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Entre le spectacle musical et le rituel : restauration de la mémoire du roi Galanga

Rubens Alves da SILVA
décembre 2016Traduction de Claude Guy PAPAVERO

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/cultureskairos.1430

Résumés   

Résumé

Parmi les diverses expressions religieuses et culturelles afros au Brésil, il est important de souligner la performance rituelle du Reinado ou Congado. Le Reinado est une manifestation culturelle et religieuse d'influence africaine qui remonte au XVIII siècle. Cette manifestation est née de l'avènement de l'élection des rois et des reines symboliques de la nation du Congo, au sein des confréries religieuses catholiques fondées par des esclaves africains et perçue comme une forme de résistance culturelle et de préservation d'une « mémoire collective » évocatrice de leurs origines ethniques, raciales et territoriales. Cette tradition s´est étendue au fil du temps dans diverses régions du Brésil, mais ce fut plus particulièrement dans l´état de Minas Gerais que cette tradition s´est installée comme étant une expression symbole de la culture afro-brésilienne. Parmi les mythes d'origine de cette tradition, on compte de nombreuses versions narratives de l'histoire du Chico Rei, décrit comme étant un monarque africain amené au Brésil en tant qu´esclave, mais qui a su renverser cette condition de subalternité. Cette histoire qui est racontée dans la comédie musicale intitulée Galanga, le Chico-Rei, a été pour la première fois jouée dans la capitale de l´État du Minas Gerais, à Belo Horizonte, en 2012. Le but de cet article est de réfléchir quant à la dimension rituelle de cette mise en scène théâtrale et son lien politique. C´est ainsi que nous avons cherché à démontrer que Galanga, le Chico Rei peut être considéré et vu comme un genre de performance illustratif de la résonance des discours et des projets des mouvements noirs organisés historiquement au Brésil. Pour étayer cet argument, en plus d'explorer un ensemble de données empiriques indispensables (observations in loco, conversations informelles et recherches sur internet), nous avons eu également recours à des contributions offertes par la théorie de la performance et la perspective de l´ethnoscénologie.

Abstract

Among the various African religious and cultural expressions in Brazil, the ritual performance of the Reinado or Congado deserves attention. Having emerged with the advent of symbolic kings and queens of the Congo nation, as an expression of the eighteenth century religious brotherhoods founded by enslaved Africans, this celebration constitutes a form of cultural resistance and preservation of «collective memory» evocative of their ethnic, racial and territorial origins. The Reinado or Congado tradition has expanded over time throughout different regions in Brazil, but, in Minas Gerais, particularly, it has come to be known as the predominant expression of the so-called Afro-Brazilian culture. Among the origin myths of this tradition, a special attention should be directed to the narrative versions of the story of Chico Rei, the African monarch who, having been brought to Brazil as a slave, subverted his subaltern condition. This story is retold in the musical Galanga, Chico Rei, which premiered in the capital of Minas Gerais, Belo Horizonte, in 2012. The purpose of this paper is to discuss the ritual dimension of this stage production as well as its political connections. Thus, we seek to demonstrate that the Galanga, Chico Rei musical can be seen as a performance genre which gives resonance to discourses and projects of Black movements historically held in Brazil. In support of this argument, we have sought to explore indispensable empirical data (field observations, informal conversations, and Internet sources), from the perspectives of the performance theories and ethnoscenology.

Resumo

Entre as diversas expressões religiosas e culturais afros no Brasil destaca-se a performance ritual do Reinado ou Congado. Trata-se de uma manifestação que remonta ao século XVIII, surgida com o advento da eleição de reis e rainhas simbólicas da nação do Congo no âmbito de irmandades religiosas católicas fundadas por Africanos escravizados, como forma de resistência cultural e de preservação de uma “memória coletiva” evocativa de suas origens étnico-raciais e territoriais. Essa tradição se expandiu ao longo do tempo por diversas regiões do Brasil, mas foi particularmente no Estado de Minas Gerais aonde veio se estabelecer como expressão predominante da chamada cultura afro-brasileira.  Entre os mitos de origem dessa tradição destacam-se as versões narrativas da história de Chico Rei, descrito como tendo sido um monarca africano trazido para o Brasil como escravo, mas que subverteu essa condição de subalternidade. Essa história que é recontada no musical intitulado Galanga, o Chico Rei, estreado na capital de Minas Gerais, Belo Horizonte, no ano de 2012. A proposta deste artigo é refletir sobre a dimensão ritual dessa montagem teatral e sua conexão política. Nesse sentido, procuramos demonstrar que Galanga, o Chico Rei pode ser vista como um gênero de performance ilustrativo da ressonância dos discursos e projetos dos movimentos negros organizados historicamente no Brasil. Para sustentação desse argumento, além da exploração de um material empírico indispensável (observações in loco, conversas informais, fontes impressas e consultadas na internet), recorremos às também indispensáveis contribuições oferecidas pela teoria da performance e a perspectiva da etnocenologia.

Index   

Index de mots-clés : performance, ethnoscénologie, mouvements noirs, reinado/congado.
Index by keyword : performance, ethnoscenology, Black movement, reinado/congado.
Índice de palavras-chaves : performance, etnocenologia, movimento negro, reinado/congado.

Texte intégral   

1En 2011, nous avons assisté à la première d'un spectacle musical intitulé «Galanga : le Chico Rei »1 qui, après une avant-première à Rio de Janeiro, allait être interprété à Belo Horizonte. Le thème de cette pièce inspiré par la tradition du « Reinado»(Règne, Royaume ou encore Congado2 ) très présente au sein de l´État du Minas Gerais mettait en scène un récit de l’histoire du personnage éponyme.         

2Nous avons pris connaissance de la représentation à Belo Horizonte en lisant les journaux et avons vivement désiré voir cette pièce de théâtre en raison de la proximité entre ce thème et celui de nos recherches académiques et scientifiques (Silva, 2010; 2012)3. Le spectacle nous fit penser qu’il serait intéressant de reprendre le thème, d’autant plus que sa représentation raviva le souvenir de lectures et de discussions sur l’Anthropologie de la Performance abordées au Centre d'Anthropologie de la Performance et du Drame de l'Université de São Paulo (NAPEDRA), lors des réunions de notre groupe de recherches.

3Bien que n’étant pas certains de pouvoir mener à bien un tel projet, nous avons décidé de réunir quelques informations susceptibles de contribuer à le concrétiser. Ainsi, nous avons surtout consulté les articles divulguant le spectacle publiés dans les journaux ou sur l’internet et nous avons occasionnellement échangé nos impressions avec des spectateurs. Nous avons également revu maintes fois quelques scènes du spectacle musical insérées dans le matériel de propagande disponible sur l’internet4.

4Les informations réunies nous ont fourni des données permettant de réfléchir à la question de la dimension rituelle du spectacle musical et de ses connexions politiques. Notre hypothèse première découle du fait que ce spectacle musical peut être considéré comme une expression de la croissance du Movimento Negro dans la société brésilienne. Le texte que nous présentons répercute et désire mettre à jour la question des projets et des discours du Movimento Negro5 organisé au Brésil vers la fin de la décénie de 1970. C’est donc ce type d’approche et de thème que nous nous proposons d’approfondir en fonction de certains éléments observés durant le spectacle, du fruit de nos recherches et des conversations informelles.

Royaume, rois congos et fête : une tradition de l’Afrique et du Minas Gerais

5L’image de Chico Rei a été rendue célèbre en raison des  récits qui circulaient autrefois dans la ville d´ Ouro Preto6. Elle a servi de source originale d´inspiration à des romans, à la production de films, de compositions musicale et de montage de pièces de théâtre - comme dans le cas du spectacle musical : « Galanga, le Chico Rei ». D’un point de vue anthropologique, les récits concernant ce personnage peuvent être interprétés comme les évocations d'un mythe provenant du Reinado ou Congado de l’Etat de Minas Gerais.

6On raconte en effet l’histoire de Galanga dit Chico Rei, monarque guerrier de la nation du Congo, grand prêtre du roi Zambi-Apungo, capturé avec sa famille (sa femme et ses trois enfants : deux fils et une  fille) et d'autres villageois par des traficants d'esclaves qui les conduisirent au Brésil lors du XVIIIe siècle, durant la période coloniale7. Lors de leur longue traversée de l'Atlantique sur le navire négrier, sa femme et sa fille moururent et leurs corps furent jetés à la mer. Arrivé au Brésil, Chico fut vendu à un propriétaire de mines d´or de la ville de Vila Rica (capitale historique du Minas Gerais, aujourd’hui appelée «Ouro Preto») et se trouva ainsi séparé de ses deux fils.

7À Vila Rica, quelques années plus tard, il réussit à échapper à sa situation subalterne. Grâce à son  labeur, à son intelligence et à un peu de chance, il put acheter sa liberté ainsi qu´une mine d'or que le propriétaire, son ancien maître, considérait épuisée de toutes réserves de métal. Mais Chico persista, il réussit à extraire beaucoup d’or du sous-sol de cette mine. C´est ainsi qu´il put acheter aussi la liberté de ses deux fils et d'autres compagnons.

8Il attribua tous ces évènements à l’œuvre miraculeuse de Sainte Egyptienne Efigênia et de Notre Dame du Rosário. Devenu dévot de ces saintes, il ordonna la construction d'une église en leur honneur, sans pourtant cesser de croire au Dieu Zambi. Il épousa sa deuxième femme dans cette église et y fut couronné Roi Congo du Brésil par des esclaves affranchis, qui célébrèrent cette circonstance par un défilé et une fête qui donnèrent naissance à la tradition actuelle du Reinado de Minas Gerais.

9Le Reinado est une expression de la culture afro-brésilienne prédominante dans le Minas Gerais. Originellement associée à une sorte de catholicisme populaire, le «catholicisme nègre» (Silva, 2010, p. 26), elle comporte des promesses faites et des hommages rendus aux saints de dévotion : Notre Dame du Rosário, Sainte Efigênia et Saint Benedito. Les participants le définissent cette fête comme une célébration à forte consonance «religieuse» et expliquent qu’il ne s’agit ni d´un simple «divertissement», ni d´un «folklore» et encore moins  d´un «carnaval». Ils déclarent que la motivation qui les pousse à devenir danseurs du Congado est leur foi et leur croyance en les saints du catholicisme et les divinités africaines ancestrales: Zambi et les vieux nègres8. Cela renforce ce que nous avait expliqué, lors de recherches antérieures dans l’intérieur du Minas Gerais, un vieux capitaine décédé depuis: «le Congado est la fête des nègres».

10Le cycle annuel des fêtes se prolonge de mai à octobre (modifié parfois en fonction du calendrier local). Au cours de cette période, on  dit que le Reinadoest ouvert. Les festivités durent trois à quatre jours en général, marquées par d'intenses activités rituelles : rite de l'aube (prières et danses, en pleine nuit sous les étoiles, au son des tambours); rituel de l’érection des mâts devant la chapelle de la Fraternité; visites rendues à ceux auxquels on rend hommage à l’occasion de la fête (rois, reines, princes, princesses ou personnes particulièrement honorables); défilé des groupes de rituels qui constituent le Congado – appelés ternogarde ou coupe); célébration de la messe conga; rite de passage des couronnes (substitution des rois de l´année ou des roischargés depromouvoir la fête – plus fréquent dans certaines villes de l'intérieur du Minas Gerais); rite de la descente du mât (qui marque la fin des cérémonies)9.

11Le mouvement causé par tels rites perturbe la tranquillité usuelle des quartiers de la périphérie de la capitale et des villes de l´intérieur du Minas Gerais. Le «paysage sonore» local incorpore dès lors le bruit des pétards, le son des tambours et le battement des caisses, le hochet des gungas10, les touches de l´alto, de la guitare et de l’accordéon – qui font écho au loin. Au moyen de cette symphonie, les gardes du Reinado annoncent leur présence, transformant des espaces profanes en territoire sacré (terrasses de maisons, rues, avenues et places publiques) et les territoires sacrés en lieux chargés de significations (les temples catholiques).

12La célébration rituelle du Reinado au Brésil ne constitue pas un phénomène récent. On signale déjà une telle pratique au XVIIème siècle, à Recife, capitale de l’actuel Etat de Pernambuco, dans la région du Nord-Est brésilien. La culture de la canne à sucre constituait alors la principale source de richesse économique de la colonie portugaise, et elle dépendait d’un emploi massif de main d´œuvre esclave africaine (Queiroz, 1987, p. 87). Les documents présentés par l´historien et ethnomusicologue José Ramos Tinhorão (1988), nous permettent de penser que l'origine historique de la tradition du Reinado au Brésil remonte aux années 1600, probablement dans le vieux Recife. Selon cet historien:

[les] cérémonies de couronnement des rois du congo confiées à la Confrérie de Notre-Dame du Rosaire apparaissent dans les livres de dépenses et recettes de son église à Recife, entre 1674 -1675, se référant au «Roi des Angolais»: car les Portugais, après deux guerres contre les véritables rois du Congo (en 1656 et 1666), ont commencé à englober sous le nom d’Angola tout ce qui auparavant était associé au pouvoir africain vaincu au Manikongo (Tinhorão 1988, p. 87-88).

13Le déclin de la production du sucre dans le Nord-Est brésilien, conjugué à la découverte attrayante de mines d'or dans la Capitania11 du Minas Gerais, au XVIIIème siècle, la vente d'esclaves acheminés vers la nouvelle région représenta une bonne affaire. C'est probablement grâce à un tel processus que le Reinado atteignit les terres intérieures d’or et de diamants. L´histoire montre que c’est à partir de l’ancien village de Vila Rica12 (devenu aujourd'hui la ville d'Ouro Preto) qu’une telle tradition a pris racine dans le Minas Gerais, surtout après l'avènement des confréries religieuses, fondées par les nègres dans cette ville.

14Ces confréries, associations fondées par des laïcs, reflétaient la configuration structurelle de la société coloniale en raison des critères de sélection de leurs membres. Suivant une règle générale à l’époque (Boshi, 1986), elles tenaient compte de leur profil socio-économique et ethnique. Ainsi les confréries du Saint Sacrement, du Carmo et de São Francisco, réservées exclusivement aux  hommes blancs – c’est-à-dire aux propriétaires de mines et aux riches marchands symbolisaient l’appartenance à une même catégorie sociale et économique. Les confréries de la Miséricorde et de l’Amparo du Cordão réunissaient les «métis» et les «nègres affranchis13». Celles de Notre Dame du Rosaire, de Saint Benoit et de Sainte Iphigénie symbolisaient, mais pas exclusivement, l'espace des esclaves nègres (Silva, 2010).  

15Le rôle ambigu joué par les «confréries de nègres» ou «confréries nègres» dans le cadre du Brésil colonial est une question qui fait l’objet de débats, lorsque chercheurs et intellectuels analysent l'aspect du «jeu de conformisme et résistance14 » présent dans les rapports entre groupes hégémoniques et groupes subordonnés de cette période. Autrement dit, si, pour une part, la fraternité nègre peut être considérée comme un mécanisme de renforcement structurel du processus de domination des esclaves nègres et des pauvres en général, d’autre part, elles répresentèrent aussi pour les africains un espace interstitiel de résistance culturelle au sein de la société esclavagiste.

16La fondation de ces confréries dépendait d’une approbation de leur statut par la couronne portugaise, en vertu des pouvoirs que lui conférait le régime du Padroado. Comme l'explique l'historien Gaius César Boschi (1986), les rois portugais étaient nommés Grands Maîtres de l'Ordre du Christ par le pontife romain. Ce statut leur conférait plein pouvoir et autonomie pour installer et étendre l’influence de la religion catholique dans leurs domaines territoriaux. De par ce droit et l’aval donné à l'installation des confréries religieuses et laïques dans la colonie, la couronne portugaise visait deux objectifs principaux: la représentation de l'église catholique dans le but missionnaire d´étendre son hégémonie religieuse sur le monde entier et le renforcement des moyens possibles de surveillance et de contrôle de l´exploitation de l’or et des diamants dans les terres de Minas Gerais, (Boschi,1986, p.61-2).  

17Toutefois, quoique la création des confréries «d’hommes nègres» aie pu représenter un recours utilisé par l'église et le pouvoir colonial pour mieux surveiller les esclaves et maintenir un contrôle de l'ordre social, l’espace cédé s’avérait stratégique pour les africains et leurs descendants car il renforçait les liens unissant le groupe et permettait de faire face à la domination imposée par la société esclavagiste. Donc, si d'une part, cela a contribué à la création d´un système d’entraide et de soutien pour les nègres libres et les affranchis dans le besoin, d´autre part cela donnait aussi lieu à un espace de préservation d'une «mémoire collective» et de résistance culturelle. Comme le souligna Muniz Sodré:

Toutefois, dans cet espace autorisé (les confréries), jugé inoffensif par les blancs, les nègres revivaient clandestinement leurs rites, rendaient des cultes aux dieux, reprennaient le fil de leurs rapports communautaires [...]. La culture nègre brésilienne émergeait tant à partir d’usages originels qu’en fonction des vides suscités par les limitations imposées par l’ordre idéologique en vigueur. (Sodré.1988, p. 124)

18D’après l'historienne Marina de Mello e Souza (2002), le couronnement de rois des nations africaines a été attesté dans différentes régions de l'Amérique portugaise, comme les États actuels de Pernambuco, Bahia, Minas Gerais, Mato Grosso, São Paulo et Rio de Janeiro. Cependant, le prestige du Royaume africain du Congo lors de la période coloniale, acquis en raison de ses conquêtes à l’issue de batailles contre d'autres peuples de ce continent, rendit prédominante l´image symbolique du Roi Congo. L'historienne précise:

Les confréries des «hommes nègres», espaces qui permettaient un meilleur contrôle des esclaves africains et de leurs descendants captifs ou libres, ont permis ainsi qu’un développement des rapports spécifiques que les membres de ces groupes entretenaient entre eux, la constitution d’espaces où les élections de rois nègres et les célébrations qui les accompagnaient atteignirent une plus grande complexité et signification. (Souza. 2002, p. 251).

19C'est dans ce sens que le rite de l'élection du Roi Congo au sein des «confréries des hommes nègres» de Minas Gerais se révéla singulièrement important car, bien que leur autorité aie constitué l’expression d’un pouvoir symbolique, le roi congo était considéré par les membres de telles associations comme une autorité et leur intermédiaire légitime vis-à-vis du sacré (Silva, 2010, p. 24-25).

20Analysant des récits de voyageurs du XIXème siècle, l'anthropologue Liana Trindade (apud. Silva, 2010, p. 25) mentionne le fait que le rite de l'élection du roi Congo des confréries nègres admettait une lecture qui divergeait de l'interprétation courante d’après laquelle cet événement était simplement considéré comme une «représentation théâtrale des ambassades et de l'intronisation existantes au royaume du Congo». D’après l'analyse de Trindade, le rôle joué par ceux qui dirigeaient la confrérie n'était pas seulement symbolique, mais possédait aussi un caractère politique:

Limitée à l'espace cédé par l'église Notre Dame du Rosário (sic), la congada signifie pour le nègre l’intronisation d'un légitime représentant politique des intérêts des nègres africains au Brésil [...], le rituel introduit au moyen de cet acte qui reproduit un usage du royaume africain, le système du pouvoir que l’on trouve en Afrique. (Trinidade, apud. Silva. 2010, p. 25-bas de page).

21Le couronnement du roi et des reines congos, d’après le folkloriste Luís da Câmara Cascudo (1978), est un des éléments qui caractérisent le Congado. Outre cette cérémonie, le chercheur cite deux autres rites qui complètent sa démonstration: les «processions des ambassades» et les «danses guerrières commémoratives» (ou ballets).

22Les ambassades représentaient des luttes de pouvoir entre peuples africains rivaux et comportaient une simulation de batailles entre Maures et chrétiens. Ainsi, l'Ambassadeur défiait les adversaires en un duel verbal qui précédait un combat décisif à l'épée. Le groupe vainqueur était toujours celui des chrétiens protégés par Nossa Senhora do Rosário15.

23Les danses guerrières commémoratives, selon l´information de Gomes et Pereira (1988) sont liées à :

[...] commémoration de victoire ou sollicitation d'intercession auprès des forces cosmiques, étant marqué par un lien d´offrande: on danse pour et à cause de la divinité. Les ballets sont inspirés [...] par les personnages de la Reine Ginga (Njinga Nbandi) et de Francisco da Natividade (le Chico Rei de Vila Rica). La Reine Ginga, était une guerrière et elle est devenue légendaire pour avoir dominé les peuples voisins et affronté les Portugais, résistant contre leur domination. (Gomes e Pereira, apud. Silva, 2010, p. 24-25).

24Dans le cadre hiérarchique du Reinado de Minas Gerais, la présence continue de rois congos constitue un aspect toujours aussi marquant de la tradition. Lors de la fête du Reinado ils sont traités avec une déférence spéciale, avec révérence et prestige. En général, semblable distinction se prolonge pour toute la durée d’une vie et, dans la plupart des cas, se montre héréditaire. C'est ce qui prévaut surtout dans le contexte des plus anciennes confréries de Minas Gerais (Communautés des Arthuros et Confrérie de Nossa Senhora do Rosário de Jatobá)16.

25Selon la hiérarchie du cortège rituel, après les rois congos défilent les rois dits perpétuels et les rois organisateurs de la fête (chargés de veiller sur les couronnes de Notre Dame du Rosaire, de Saint Benoît et de Sainte Iphigénie); les princes et les princesses qui sont, eux-mêmes, suivis par la Cour (les juges et les demoiselles d'honneur – suivant la région). Le «Congado est une fête possédant une forte consonance religieuse ».Telle est, à ce qu’il nous semble, la meilleure manière de traduire le phénomène dans toute sa complexité. Le terme «Congado» a été défini par Carlos Rodrigues Brandão (1985) comme  étant «la réunion de tous les ternos», ces-derniers représentant la plus petite unité du rituel. Séparément ou ensemble, ces groupes se chargent de proteger et d’accompagner les têtes couronnées lors du passage du défilé dans les rues et les avenues. Séparément ou ensemble, le rôle des ternos est d'embellir la fête grâce à leurs danses, leurs chants et à la sonorité des instruments17.

26Les ternos ou gardes sont structurés hiérarchiquement. Les membres de ces groupes sont nommés danseurs ou joueurs suivant la région de Minas Gerais. Le commandant d'une garde, principale autorité du groupe, est son chef, son capitaine ou son maître. C’est à lui que revient la responsabilité du bon fonctionnement et du contrôle de l'ordre au sein de la garde. La fonction de capitaine, valable pour la durée d’une vie, est traditionnellement héréditaire, ainsi le remplacement de celui qui l’occupe s'effectue uniquement lors d´un décès ou d´une maladie, la transmission s’effectuant de père en fils ou privilégiant un autre proche de la famille.

27D’après les documents historiques et ethnographiques, les principaux groupes de Congados de Minas Gerais seraient, dans un ordre hiérarchique: Mozambique, Congo, Catopé, Caboclo et Marujos. Le Mozambique et le Congo sont reconnus par les pratiquants du rituel comme les principaux gardiens du Reinado,car comme ils l'expliquent : ce  sont les «descendants des esclaves». Le Congo, à ce que l´on raconte, réunit la garde qui surgit après la naissance des «enfants, les fils d´esclaves», le Mozambique constituait àl'époque de l'esclavage18 la garde des vieux nègres. C´est pourquoi, lors du défilé, ces deux groupes étaient placés derrière le pallium des rois et des reines congos.

28Nous aimerions mentionner en outre le fait que la fête du Reinado dans l´État de Minas Gerais est en voie d’être reconnu - par l'Institut du Patrimoine Historique et Artistique National-IPHAN - comme patrimoine culturel du Brésil. Jusqu'à présent, le résultat d’un effort cartographique19 indique que 327 des 853 municipalités de cet l'État offrent des références de célébrations de cette tradition. En regroupant tous les groupes éparpillés, on recense un total de 1.052 municipalités, soulignant, par conséquent, la grande importance et la persistance de cette tradition mineira.

Du spectacle musical au rituel

29Le spectacle musical « Galanga, Chico Rei » a été présenté pour la première fois à Belo Horizonte, en 2011, mis en scène par le spécialiste en études théâtrales de l’Université de Minas Gerais, João das Neves20. Le but de ce spectacle, d’après le metteur en scène,  était de «revoir notre histoire traditionnelle selon le prisme d´une identité afro-brésilienne». Cela constitue précisemment le point de départ de la discussion que nous désirons développer en fonction de ce spectacle musical.

30Le spectacle réunit un groupe de douze artistes, musiciens, danseurs et acteurs, presque tous nègres d’origine africaine. Ce groupe représentait en un contexte musical la garde du Mozambique dont le capitaine (interprété par l'acteur et compositeur de Minas Gerais, Mauricio Tizumba) jouait le rôle d’un vieux nègre gardien de la mémoire traditionnelle et narrateur de l'histoire de Chico 21. Ce fut autour de ce vieil homme que se réunirent les danseurs de la garde, lors de leur arrivée en cortège au début du spectacle, pour entendre raconter l’histoire qui marque l'origine du Reinado ou Congado dans l´État du Minas Gerais.

31Le spectacle commence par l’entrée dans le théâtre des acteurs formant cortège; ils entonnent des chants et jouent des instruments typiques des gardes de Mozambique dans le cadre du rituel du Congado de Minas Gerais (tambours, caisses, pantangomes22 et gungas), recréant ainsi, l'environnement sonore et le climat d'effervescence usuel des jours de fête du Reinado, là où la tradition défie le passage du temps. Une performance similaire marque aussi la fin du spectacle.

32Pendant le spectacle, l'histoire de Chico Rei est relatée en mettant l'accent sur les éléments qui ont marqué la saga du personnage dans l’imagination populaire et qui se trouvent expressément remémorés: la capture de Galanga en Afrique, la traversée de la mer, l´arrivée au Brésil et le labeur pénible des esclaves orpailleurs, la conquête de la liberté et la cérémonie du couronnement de Chico Rei. Et, de façon créatrice et surprenante, au moyen d’une telle séquence d’évènements, la mémoire traditionnelle est présentée aux spectateurs, non seulement par le truchement du récit du vieux nègre, capitaine du Mozambique, mais encore par la chorégraphie individuelle ou collective appartenant au répertoire de cette garde, éxécutée par les danseurs au moyen de chants entonnés, parfois en solo, parfois en chœur. La bande son du spectacle musical mélange quelques cantiques provenant du répertoire rituel de la fête à des chansons inédites, spécialement composées par le musicien carioca Paulo César Pinheiro23, inspiré par les sonorités de la tradition afro-brésilienne.

33La première présentation du spectacle à Belo Horizonte s´est déroulée dans une salle comble qui comportait notamment une présence significative d´afrodescendants parmi les spectateurs. La plupart d’entre eux étaient des jeunes, de classe moyenne, universitaires qui  arboraient fièrement des chevelures de style black power,avec tresse afro et dread look

34La représentation de la comédie musicale au Centre Culturel Tambour de Minas Gerais dura plusieurs semaines. Il faudrait souligner le fait que cet espace est aujourd'hui considéré comme un centre de référence important pour la culture dénommée afro-mineira qui accorde une place significative au Reinado.

35Le Centre Culturel Tambour de Minas Gerais fut créé par Maurício Tizumba. Cet institut est installé dans un hangar situé dans un des quartiers les plus anciens, proche du centre de la ville de Belo Horizonte. Son espace culturel favorise un ensemble d’activités visant à promouvoir, à divulguer et à faire connaître le Reinado et à susciter la réflexion sur divers thèmes ayant trait à la question des nègres au Brésil. Des spectacles théâtraux ou musicaux concernés par la culture afro-mineira sont montés dans ce hangar. Similaire à « Galanga », le spectacle théâtral «Le Nègre, la Fleur et le Rosaire» y a été présenté lors du mois de novembre 2012, dans le cadre d’une programmation inspirée par le «Jour de la Conscience Nègre au Brésil». Le thème central du spectacle était celui du Reinado dans l’Etat de Minas Gerais. Il faudrait mentionner encore les cours de percussion afro du programme du Centre et l’organisation de conférences et d’ateliers réunissant artistes et intellectuels militants du Mouvement Nègre qui versent sur des thèmes tels que l’histoire et l’insertion sociale des nègres dans la société brésilienne.

36Il serait necessaire aussi de mentionner l’organisation d’une «Rencontre annuelle des Reinados» qui rassemble les divers groupes traditionnels de la région métropolitaine de Belo Horizonte. Cette rencontre a lieu à l’air libre, dans la rue, devant le hangar qui est le siège du Centre et elle comporte la présentation d’un cortège de Reinado accompagnant une foire-exposition afro. Il y a là plusieurs étalages de vente de vêtements, d’objets de fabrication artisanale, de bijoux de style afro, ainsi que des livres (oeuvres littéraires, scientifiques et didactiques) qui abordent en général des thèmes relatifs aux populations africaines et afrodescendantes.

37Les programmes variés du Centre Culturel Tambour de Minas Gerais permettent de le considérer comme un espace de référence pour la culture afro de la région. C´est pourquoi le spectacle musical « Galanga, le Chico Rei » présenté dans ce théâtre par un groupe composé d’acteurs nègres - comme nous avons déjà tenu à le mentionner - peut être perçu comme une chose plus importante qu'un simple spectacle destiné à distraire le public.

38Cela établi, nous souhaitons présenter les témoignages de quelques acteurs, localisés au cours de nos recherches sur l’internet, des témoignages qui nous semblent pertinents pour comprendre la signification que les acteurs, eux-mêmes, attribuent au récit de l'histoire de Chico-Rei dans le cadre performatif du spectacle musical24.

La mémoire inscrite dans le corps : témoignages d’une expérience performative

39Commençons par le témoignage de l´acteur qui interprète le vieux nègre: Maurício Tizumba. Acteur, chanteur, compositeur et percussionniste, il a fait partie de la troupe de diverses représentations théatrales dont le thème principal était la culture des afrodescendants et leurs personnages remarquables. En tant que compositeur, le répertoire rythmique du Reinado inspire son oeuvre, le poussant à maintenir un dialogue avec cette référence culturelle. Et cela, non pas en raison d’une simple curiosité ou d’un intérêt esthétique, mais en vertu d’une expérience vitale de socialisation effectuée auprès des communautés traditionnelles duReinado de Minas Gerais. Comme il l’affirme lui-même:

Je suis né congadeiro et en même temps artiste. [...] Pour parler de religion, en tant que moçambiqueiro [je] crois en cette religion d´origine africaine [le congado]. Je n´utilise pas de mise en scène. Cette mise en scène existe en moi. Je n'utilise pas [le congado] comme une source. Je ne fais pas de recherches. Cela m’appartient! Je n´arrive pas à séparer les choses. [J]´aimerais bien qu´il y ait ici des vieux nègres congadeiros pour en parler.

40La lecture de ce discours de Maurício Tizumba induit à réflechir sur le caractère de sa performance durant le spectacle musical. On remarque mieux l’adéquation remarquable avec laquelle il incorpore le vieux nègre capitaine du Mozambique, la dextérité de son corps lorsqu’il danse courbé, tournoyant sur lui-même, le choc des pieds contre le sol secouant les gungas, l’habileté avec laquelle il fait résonner tambours et caisses et entonne, lors des scènes du spectacle, les cantiques du Reinado(ou les chants inspirés par ses rites). La façon d’agir sur scène de cet acteur, les gestes de son corps et sa performance, lorsqu’il incorpore les personnages du Reinado, laissaient déjà entrevoir qu’il y avait là plus que l’expérience dun acteur bien préparé, constituant plutôt le rappel d’une mémoire corporelle provenant d’expériences et d’apprentissages pratiques d’un savoir traditionnel, acquis depuis l’enfance25 – comme il l’affirme en son témoignage.

41En réfléchissant à l'importance symbolique de l´image de Chico Rei en faveur d’une valorisation du nègre dans la société brésilienne, Maurício Tizumba émet une allusion critique à l'impression que la postérité garde de l´image de Tiradentes: «Pour [réussir à atteindre] une égalité raciale dans ce pays, il nous faudra déterrer nos héros. Car tant que nos héros continueront morts, écartelés, sans victoire, sans rien, cela n’avancera pas; un peuple avec des héros morts n´avance pas, avec des héros écartelés il n´avance pas non plus ». Et il ajoute complétant sa pensée:

Elle est intéressante l’occasion de présenter ce spectacle [...], car je pense que chaque fois que quelqu'un nous conte ou raconte une histoire, on peut observer quelque chose, on peut remarquer quelque chose. Quand nous racontons, et l'histoire du Brésil devrait être racontée, parce qu'il y a beaucoup de choses à améliorer, même les conditions[de vie] du peuple [nègre].

[L'histoire de Chico Rei] au fond, bien au fond, est une saga. C´est le passage d'un continent à l'autre, c´est la traversée d'une longue histoire douleureuse, n´est-ce pas?!, celle de tout un peuple, et lorsqu’il parle de cette histoire douleureuse le Journal National a réussi à créer un spectacle sans montrer seulement les souffrances de la population nègre, mais en montrant aussi la victoire de ce peuple.

42Par cette critique l'acteur revendique implicitement une reconnaissance nationale de l´image de Chico Rei et sa promotion à la condition de héros des nègres du Brésil, comme cela fut fait pour Zumbi de Palmares devenu référence symbolique.

43Le témoignage d'un autre membre de la troupe, Wellison Pimenta, admirateur de Maurício Tizumba souligne un détail intéressant qui renforce notre argumentation, il s’agit de la «militance» en faveur de la cause nègre. Wellison souligne : «je travaille en fonction de trois idoles: Titâne pour la musique, João pour la mise en scène et Tizumba, en tant qu´acteur, chanteur, un acteur musicien et une référence pour la militance en faveur de la cause nègre».

44Les témoignages de deux autres acteurs que nous avons pu entendre, confirment le premier en ce qui concerne l'importance du spectacle pour promouvoir l´image de Chico Rei et ouvrir un champ de possibilités au récit de l'histoire brésilienne du «peuple nègre» selon une optique qui ne serait pas officielle et dominante. Evandro Passos attire l'attention sur l'importance d’une restauration actuelle de la narration de l'histoire de Chico Rei, telle que le spectacle la présente, pour une meilleure compréhension de l'histoire des nègres au Brésil. Cet acteur évalue:

le spectacle est très important en ce moment de l'histoire du Brésil [...] raconter cette histoire d´une manière, pour ainsi dire, différente de celle que nous avons toujours entendue dans les manuels scolaires, qui en réalité ne la racontait pas, elle déformait et déforme beaucoup l'histoire des héros nègres.

45Katia Aracelle, une des actrices, souligne: «Chico Rei est notre premier roi congo couronné au Brésil [...] Galanga était roi au Congo et redevint roi au Brésil ».

46L'actrice Bia Nogueira relate son expérience d'immersion profonde dans le rôle d’une passagère arrachée à l'Afrique et embarquée sur un navire qui traversait l'Atlantique:  «je pense que le spectacle comporte des moments où vous pouvez..., vous pouvez... - jusqu´au frisson! - lors de la scène du navire négrier, vous pouvez, pour quelques minutes, vous imaginer à l'intérieur ; humm!..., je me transportais. Je me trouve ici !».

47Ces témoignages offrent des éléments qui nous induisent à prendre au sérieux le but que le spectacle musical «Galanga le Chico Rei» se propose. Ils nous font comprendre que lorsque les acteurs relatent l’expérience vécue en interprétant des rôles de Chico Reis ou de danseurs du Reinado, ils expriment leur sentiment d’être en train de raconter à eux-mêmes leur propre histoire d’afrodescendants. Et cela nous conduit à réfléchir à la question de notre propre rôle d’ethnographe désireux de comprendre ce spectacle musical etde traduire par le truchement d’un texte observations personnelles et témoignages entendus. En somme, si «Maintenant nous sommes tous des natifs»26, il faudrait donc considérer que, de même que les autres spectateurs afrodescendants, nous faisons aussi partie de l’histoire de Galanga le Chico Rei.

48En bavardant avec une femme nègre, professeur qui avait aussi assisté au spectacle, elle nous déclara avoir perçu des similitudes entre ce spectacle et une activité qu'elle avait eu l’occasion de développer en classe, avec ses élèves à propos de la théâtralisation de l'histoire de Chico Rei. Le but de son cours était, comme celui de la représentation théâtrale, de narrer l’histoire des nègres suivant une perspective différant de celle de l’histoire officielle. C’est pourquoi elle regrettait de ne pas avoir eu, avant notre conversation, l’occasion de commenter avec des acteurs du spectacle qui étaient ses amis, les ressemblances perçues entre la représentation théâtrale et son expérience personnelle en salle de classe, lorsqu’elle présenta ce cours à ses élèves.  

49La performance «établit un mouvement de continuum entre l’efficacité et le divertissement » affirme le metteur en scène Richard Schechner. Cela signifie pour lui, que en fonction du contexte, de la situation particulière, de l'intensité de la représentation, de l'interaction avec le public et du dédoublement de la conscience des acteurs et des spectateurs, ou même, eventuellement, en fonction de l’impact inattendu des divers genres de performances sur la structure d´une plus ample société, un spectacle pourrait se transformer en rituel et vice versa (Schechner, 1988, p. 116).

50Pour expliquer ce mouvement dans un cadre théorique, Schechner attire l'attention sur les notions de «comportement restauré» et sur les processus dits de «transport» et de «transformation», constitutifs de différentes sortes de performances. Le  «comportement restauré», explique l'auteur, correspond au fait que toute performance, qu’elle soit esthétique-théâtrale ou rituelle, implique en tant qu’évènement culturel des processus d'apprentissage, d’exercice et de répétitions, donc de «techniques du corps» telles que Mauss les définit.  Le «comportement restauré est un comportement comporté», écrit Schechner.  En tant que tel, il consiste en un «modèle» qui correspond pratiquement à des «séquences de comportements, non pas des processus proprement dits, mais des choses, un élément ‘matériel’» et ces comportements peuvent être enseignés par des professeurs, des gourous ou bien appris au cours d’un processus de socialisation inculqué depuis l’enfance. D’après Silva, commentant le «comportement restauré», «il s’agit d’une activité culturelle qui évoque la mémoire, suscite la réflexion et reprend des expériences qui ont intégré la trajectoire de vie du sujet» (Silva. 2012, p. 62).

51Associés à la notion de «comportement restauré», des processus de «transport» et de «transformation» sont mis en évidence par [la théorie de] Schechner. Ces processus concernent aussi bien les aspects physiques de l'espace que les processus psychologiques et psychiques impliqués par les situations de performance. Être «transporté» renvoie à l'idée d'un local où l’on se rend, d’un endroit où l’on se trouve et où les performances prennent place (théâtres, stades, églises, terrasses, places publiques etc.), cela renvoie aussi à la transformation passagère du rôle social des sujets en un environnement où la routine quotidienne se trouve suspendue. Il s’agit de l'incorporation sur scène d'un personnage par l´acteur et de la «façade» sociale que ce dernier présente au public (Goffmam, [1975]27 1985), l’expérience transformatrice concerne les sensations, les pensées, les réflexions et les sentiments évoqués. Le processus de «transformation» renvoie à l'état de conscience et au statut des sujets suivant l'effet que l'expérience des performances exerce psychologiquement et/ou socialement sur ces sujets, un effet qui se présente sous forme d’un changement radical de vision du monde, de style de vie, d’attitudes et de comportements de l'acteur social.

52Pour Schechner, c’est surtout le processus de transformation qui caractérise les événements rituels [mais pas exclusivement]. Ce processus peut aussi, éventuellement, être déclenché par des représentations théâtrales et/ou musicales etc. (citons, par exemple, le théâtre brechtien, le théâtre nô, le festival de Woodstock). La notion d’«efficacité», est donc associée à l'idée d'un processus de transformation de la conscience des sujets qui prennent part à l'expérience  «liminóide»28 des performances, spectateurs inclus. Et c´est ainsi que la notion de public prend de l’importance dans la théorie de Schechner, divisée d’après lui en deux catégories distinctes: «le public intégral» et le «public  accidentel». Dans le premier cas, il s’agit d’une sorte de public composé par des spectateurs qui connaissent mieux la performance et ses détails, mais qui sont aussi ceux dont la participation se fait plus intense, c'est-à-dire, ceux qui peuvent avoir accès aux «coulisses» (les fans, les fidèles, les chercheurs, etc.). Le deuxième cas décrit un modèle de public dont les rapports vis-à-vis de la performance se montrent superficiels, il ne désire que se distraire et occuper leur temps. Le rapport, cependant, peut être inversé, en raison de la qualité du spectacle et de la force inespérée de son impact.

53La performance, telle qu’elle se présente discutée par un autre auteur, renvoie à l’expérimentation d’un risque susceptible d’affecter les sentiments et la sensibilité des spectateurs, expérience capable de susciter une vision critique des choses et de soi-même en tant que sujet de l’histoire (Turner, V. 1986). Il s’agit donc d’une expérience qui stimule une certaine inquiétude de conscience chez le public, ce qui revient à dire qu’elle pousse à la réflexion et au retour sur soi de la pensée. Cette expérience est celle que l’espace de la performance permet de partager avec d’autres personnes, en fonction de ce que l’on a ressenti et (re)pensé, interlocution qui favorise les associations d’idées, les affinités entre manières de concevoir les choses et les convergences de points de vue sur les choses de la vie et la réalité sociale.

54Les performances sont conçues par Victor Turner (1986)  comme «une expérience», dans le sens voulu par Dilthey29 d’une mise en circulation au moyen d’un acte de communication, d’un «déplacement du regard» réflexif du monde extérieur vers l’intérieur. C’est ainsi qu'émerge la conscience critique, cette conscience qui stimule le désir, la volonté et qui renforce notre disposition à agir collectivement, comme dans le cas des mouvements politiques centrés autour de revendications de droits sociaux et de processus d'affirmations d'identitaires.

Chico Rei: mémoire, résistance et conscience politique

55En fonction des concepts théoriques ébauchés ci-dessus, nous pouvons considérer les témoignages cités comme des discours politiques qui expriment l’efficacité du discours et de la mobilisation collective du Movimento Negro, historiquement organisé au Brésil vers la fin des années 1970. Ce mouvement, en effet, souleva une bannière de lutte contre le racisme et revendiqua la reconnaissance de ses droits sociaux de citoyenneté, ainsi que le respect des différences ethniques et culturelles des descendants d’africains, tant au moyen de discours prononcés sur des tribunes, que par des exigences affichées sur des étendards ou des pancartes placés sur les voies publiques des principales capitales du pays (cf. Garcia, 2006).

56Lors de ce processus de dénonciation, la voix collective du Mouvement Nègre exigea de la société brésilienne l’engagement d’une réflexion sérieuse au sujet du problème de la stigmatisation et des stéréotypes qui, au Brésil, causent le manque d’estime de soi et la détérioration de l'image identitaire du «peuple nègre». Cette exigence impliquait une lecture à rebrousse-poil de l’histoire officielle brésilienne et soulignait l'urgence d’une réécriture de cette histoire à partir d'une véritable écoute de la voix de ce segment social, en tenant réellement compte du fait que son point de vue s’avérait majoritaire dans le pays. Le message transmis rappelait particulièrement aux nègres concernés qu'il leur était nécessaire de retrouver leur propre identité en récupérant des valeurs traditionnelles préservées par la mémoire et revigorées par des pratiques culturelles afro-brésiliennes telles que: les croyances religieuses, la capoeira, le jongo et les Reinados ou Congados.

57Ce fut ainsi que la (ré)organisation du Mouvement Nègre a repris une longue histoire de lutte et de résistance des africains et de leurs descendants brésiliens contre des conditions sociales et humaines indignes, imposées par le processus colonisateur occidental. Nous mentionnerons donc, entre autres activités militantes historiques, les organisations quilombolas (villages autrefois établis par des esclaves fugitifs), les confréries religieuses, les clubs nègres, la presse nègre et le Teatro Experimental do Negro (Théâtre Expérimental du Nègre) audacieusement fondé par un acteur, Abdias do Nascimento30, au cours des années 1940 (cf. : Cardoso, 2011, p. 33-34).

58En effet, l’impact des revendications du Mouvement Nègre fut significatif: d’abord, en ce qui concerne une prise de conscience critique nationale, tant par la mobilisation des communautés traditionnelles au bénéfice de ce processus d'action politique, que par la stimulation d’une nouvelle approche engagée [envers la cause] en milieu académique et artistique. Le Mouvement Nègre, d’ailleurs, peut être compris comme celui du «nègre en mouvement». Il faudrait souligner également les conquêtes institutionnelles les plus significatives de la communauté nègre brésilienne comme la création de politiques publiques destinées à criminaliser la pratique du racisme, les programmes d'inclusion sociale et la reconnaissance et la valorisation des traditions culturelles afros en tant que patrimoines culturels du pays31

59Il faut tenir compte du contexte ébauché ci-dessus, pour comprendre la signification de la restauration de l'histoire de Chico-Rei présentée sur scène au Centre Culturel Tambor Mineiro. C’est ainsi que les témoignages de ceux qui ont pris part au spectacle musical (acteurs et metteur en scène) et celui de la femme qui était professeur, permettent d’évaluer l’impact des discours et des activités du Movimento Negro au Brésil. En somme, aussi bien l’expérience d’un récit de l’histoire de Chico Rei représentée sur la scène du Centre Culturel, que l’exposition de cette histoire en salle de classe partageaient un même projet et un même but: promouvoir une réécriture de l’histoire du «peuple nègre» qui remettait au centre de la page une des variantes d’une manifestation culturelle afro-brésilienne : le Reinado.

60C’est pourquoi l'histoire de Chico Rei constitue un symbole de force. Cette histoire nègre évoque effectivement la préservation d’une «mémoire qui s’inscrit dans le corps [...] et ne peut être apprise qu’au moyen d’une pratique performative» (Montes 2007). Cette pratique performative englobe les danses, les chants et le rythme des tambours de la garde de Mozambique présentés sur scène ou en salle de classe. Comme l´a bien défini Jean-Marie Pradier (1998, p. 25), dans le domaine de l'ethnoscénologie «le corps dansant est un corps penseur».  Armindo Bião, pour sa part, a également contribué au débat, en ajoutant que cet «état du corps» cher à l’ethnoscénologie est celui d’un corps que l’on ne peut dissocier de la conscience (Rubião, 2009, p. 36).

61En somme, c'est en pensant à cet «état du corps» capté par le prisme d’un regard ethnoscénologique, que nous interprétons le spectacle musical «Galanga, le Chico-Rei», désirant attirer l’attention sur le «mouvement entre l’efficacité et le divertissement» qui met en jeu une perspective d’anthropologie de la performance.  

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http://www.agendabh.com.br/turismo_detalhes.php?CodEve=7295 acessado (em Julho de 2011) 17/07/2016 às 16:20.

Notes   

1 Fiche technique: Mise en scène – João das Neves; texte et musique - Paulo César Pinheiro; acteurs - Maurício Tizumba, Alysson Salvador, Bia Nogueira, Denilson Tourinho, Evandro Passos, Everton Coroné, Felipe Gomes, Kátia Araccelle, Lucas Costa, Maíra Baldaia, Rodrigo Jerônimo e Wellison Pimenta.

2  Le Congado est une manifestation festive ou un spectacle afro-brésilien culturel et religieux. Il comporte un ballet spectaculaire, des chants et de la musique destinés à  recréer le couronnement d'un roi du Congo.

3  Ces publications correspondent à notre dissertation de maîtrise présentée à l’Universidade Federal de Minas Gerais [UFMG] et à notre thèse de doctorat présentée à l’Universidade de São Paulo [USP].

4  Lors de la dernière révision du texte de cet article, nous avons vérifié que la page consultée en juin 2011 :  Http://www.youtube.com/watch?v=pCsMowsIBt-s  - et récemment ? consultée (le 17/ 07 /2016 ou 2006 ?) avait été retirée du web.

5  Cf., Cardoso, 2011; Garcia, 2006 (referência completa na Bibliografia).

6  Localisée dans la région centrale de Minas Gerais, l’ancienne capitale des Minas Gerais, Ouro Preto a été fondée et peuplée au XVIIème siècle sous le nom de Vila Rica, après la découverte d’alluvions et de mines d’or. Cette ville aujourd’hui considérée patrimoine de l’humanité par l’UNESCO est devenue très célèbre en raison du style baroque de ses églises catholiques et en raison de ses sculptures d’Aleijadinho.

7  Période de l’histoire du pays comprise entre le XVI ème et les premières années du XIX ème siècle.

8 Au Brésil le «Preto Velho» est une des Entités intégrée au culte de la religion afro-brésilienne de l’Umbanda (cf. : Ortiz, 1991).

9  Dans certaines villes de l'intérieur du Minas Gerais, la cérémonie de la remise des couronnes du roi et de la reine commence après le rite de la descente du mât, lorsque les monarques de l’année précédente couronnent leurs successeurs.

10  Gunga' ou 'guizo (grelots) est le nom attribué par les danseurs du Congado à un instrument musical fabriqué à l’aide d’un matériel en métal cylindrique ou de boîtes de conserve bouchées à leurs extrémités et contenant des boules de métal. Il s´attache autour de la cheville et produit un son spécial quand on frappe le pied contre le sol. D’après Gomes et Pereira (1988 ), les gungas sont des éléments magiques qui transportent les praticants traditionnels vers un autre monde où passé, présent et futur font partie du même voyage.

11  Les  souverains portugais découpèrent des portions du littoral de leur colonie brésilienne (sans définir les limites de l’arrière-pays) et octroyèrent le territoire de ces capitanias à des hommes chargés de les peupler de colons, de les exploiter et de les défendre. Plus tard, lorsque des mines d’or et de diamants furent découvertes à l’intérieur des terres, la Capitania de Minas Gerais fut constituée.

12 Date de la fondation de la première confrérie des hommes nègres du Minas Gerais: Vila do Serro (maintenant Serro), 1704; Vila Rica (maintenant Ouro Preto) 1711. Cf. Silva, 2010, p. 20.

13  Cf. BASTIDE, 1983; BOSCHI, 1986; GOMES E PEREIRA, 1988; SOUZA, 2002; SILVA, 2010.

14  Cf. CHAUÍ (1989).

15  L'étude ethnographique de la «Congada de Ilha Bela» [SP], entreprise par l'anthropologue Giovanni Cirino en sa thèse de doctorat, soutenue en 2012 à l’Université de São Paulo, approfondit une analyse intéressante de cette manifestation en exploitant des références historiques et anthropologiques qui soulignent, dans un contexte local, la restauration symbolique et la performance de fragments de mémoire de batailles livrées en Afrique par Reine Njinga.

16 Les principales références pour ce qui est de l'étude de ces deux confréries sont, dans le cas de la première, Garcia et Pereira, 1988 et, en ce qui concerne la deuxième, Martins, 1997 et Lucas, 2002.

17  Dans l’Etat de São Paulo, on utilise le plus souvent le terme Congada.

18  À ce que l´on raconte, cette garde des vieux nègres: le Mozambique, fut la seule à réussir, au moment de la captivité, lorsque la sainte apparut en mer (certaines versions parlent d’une grotte), à plaire à Notre Dame du Rosário, grâce à des danses et à des instruments rustiques, de sorte que la sainte fut ainsi menée jusqu’à la chapelle, malgré les nombreuses tentatives frustrées d'autres groupes, même celles d’un prêtre qui offrait une messe. (Cf.: Silva, 2010, pp. 129-135).

19 «Projet d'inventaire: rapport partiel sur le processus d'inscription et de protection des Congadas de Minas Gerais » (Miméo). Matériel gracieusement mis à ma disposition par l'historienne Maria Corina Rodrigues Moreira et l'anthropologue Vanilza Jacundino Rodrigues, fonctionnaires de la Coordination de la Recherche de l'IPHAN.

20 Metteur em scène et dramaturge brésilien, né à Rio de Janeiro. Il compta sur la collaboration de Maurício Tzumba (musicien et acteur principal du spectacle) et de Paulo César Pinheiro (auteur de la bande son inspirée par le répertoire musical traditionnel du Reinado). En 2006 Neves avait déjà mis en scène un autre spectacle musical : « Besouro Cordão de Ouro », établissant ainsi une certaine continuité de son oeuvre centrée sur des personnages et des formes d’expression de culture africaine et afrodescendante au Brésil.

21 Citation des paroles proférées par un des personnages en scène.

22 Instrument en métal, ressemblant à une calotte de roue de voiture qui contient des sphères dont le mouvement produit un son semblable à celui d’un hochet.

23 Comme l’on nomme les brésiliens nés dans la ville de Rio de Janeiro.

24  Les transcriptions des témoignages sont accessibles sur le site web du groupe d’artistes consulté en juillet 2011 et vérifié le 17/07/2016 en vue de la révision du texte. Http://www.youtube.com/watch?v=pCsMowsIBt-s.

25  Expérience que le metteur en scène américain Richard Shechner nomme «comportement restauré » (Shechner, 1985, p.36). 

26  Cf. Geertz, [1983] 1997, p. 86.

27  Référence à la première traduction en portugais, publiée au Brésil de l'original en anglais – 1952. The Presentation of Self in Everyday Life. Édité par Doubleday Anchor Books.

28  Cette catégorie cependant a été élaborée par Victor Turner (Turner, 1982, p.220-60).

29  Wilheim Dilthey distingue une «expérience simple» d’une véritable «expérience».  Turner explique: «L’expérience simple évoque une expérimentation passive et une acceptance des évènements. Une expérience, tel un rocher dans un jardin de sable Zen, se détache de la monotonie des heures et des années  et elle forme ce que Dilthey nomme la «structure de l’expérience» (Turner, 1986, p. 35).

30  Abdias do Nascimento (1914 – 2011) fut un des principaux intellectuels nègres brésiliens. Ecrivain, poète, artiste plastique, dramaturge, homme politique et militant engagé dans la défense des droits sociaux et humains des descendants d’africains au Brésil et dans le monde, il prit part à des mouvements nationaux et internationaux tels que : laFrente Negra Brasileira, laNégritudee lePan-Africanisme, ayant également fondé: leTeatro Experimental do Negro [TEN], le Museu da Arte Negra [MAN] et l’Instituto de Pesquisas e Estudos Afro-Brasileiros [IPEAFRO]. Il fut aussi un des idéalisateurs du Memorial Zumbi et du Movimento Negro Unificado [MNU].

31 Nous mentionnerons: les quotas de places réservées à des élèves nègres, le processus de titrage des terres occupées par les communautés traditionnelles de quilombos, la reconnaissance des tradition afro-brésiliennes comme patrimoine immatériel local, régional ou national (quoique, dans ce dernier exemple, il serait nécessaire de rappeler l’impulsion reçue de la Convention de l'UNESCO – voir Bibliographie).

Citation   

Rubens Alves da SILVA, «Entre le spectacle musical et le rituel : restauration de la mémoire du roi Galanga», Cultures-Kairós [En ligne], paru dans Théma, mis à  jour le : 25/12/2016, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=1430.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Rubens Alves da SILVA

Rubens Alves da SILVA est docteur et post-docteur en Anthropologie de l’Université de São Paulo (USP) et a un Master en Sociologie de la Culture de l’Université Fédérale de Minas Gerais (UFMG). Il est actuellement Maître de Conférence à l’Université Fédérale de Minas Gerais. Il est membre du NAPEDRA - Laboratoire d’Anthropologie de la Performance et Drame de l’Université de São Paulo. Ses recherches portent sur le patrimoine culturel, les théories de la performance, les communautés traditionnelles quilombolas, les expressions de la religiosité et de la culture afro-brésiliennes (reinado/congado; capoeira).
Claude Guy PAPAVERO