martial) mais également au sens sociopolitique, contre différentes formes d’oppression socio-économique et en faveur de l’inclusion sociale. Au cours de ce processus, le public du groupe a changé, avec l’incorporation d’un plus grand nombre de femmes, et la priorité de l’entrainement a été modifiée, l’objectif d’efficacité dans la lutte étant relativement abandonné au profit d’une plus grande importance accordée à l’action de jouer (jogo). La proposition de cet article est de comprendre ces signifiants définis comme prioritaires dans l’appropriation de la pratique de capoeira au sein de l’Association, en considérant les positions des membres du groupe concernant les structures de genre, classe sociale et race-ethnicité, ainsi que les positionnements qu’ils adoptent comme capoeiristes dans une ville « blanche » du Brésil. Au cours de cette description et analyse, nous essaierons de comprendre comment les sujets capoeiristes se positionnent dans les luttes pour la définition de politiques culturelles spécifiques.

Abstract

The capoeirists of Associação CapoeiradeRuaBerimbau - Santa Maria city, Rio Grande do Sul, Brasil - contest in their practice the myth of the ‘marginal’ or ‘malandro’ capoeirist which, in their view, has been operating in the lay public. Over the last seven years, the capoeirists (mostly men of lower social classes) have been identifying themselves with a capoeira de Rua (street capoeira) aiming to train ‘citizens’. They also claim the practice as a struggle, in a technical sense (as a martial art) and in a social-political sense, as a struggle against different forms of socio-economic oppression and for social inclusion. During this process the public of the group has changed, receiving more women, and changing the training focus, relatively leaving away the objective of struggle efficiency and giving more importance to the action of playing ‘jogo’. The purpose of this article is to understand the signifiers that were chosen in the appropriation of capoeira practice by the group, considering the structural positions of the group members (class, gender and race-ethnicity) and the positions adopted by them as capoeirists in a white city of Brazil. Along the description and analysis we will understand how the capoeirists define their positions in the struggles for specific cultural policies.

Resumo

No decurso da sua prática, os capoeiristas da Associação Capoeira de Rua Berimbau -da cidade de Santa Maria, Rio Grande do Sul, Brasil- procuram contestar o « mito » do capoeirista « marginal » ou « malandro » que, segundo eles, opera até hoje no público « leigo » em capoeira. Nos últimos sete anos eles vêm se identificando com uma capoeira que forma « cidadãos » e reivindicam a prática como forma de luta, não apenas no sentido físico-técnico (como prática de uma arte marcial) mas também num sentido sociopolítico, como luta contra formas de opressão socioeconômica e pela inclusão social. Ao longo deste processo, o publico do grupo tem mudado com a incorporação de um numero mais grande de mulheres. Por outra parte, a prioridade do treino foi modificada, sendo o objetivo da eficacia na luta relativamente abandonado em favor duma maior importância no jogo. A proposta deste artigo será compreender os significantes priorizados na apropriação da prática de capoeira na Associação, considerando as posições dos membros do grupo no que diz respeito as estruturas de gênero, classe e raça-etnicidade ; e os posicionamentos por eles adotados como capoeiristas numa cidade « branca » do Brasil. No decurso da descrição e da analise buscaremos compreender como os capoeiristas se colocam nas lutas pela definição de políticas culturais.

Index   

Index de mots-clés : Capoeira de rua, citoyenneté, politiques culturelles, race, classe sociale.
Index by keyword : Capoeira de rua, citizenship, cultural policies, race, social class.
Índice de palavras-chaves : capoeira de rua, cidadania, políticas culturais, gênero.

Texte intégral   

 « (...) Anciennement, le capoeiriste était un malandro, et restait là au bistrot du coin à boire sa gnôle… Ça jouait pour jouer, d’où les lames cachées dans les chaussures, ça tailladait l’un ça tailladait l’autre, et à partir de là, le mythe s’est créé (…) », (Perigoso, capoeiriste de l’Associação Capoeira de Rua Berimbau, 11 avril 2007)

1Les capoeiristes de l’Associação Capoeira de Rua Berimbau, située dans la ville de Santa Maria dans l’État brésilien du Rio Grande do Sul, cherchent à déconstruire au cours de leur pratique le « mythe » du capoeiriste « marginal » ou « malandro »1 qui, selon eux, opèrent encore aujourd’hui chez le public non-initié à la capoeira. Durant les sept dernières années, ils se sont identifiés à une capoeira qui forme des « citoyens », revendiquant cette pratique comme une forme de lutte. Cette lutte est comprise non seulement dans le sens physico-technique (en tant que pratique d’un art martial) mais aussi dans un sens socio-politique en tant que lutte contre des formes d’oppression socio-économiques et qui vise à l’inclusion sociale.

2Cet article se propose de comprendre les politiques culturelles développées au sein de l’Associação en considérant les positions et les positionnements des capoeristes en ce qui concerne les structures de genre, de classe et de race-ethnicité2, en plus de l’appropriation particulière de la capoeira de la part du groupe dans le contexte d’une ville « blanche » au Brésil.

3J’ai réalisé un travail de terrain avec le groupe de 2005 à 2008, fréquentant et participant aux entraînements, aux rodas, aux évènements auxquels le groupe assistait, aux diverses formes de rassemblement des capoeiristes comme les entraînements informels, les fêtes et réunions pour l’organisation des activités du groupe. La recherche s’est déroulée à partir de l’observation participante, de la réalisation d’entretiens ouverts et semi directifs, d’enregistrements audiovisuels et de la « participation observante » (Wacquant, 2002).

Autour de la roda. Quelques considérations théoriques

4Cette analyse émerge d’une perspective qui considère la pratique de la capoeira comme une performance : une pratique restaurée et réactualisée à chaque répétition (Schechner, 2000, p. 13). Les performances sont constitutives de la réalité sociale et ne sont pas de simples « représentations » ou « synthèses » d’un processus social. À partir de cette perspective, je pense que dans la pratique d’un style de capoeira déterminé, auquel sont associés certains signifiants et dans des contextes précis, les capoeiristes se positionnent comme un collectif produisant des faits politiques dans leur pratique culturelle, des « politiques culturelles » dans l’acception des cultural politics (Ochoa Gautier, 2003, p. 76-77)3.

5La politique, dans le sens retenu ici, ne se limite pas aux disputes autour du contrôle étatique institutionnel, mais elle inclut des micro-politiques qui se dédoublent en diverses modalités de l’action humaine, comme les pratiques catégorisées en « arts » et « performances » (Turner, 1992, p. 110) et qui, dans la dynamique capitaliste, auraient été investies d’une aura de neutralité ou de désintérêt politique (Araújo, 2010, p. 11). La pratique de la capoeira fait partie de ces micro-politiques et les groupes de capoeira se constituent, en ce sens, en tant qu’acteurs politiques. En même temps et dans un rapport de tension avec sa neutralité apparente, la capoeira a montré sa dimension politique tout au long de son histoire puisque depuis son apparition durant la période esclavagiste jusqu’aujourd’hui, elle fût et reste l’objet d’interdits et de revendications à la fois de l’État et de la société civile. De nos jours, il est commun que la pratique d’un groupe de capoeira implique un positionnement politique très explicite. Ces positionnements peuvent s’observer au travers des récits historiques choisis, des paroles des chants, et des lieux sélectionnés par les groupes pour la réalisation de leurs rodas. Aussi, ils se donnent à voir de manière plus explicite dans les groupes de capoeira liés à divers secteurs du militantisme noir, ou bien dans le travail réalisé dans les projets sociaux, comme dans le cas analysé ici.

6Je considère que l’action politique des capoeiristes de l’Associação se situe dans le champ des politiques dites « culturelles » car la nature de l’activité du groupe est ciblée sur la pratique de la capoeira, sur la constitution de sujets citoyens, et sur la construction d’une « philosophie de vie ». Avec « politiques culturelles », je ne me réfère pas à l’ensemble des actions telles qu’elles sont définies par les organismes étatiques, mais aux pratiques de pouvoir développées par les divers acteurs sociaux dans le champ culturel. Ces pratiques s’effectuent en tant que processus de dispute pour l’hégémonie, auquel participent l’État, les organismes multilatéraux (principalement l’UNESCO), le secteur entrepreneurial, les mouvements sociaux et d’autres acteurs sociaux (Garcia Canclini, 1987 ; Escobar et al.,1991). Les actions de pouvoir dans la culture ne se limitent pas à des conflits pour des politiques publiques ou des pratiques institutionnelles, mais incluent également des modes de faire quotidiens, des changements « dans » la culture et « de » la culture (Chauí, 2006, p. 10). En ce sens, les pratiques de pouvoir dans la culture n’opèrent pas nécessairement avec la rationalité des structures politiques canonisées(Hopenhayn, 2003, p. 3). Dans les pratiques esthétiques, comme la capoeira, les politiques culturelles se développent dans les formes et dans le contenu : dans les aspects formels du genre lui-même et dans les dynamiques sociales à partir desquelles cette forme est communiquée (Ochoa Gautier, 2003, p. 77)4.

7Enfin, pour penser les positionnements des sujets dans le champ des politiques culturelles, je considère les « identifications » et non les « identités ». Je choisis le premier parce que c’est un terme processuel et actif qui permet de penser comment se produisent les pratiques et discours indigènes des acteurs sans prendre pour autant comme acquise l’existence d’« identités » réifiées (Brubaker et Cooper, 2001, p. 43-46).

Une lutte afro-brésilienne au cœur de l’État gaúcho

8L’état du Rio Grande do Sul pourrait s’identifier à un Brésil « blanc », au sens où la population noire, si l’on se réfère à l’année 2005, ne représente que 15, 5 % du total (Pesquisa Nacional por Amostra de Domicílios do IBGE, citada em SEADE5, 2012) et appartient, généralement, aux couches aux plus bas revenus (Oliven, 1999 ; Oro, 2002)6. En revanche, les institutions gouvernementales, les mass-médias, et l’industrie publicitaire de l’État ont donné la priorité aux significations liées au gauchismo7, puis aux colonies européennes plus tardives. Les classes moyennes et supérieures du Rio Grande do Sul tendent à s’identifier avec ces deux traditions, alors qu’elles considèrent les manifestations culturelles afro-descendantes comme propres au Brésil, de São Paulo jusqu’au Nord du pays. Néanmoins, ces dernières sont fortement présentes dans l’État et particulièrement au sein des couches populaires8.

9Située dans le centre de l’État, la ville de Santa Maria compte une population d’environ trois cent milles habitants. Parmi eux environ quinze mille sont des étudiants universitaires, et trente mille sont des militaires résidant dans la ville temporairement. C’est dans cette ville « gaúcha », « blanche » et dont une part importante de la population est fluctuante, que l’Associação Capoeira de Rua Berimbau a consolidé et étendu son action basée sur la pratique de la capoeira depuis 20039.

10La majorité des capoeiristes qui participe régulièrement à l’Associação (environ 30 personnes) appartient aux catégories socio-économiques moyennes et basses qui habitent dans la périphérie de la ville de Santa Maria. Il est intéressant de préciser qu’entre 2005 et 2008, approximativement 70 % étaient des hommes entre 18 et 30 ans, environ 30 % se définissaient comme noirs, 20 % avaient réalisé une partie de carrière militaire et 15 % avaient suivi des études supérieures. Ainsi, l’Associação se caractérisait par une prédominance du public masculin provenant des classes populaires. En dernier lieu, tous les membres adultes du groupe étaient, à cette période, les premiers de leur famille à pratiquer la capoeira, ce qui souligne l’importance de l’action de ce groupe et d’autres dans l’expansion de la capoeira dans la ville ces dernières décennies.

11Les entraînements du groupe étaient toujours gratuits pour le public, mais les capoeiristes, pour leur part, n’ont quasiment jamais été payés pour les assurer au sein de l’Associação10. Trois capoeristes ont reçu des allocations durant le développement du projet municipal « Ginga de la Citoyenneté » (Ginga da Cidadania). Ce projet fut créé et promu par le Maître de l’Associação et a fonctionné entre 2006 et 2008 dans les locaux du Forum politico-social de la municipalité de Santa Maria durant la période de gouvernement municipal du Partido dos Trabalhadores (2001-2008). À travers ce projet, le groupe a commencé à donner régulièrement des ateliers dans plusieurs écoles publiques, en plus de marquer sa présence plus régulièrement lors des évènements « culturels » municipaux (commémorations officielles, festivals, etc.). Également, durant cette période, l’organisation de rodas et de cercles de discussion était courante dans les écoles publiques dans le cadre de l’application de la loi n° 10.639/200, qui rend obligatoire l’enseignement de l’Histoire, de la Culture Africaine et Afro-Brésilienne à l’école primaire.

12Les membres de l’AssociaçãoCapoeiradeRuaBerimbau décrivent principalement la capoeira comme un « art martial rythmé », « afro-brésilien » ou « noir ». D’un côté, la dimension de la lutte ou de l’art martial est priorisée sur d’autres aspects comme la danse, la théâtralisation, le sport ou encore le jeu dans la performance de capoeira. La dimension martiale s’exprime dans la gestuelle du groupe, définie comme « objective », focalisée sur l’ « efficacité du coup » et, c’est précisément pour cela que stylistiquement, elle est plus proche de la capoeira Regional que de la capoeira Angola11, dont les mouvements seraient plus « théâtralisés », tournés vers le jeu et moins centrés sur l’efficacité des coups (Araújo, 2004 ; Assunção, 2005 ; Vassallo, 2006 ; Barros de Castro, 2008)12. Cependant, l’Associação définit son style comme une « capoeira de rue » (de rua), une capoeira « plus libre » qui, selon les capoeiristes, n’a pas de connexions directes avec les écoles au profil plus « orthodoxe », comme les seraient ceux de la capoeira Angola ou Regional, celles-ci se limitant uniquement à un seul style dans le jeu13. Dans le groupe, le travail des mouvements se rapproche du style Regional alors que dans les rodas, on joue autant l’Angola que la Regional en adaptant l’instrumentation et la gestuelle à chacun des styles. La capoeira de Rua du groupe se différencie de la « capoeira contemporânea » (qui, elle aussi, inclut tous les styles) en insistant sur la dimension de « travail social » : le Maître du groupe – connu comme Mestre Militar, noir de quarante ans et assistant d’une conseillère municipale – précise que tandis que la capoeira contemporaine est pratiquée dans les salles de sport, l’Associação cherche à maintenir les rodas dans la rue, qu’il considère comme l’ « habitat naturel de la capoeira ».

13Les membres de l’Associação mettent en avant que la capoeira se différencie des autres arts martiaux par la présence de la musique, par le divertissement dans la roda, par la relative absence du toucher ou de contact physique dans le jeu et par son origine afro-brésilienne, qui affecte aussi bien l’exécution des mouvements (la ginga et la manha – l’habileté – dans le jeu) que la signification historique de la pratique (sa création par des esclaves). Les membres de l’Associação estiment également que, différemment des autres « arts martiaux », la capoeira est « moins bureaucratisée » car la relation entre maîtres, professeurs et élèves serait plus fluide, moins formalisée et moins hiérarchique par rapport aux autres arts martiaux que plusieurs d’entre eux ont déjà pratiqués. Comme le souligne Perigoso (capoeiriste du groupe, noir, 33 ans, conducteur de bus) : « … cela n’empêche pas qu’il y ait du respect, mais l’élève se sent plus libre pour poser des questions sans nécessairement passer par des formules du type : “Hé maître !, Hé professeur !”, tu comprends ? » (11 avril 2007). Je considère que dans cette décision de maintenir ce type de traitement interpersonnel dans la pratique, les capoeiristes développent une politique d’horizontalité dans les relations d’enseignement et d’apprentissage de la capoeira, où les leaderships ne se fondent pas uniquement sur l’expérience dans le jeu, mais également parce qu’ils ont été simplement élus par une partie des élèves.

14Les identifications avec l’afro-brasilianité dans le champ de la capoeira dans la ville gaúcha de Santa Maria présentent leurs complexités. L’Associação est née en 2003, à un moment où, précisément trois professeurs décidèrent de se séparer d’un groupe de capoeira Angola qui fonctionnait au sein du Musée Afro-Brésilien de la ville14. Les capoeiristes racontent qu’ils ont décidé d’arrêter de fréquenter le Musée parce ce qu’une « discrimination contraire » s’y exerçait envers les capoeiristes non-noirs. Dans la continuité, les capoeiristes de l’Associação ont choisi de s’identifier à une capoeira plus « populaire » que « noire », reconnaissant aussi l’origine afro-brésilienne de la pratique, même si le slogan politique du groupe était centré sur l’idée que tout le monde peut s’entraîner et jouer. Également, le choix de l’identification avec le « populaire » peut être compris à partir de la composition du groupe elle-même, dans lequel moins de la moitié des capoeiristes se considèrent noirs et où la majorité appartient à des classes aux bas revenus ou dites « populaires ». Enfin, le choix de ne pas s’identifier avec le militantisme noir est cohérent avec celui du style de jeu adopté par le groupe, qui est plus lié à la capoeira Regional, identifiée comme une forme « nationale », alors que la capoeira Angola est surtout identifiée à l’ « afro-brasilianité » (BarrosdeCastro,2008).

Une lutte du « peuple » dans une pratique afro-brésilienne

15Les capoeiristes de l’Associação définissent leur pratique comme une « lutte ». Au cours des entraînements, dans les rodas et dans les entretiens, ils convergent vers la mise en exergue de deux aspects de cette notion de “lutte”. Dans le premier, il s’agit, comme nous l’avons vu, de la lutte au sens physico-technique, c’est-à-dire la capoeira en tant qu’art martial. Le second aspect est celui de lutte « sociale », selon eux, la capoeira aurait été une forme de lutte contre divers types d’oppression au cours de l’histoire, depuis son apparition en tant que « résistance à l’esclavage » jusqu’à son usage actuel dans certains groupes en tant que forme d’inclusion sociale et d’intégration à la « citoyenneté ». Comme le soutient Mestre Militar, la capoeira aurait déjà été une lutte des esclaves noirs, mais aujourd’hui « (…) [ La lutte] est une autre lutte, elle n’est plus contre l’oppression (des noirs), elle est en faveur de l’inclusion sociale (…) » (15 juin 2008). Ainsi, les capoeiristes « ouvrent le jeu » au « peuple » (terme qui, dans le contexte du groupe, se réfère principalement aux couches populaires). Le slogan du groupe qui apparaît depuis six ans sur les tracts, les t-shirts ainsi que lors des représentations publiques, est « la capoeira est du peuple, elle est à nous ». L’Associação soutient une politique d’inclusion des couches marginalisées dans la pratique, insistant sur l’importance des luttes des opprimés dans la constitution de la capoeira.

16L’accessibilité du « peuple » à la capoeira n’est pas gratuite : elle requiert que le sujet puisse suivre la « philosophie » de la capoeira en tant que lutte dans ses deux aspects (de lutte physique et socio-politique) et s’intéresser et étudier les origines de la pratique. Ainsi, les capoeiristes qui s’engagent avec le groupe sont chargés de faire un travail de recherche sur les différents styles de jeu, les instruments, l’histoire de la capoeira, diverses performances afro-brésiliennes (comme le jongo, le maculelê ou la samba de roda), confectionner des cordes de grades15, fabriquer et jouer des instruments de musique, organiser des évènements, promouvoir et participer aux rodas et accompagner les entraînements dans les quartiers populaires. Je considère que ces exigences demandées à celui qui intègre le groupe font partie d’une politique culturelle spécifique, orientée dans la formation de capoeiristes « citoyens », responsables et conscientsde leurs actes.

17À partir d’une conception de lutte « pour l’inclusion », les capoeiristes s’organisèrent durant deux ans avec la municipalité, au sein du projet « Ginga de la Citoyenneté ». Cette articulation peut être pensée comme une stratégie de légitimation face aux divers secteurs sociaux, de même comme une stratégie de défense de la pratique des rodas dans les espaces publics de la ville. L’identification du capoeiriste avec le signifiant « citoyen » est liée à l’affinité du maître et de certains membres du groupe avec les politiques culturelles de la « démocratie participative » (Garcia Canclini, 1987) qui promeuvent la pratique de manifestations de la « culture populaire » et des modes de gestion, d’enseignement et d’apprentissage non hiérarchiques. Ces politiques sont mobilisées dans la ville de Santa Maria par le Partido dos Trabalhadores (P.T.) dans lequel militent certains capoeiristes. Dès lors, sans intervenir explicitement dans les campagnes politiques et sans même introduire directement un discours partisan dans les entraînements ou les rodas, l’Associação maintiendrait une relation avec les militants et les employés locaux du P.T qui se positionnent en faveur de ce type de politiques.

18Un projet social face à la capoeira commerciale

19À travers son identification avec le « peuple », les membres de l’Associação se différencient de la capoeira « commerciale », insistant sur le fait qu’ils travaillent dans un « projet social », « philanthropique », « sans but lucratif ». Comme le commente Perigoso : « (…) Nous, au travers des activités sociales tel qu’on les fait dans le groupe, c’est-à-dire sans demander de contrepartie financière pour assurer des cours, on s’oriente aussi vers d’autres secteurs en dehors de la capoeira, pour tenter d’en ramener des choses et de les y intégrer, parce qu’on pense qu’elles sont utiles au bien être de l’être humain (…) » (11 avril 2007).

20Dans le but de faciliter l’accès des couches subalternes à la pratique, l’Associação promeut la non-obligation du port de l’uniforme, la fabrication artisanale d’instruments et la gratuité de la pratique, se distinguant ainsi de ce qu’ils entendent par groupes « commerciaux », ou tournés vers le « marketing ». De fait, ils racontent que l’Associação a vu le jour en prenant ses distances avec un groupe de capoeiristes du Musée Afro-Brésilien qui prétendait entrer dans une logique commerciale avec l’obligation du port de l’uniforme, la promotion de la vente d’instruments, et l’instauration d’une cotisation mensuelle. Bússola (26 ans, capoeiriste, serrurier, formation militaire, blanc) précise :

« (…) Déjà, l’autre partie du groupe qui s’est séparée avait une philosophie plus commerciale. Militar n’est pas de ce genre-là, il veut transmettre à l’élève ce qu’il sait, sa connaissance, sans rien demander en retour. Alors, c’est pour cela que j’admire la philosophie d’enseignement de Militar…eux, c’était plus marketing, l’élève devrait être obligé de payer pour faire de la capoeira, ce qui implique une partie lucrative dans leur programme (…) » (17 avril 2007).

21Le « marketing » dont parle Bússola pourrait être considéré comme l’un des facteurs qui attire un public plus aisé vers la capoeira, intéressé pour une pratique à la manière des académies de capoeira. Selon Maître Militar, pour attirer ce public, certains capoeiristes

« (...) finissent par dénaturer la capoeira pour survivre, pour se donner les moyens… ils obligent l’élève à acheter des t-shirts, des pantalons, tout labellisé au nom de l’académie. Ils finissent par déformer la capoeira, en ne montrant pas la capoeira tel qu’ils l’ont apprise, mais plutôt cette capoeira que beaucoup souhaitent voir, celle qui attire les élèves (...) ». (15 juin 2008).

22Comme on peut l’observer dans les discours et les pratiques analysés, le groupe cherche à attirer principalement les secteurs aux bas revenus ou ceux qui sont intéressés par la capoeira en tant que « projet social », et non pas ceux qui cherchent une capoeira développée dans une perspective que le groupe considère comme « commerciale ».

Le « marginal » dans la capoeira « citoyenne »

23Le projet « Ginga de la Citoyenneté » fut l’un des clivages centraux dans le passage d’une capoeira « malandra » à une capoeira « citoyenne » au sein de l’Associação. La volonté de se distancer de l’image de la « malandragem » n’est pas uniquement liée au « mythe » – de portée nationale – de la capoeira « malandra », elle a également à voir avec l’histoire de la capoeira dans la ville. Dans les années 1990, les premières rodas de capoeira, dont faisaient partie les fondateurs du groupe, se caractérisaient par la violence physique, la prédominance des hommes et l’usage de drogues. À cette époque, il était fréquent que les membres d’un groupe « envahissent » les rodas d’un autre, entrant dans le jeu en cours et provoquant dès lors des bagarres qui finissaient en un échange de véritables coups. Il y a six ans, l’Associação prenait encore part à ces pratiques, mais pour « entrer plus en société » et « attirer un public plus nombreux autour des rodas » (Bússola, 17 avril 2007), les bagarres étaient évitées. Durant ce processus, davantage d’enfants et de femmes, jeunes et adultes (très souvent mères de ces enfants) ont commencé à s’entraîner dans le groupe. Actuellement, il n’est permis de porter un coup pour de vrai seulement dans le « jogo de dentro », lequel est exclusivement réservé aux capoeiristes expérimentés, et généralement pratiqués par les hommes en des lieux fermés, et sans la présence d’un public profane. La proposition actuelle du groupe est de la pratiquer au sein de l’espace de la capoeira comme une lutte en insistant sur la dimension physique du combat, afin de la bannir de la vie quotidienne.

24Dans ce processus de distanciation d’avec l’image de la « malandragem » et pour le travail social, les capoeiristes de l’Associação cherchent à se rapprocher des personnes susceptibles de se marginaliser avec pour objectif de changer leur réalité. Militar commente par ailleurs que des « voleurs » et des « criminels » ont déjà participé, mais qu’il n’est pas là, lui, « pour les juger ».

25Esquisito (infirmier, distributeur de gaz, 28 ans, blanc) revendique que son travail empêche les enfants de rester dans « la rue » et de se rapprocher des situations de criminalité :

« (...) Dans un collège…, où je donne des cours, 30 % des enfants sont des enfants des rues où avant, ils vivaient du vol, mais maintenant, ils ne pensent qu’à s’entraîner. Ils restent là à s’entraîner, c’est un peu une éducation qu’ils reçoivent, tu vois ? et comme ça, ils ne restent pas dans la rue, au milieu des vols, des échanges de coup de feu, ces trucs-là… (…) » (19 juin 2008).

26Une autre démarche d’identification que le groupe met en place pour se distancer de la « malandragem », est sa prise de position contre la consommation de substances qu’ils considèrent nocives pour la santé, comme le tabac, l’alcool, les psychoactifs interdits par la loi et les anabolisants. Selon eux, celles-ci seraient, idéalement, exclues des habitudes des capoeiristes. Ce positionnement a à voir également avec l’histoire même de la capoeira « marginale » dans la ville. Perigoso nous explique :

« (...) Ici, la capoeira était synonyme de drogue. Il y a beaucoup de capoeiristes qui sont liés au trafic de stupéfiants et qui pratiquent… il y a des mauvais athlètes comme dans n’importe quel autre art martial. Il y a, dans la capoeira, les marginaux, les gens liés à la drogue. Et ils transmettent une vision erronée de la capoeira, et à partir de ça, les autres associent ce mythe qui nous accompagne depuis nos prédécessurs (...) », (11 avril 2007).

27Dans les discours publics, aux entraînements ou dans les représentations, les capoeiristes condamnent la consommation de substances, principalement celles interdites par la loi et les anabolisants. La position quant à l’alcool et au tabac est moins radicale, il est seulement demandé aux élèves de ne pas venir alcoolisé ou avec des cigarettes aux entraînements. Les membres du groupe estiment qu’il ne faut pas intervenir dans la consommation personnelle de chacun à partir du moment où celle-ci n’affecte pas leur pratique. Cependant, le maître et les autres capoeiristes plus expérimentés usent de stratégie afin de se rapprocher de ceux qui touchent à ces substances de manière plus intime, afin de les aider à réduire ou bien arrêter leur consommation. Le maître raconte même que certains participants du groupe s’étaient proposés d’offrir des t-shirts portant le slogan « non aux drogues », mais il avait décliné l’offre : « (…) Je n’aime pas dire ces choses, il y a des personnes qui souffrent de dépendances chimiques, avec de sérieux problèmes (…) ». Ce raisonnement est cohérent avec le positionnement politique de l’Associação qui cherche à « insérer » des personnes en situation de « marginalité ».

28Les capoeiristes mettent en avant leur opposition quant aux anabolisants, qui sont liés, selon eux, aux personnes qui ne s’entraînent que pour se montrer plus fortes. À ce propos, les membres du groupe tiennent à ne pas s’identifier avec les capoeiristes des classes moyennes-supérieures qui ont les moyens de se payer un forfait dans les salles de sport et des anabolisants et qui, toujours selon eux, ne s’intéresseraient qu’à la bagarre et à la musculation. Encore une fois, on peut voir que l’identification « citoyenne » du groupe tend à s’éloigner de classes moyennes et supérieures, à partir d’une politique culturelle soucieuse de donner aux populations des couches populaires la possibilité de pratiquer la capoeira.

Les femmes dans une capoeira masculinisée

29Le contenu pratique et symbolique du signifiant « lutte » a changé pour les capoeiristes au cours de l’existence du groupe. L’Associação fut créée par trois hommes à une époque où la capoeira était davantage reconnue pour les bagarres que pour son travail social. Dans le processus d’identification à une capoeira « citoyenne », les rodas publiques ont cessé d’être des espaces de bagarres, de démonstration de force et d’habileté physique et ont commencé à se constituer en tant qu’espace de « lutte-ludique », sans contact physique dans l’exécution des coups. Les capoeiristes les plus anciens de l’Associação ont remarqué qu’avec ce processus, plus de femmes et d’enfants ont commencé à s’intéresser aux entraînements, renforçant d’autant plus ce changement dans le jeu du groupe. Cependant l’entraînement continue d’être perçu comme un espace d’hommes. Les femmes sont habilitées pour assumer tous les rôles (musiciennes, chanteuses, instructrice), mais dans la pratique, elles les mobilisent moins que les hommes. Lorsque de nouvelles femmes débutent au sein du groupe, le maître propose, oralement, que pendant un moment, seules les femmes soient autorisées à entrer dans la roda, ou bien qu’elles chantent, ou jouent d’un instrument seulement. Il est habituel que lors des entraînements, différentes choses soient proposées aux hommes et aux femmes. Durant les exercices de force, par exemple, il est recommandé aux femmes de faire moins d’occurrences du mouvement ou d’utiliser plus d’appuis ; dans le « samba de roda », les mouvements du bassin sont considérés comme féminins (exécutés seulement par les femmes) et les femmes participent beaucoup moins aux « jogos de dentro ».

30Dans l’Associação, les genres féminin et masculin sont pensés au travers des matrices hétérosexuelles (Butler, 1999). Même s’il n’existe pas de discours punitif verbalisé, personne dans le groupe ne s’identifie en tant qu’homosexuel ou transgenre. L’absence de ces identifications est rendue visible, d’une part, à partir des plaisanteries sur les comportements que les capoeiristes associent à ces identifications. D’autre part, on peut relever l’absence de discussions sur les choix sexuels dans les conversations du groupe (lors des entraînements) relatives à la sexualité.

31Dans leurs pratiques, les capoeiristes de l’Associação mènent une politique hétéro-normative de genre16, reproduisant des matrices hétérosexuelles en précisant des rôles spécifiques aux hommes et aux femmes. Toutefois, ils remettent aussi en question les rôles de genre hégémoniques au travers de l’intégration de femmes au sein du groupe et de l’adapation du jeu en une forme de dialogue en fonction des contextes et en fonction des publics qui assistent à l’entraînement. Cette politique d’intégration est un défi pour le groupe puisque qu’il permet aux femmes d’accéder à certains rôles qui leurs sont communément interdits, tels que ceux du combat et du contact avec « la marginalité » de la rue. En même temps, une autre masculinité est produite, et qui ne se développe pas seulement à partir de la force physique.

Le « Jogo de dentro » dans la roda de rue

32J’ai analysé au cours de ce texte les politiques culturelles de l’Associação et les tensions qui s’y manifestent. Dans le champ de la capoeira, il est question d’identifications à divers styles et narrations historico-politiques, en plus de la définition progressive du sujet capoeiriste en tant que « citoyen » soucieux de l’inclusion sociale et distancé de la « malandragem ». Cette politique se développe dans l’exercice d’une capoeira tournée vers la lutte, une lutte aussi bien physique que sociale.

33Dans un contexte plus large, les capoeiristes se positionnent comme les défenseurs des traditions afro-brésiliennes dans un État « blanc ». En même temps, ils donnent la priorité à une forme de militantisme pour le « populaire » au détriment d’une militance raciale. En ce sens, ils cherchent à maintenir l’accès du « peuple », notamment celui aux plus bas revenus, aux entraînements et aux rodas. En ce qui concerne le genre, les capoeiristes participent à la naturalisation de certains patrons de genre historicisés et dominants dans la société brésilienne. Cependant, dans le processus d’inclusion des femmes au groupe, ces pratiques sont en constantes modifications et produisent de nouvelles formes de construction du genre.

34Les pratiques développées par les capoeiristes dans ce projet acquièrent un sens politique, tant sur le plan organisationnel – au niveau des objectifs explicites du groupe en tant que « projet social », des alliances avec certains partis ou mouvement sociaux – que dans la forme d’appropriation de la capoeira comme art martial. Le mode de pratiquer la capoeira et les signifiants priorisés dans cette pratique ne constituent pas un instrument pour faire de la politique, mais sont directement des modes de faire une politique.

35Tous les positionnements de l’Associação présentent d’innombrables nuances qu’il serait impossible de reprendre dans un seul article. Ce que l’on peut souligner pour « fermer la roda », c’est que, dans l’exercice de la lutte, qu’elle soit martiale ou politique, l’Associação cherche à distancer la capoeira de l’image de la « malandragem ». Cependant, le groupe est toujours engagé dans des problématiques qui gravitent autour de questions qui sont comprises comme relatives à la « malandragem » tels que la violence, la consommation de drogues et l’exclusion sociale. Ainsi, le groupe configure ses pratiques en se positionnant politiquement en relation au contexte social dans lequel il est apparu et qu’il souhaite changer.

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Notes   

1  Le terme « malandro » renvoie spécifiquement au stéréotype de l’homme aventureux et malin des centres urbains brésiliens du début du XXe siècle (Cândido, 1970). Le « malandro » pourrait être considéré comme un anti-héros (Vieria e Assunção, 1998, p. 27), mais son image n’est pas toujours dévalorisée dans le contexte de la pratique de la capoeira : c’est le cas de certains groupes de capoeira Angola qui favorisent la « malandragem » du jeu, associée à l’astuce et à la malice. Au sein de l’Associação Capoeira de Rua Berimbau, la « malandragrem » est valorisée négativement et associée à la violence physique, à la délinquance et à la consommation de drogues légales et illégales. La valorisation négative dans le groupe se rapporte à la conjoncture que nous analyserons dans ce texte, mais aussi aux récits historiques privilégiés par les capoeiristes, similaires à ceux qui dominent dans la capoeira Regional de Mestre Bimba, qui revendique la création du style Régional comme une dissociation entre la capoeira et la « malandragem » (Vieira e Assunção, 1998, p. 23).

2  Je considère la race comme une catégorie historique, le produit de processus socio-économiques et politiques qui transforment les populations en races et donnent du sens aux termes raciaux(Appelbaum, 2003).

3  En ce sens, le terme « politiques culturelles » se réfère au lien constitutif entre la culture et la politique, considérant que les pratiques culturelles ne peuvent être comprises sans tenir compte des relations de pouvoir qui y sont imbriquées. Ainsi, avec « politiques culturelles », je prétends rendre compte des modes selon lesquels le culturel constitue des faits politiques (Ochoa Gautier, op.cit).

4  Ochoa Gautier comprend les politiques culturelles comme une mobilisation de représentations. Les caractéristiques de la capoeira et la perspective elle-même de la performance que j’ai retenue dans l’analyse, m’amène à penser non seulement en termes de représentations, mais également en termes de pratiques et d’expériences. Il me paraît important d’articuler cette perspective représentationnelle des politiques culturelles avec les théories de la performance.

5  http://www.seade.gov.br/produtos/idr/download/populacao.pdf, site Internet consulté le 25 Août 2012.

6  Les catégorisations raciales varient beaucoup dans l’histoire, et changent également à partir de l’auto-identification des sujets, des catégories de recensements et des critères des analystes. De même que Segato (2005, p. 4-5), j’utilise le terme « noir » pour rendre compte du signe racial qui, dans le contexte brésilien a des effets particuliers quant à la position sociale des personnes.

7  Je me réfère à l’identification de l’État à des symboles liés aux paysans du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Le gauchismo a pris de l’ampleur dans les années 1980, et concerne aujourd’hui les populations essentiellement rurales des classes moyennes et supérieures (Oliven, 1999, pp. 75, 104).

8  Tel est le cas des diverses écoles de samba, des terreiros d’umbanda, des orchestres de percussions, des écoles de capoeira, des clubs noirs et divers espaces consacrés aux traditions afro-brésiliennes.

9  La capoeira peut-être considérée comme une performance afro-brésilienne. Plusieurs auteurs reconnaissent des spécificités aux performances afro-américaines telles que l’influence de l’histoire de l’esclavage, les religions africaines ou certaines traditions communautaires dans les pratiques (Abib, 2006 ; Frigerio, 1992 ; Lewis, 1992 ; Segato 2005). Les performances afro-brésiliennes peuvent être incluses dans cette catégorie, sans pour autant ignorer leur spécificité dans l’histoire nationale.

10  Certains capoeiristes ont travaillé et travaillent en tant qu’entraîneur dans les salles de musculation. Cette activité ne fait pas partie de celle pratiquée au sein de l’Associação, mais les capoeiristes admettent recruter dans ces espaces pour attirer de nouvelles personnes au sein du groupe.

11  Le champ de la capoeira accueille diverses tendances, marquées par l’identification avec des styles et des écoles différents, mais également par les appropriations différencielles des pratiquants. Cependant, il existe deux styles dominants dans la capoeira : Angola et Regional. Le premier se caractérise, entre autres, par une théâtralité plus grande, des temps de jeu prolongés et l’usage de diverses intensités dans les mouvements. La capoeira Regional est généralement identifiée au sport ou aux arts martiaux, avec des mouvements plus acrobatiques, stylisés et plus rapides. Les différents récits historiques qui circulent dans la sphère de la capoeira ont pour habitude d’associer le style Angola aux racines afro-brésiliennes, alors que le style Regional evoque plutôt le processus d’institutionnalisation et de diffusion de la pratique durant le XXè siècle. Ces identifications provoquent des tensions dans lesquelles les groupes de capoeira se positionnent à travers leur pratique et discours, et à travers leur adhésion à différents récits historiques (Lewis, 1992 ; Frigerio, 2000 ; Sansone, 2000 ; Vassallo, 2006 ; Greco, 2009).

12  La description des capoeiristes correspond aux caractéristations des auteurs cités.

13  Étant donné que les exercices ne sont pas orientés uniquement sur les mouvements spécifiques de la capoeira Angola, on peut supposer que du point de vue d’un angoleiro pratiquant, l’Angola du groupe se limiterait à certains mouvements spécifiques, plus lents et bas, mais il n’y aurait pas l’expression d’un style très aboutie dans les stratégies dans les « manhas » du jeu.

14  Il s’agit du Museu Afro-brasilero « Treze de Maio », fondé en 2001 par les membres du Movimento Social Negro de Santa Maria.

15  Les cordes de grades indiquent le niveau et l’expérience du capoeiriste et s’obtiennent en passant des épreuves dans le contexte d’une capoeira Regional.

16  La catégorie de genre se construit à partir de la différence sexuelle, donnant sens à cette différence. Le genre s’exprime selon des formes particulières dans divers contextes historico-culturels (Grosz ; 2000 ; Grossi, 2010). Comme je le précise dans cette analyse, cette conception n’implique pas de penser les sujets comme passifs dans les processus de construction du genre : le genre s’actualise constamment, performativement dans les pratiques, et pour cela même, il est modifié par les sujets (Butler, 1999, p. 15).

Citation   

Lucrecia Raquel GRECO, «« De malandro à citoyen » : capoeira et politiques culturelles dans l’Associação Capoeira de Rua Berimbau, Rio Grande do Sul», Cultures-Kairós [En ligne], paru dans Capoeiras – objets sujets de la contemporanéité, mis à  jour le : 16/12/2012, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=488.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Lucrecia Raquel GRECO

Lucrecia Raquel GRECO est doctorante en anthropologie à l’Universidad de Buenos Aires-CONICET et s’intéresse aux domaines de l’anthropologie du corps et des politiques publiques. Elle problématise la corporalité et les politiques culturelles dans des projets sociaux dédiés aux techniques performatives dans des quartiers populaires de Buenos Aires et de Rio de Janeiro.

Quelques mots à propos de :  Sofiane AILANE

Sofiane Ailane (Université Lumière Lyon 2)