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De la persona au soi-même : notes sur le Grupo de Teatro Macunaíma

Rita de Almeida CASTRO
décembre 2016Traduction de Ana ROSSI

DOI : https://dx.doi.org/10.56698/cultureskairos.1412

Résumés   

Résumé

Dans cet article, je réfléchis sur la vision du monde et sur les processus créatifs du groupe de théâtre Macunaíma de São Paulo dirigé par Antunes Filho dans ses activités au début des années 1990. Je discours sur l'expérience de ce directeur et de son collectif d'acteurs dans le processus d'investigation d'un langage théâtral qui leur est propre. Le groupe recherchait des approches théâtrales antinaturalistes, exerçait des gestualités et des vocalités non conventionnelles, élargissait les vécus scéniques des acteurs, et rendait possible les processus de déconditionnement culturel de la part de la personne dans leur travail d’acteur. Les conceptions du corps et de la scène théâtrale étaient ressignifiées à partir de pratiques collectives telles que le « déséquilibre », la « bulle » et le tai-chi-chuan. Je présente la manière dont les acteurs étaient en rapport avec la distinction entre sentiment et sensibilité, sur comment cela se réverbérait sur la scène théâtrale, et dans leur perception du personnage théâtral. À partir du témoignage de certains acteurs du groupe, nous comprenons la dimension du théâtre comme chemin de connaissance de soi, et la pertinence des notions qui associent la scène au sacré et l'acteur lié au divin.

Accéder à des dimensions plus subtiles, créer de nouvelles atmosphères performatives, et exercerla capacité d’affecter l’autre et d’être affecté, étaient à la base du travail dans ce groupe qui se réinvente au long des années.

Abstract

In this article I reflect about the world- view and the creative processes of the Macunaíma theater group from São Paulo, directed by Antunes Filho, concerning the group’s activities in the early nineties. I discuss the experience of this director and his collective of actors in their research of processes of their own theatrical language. The group was researching anti-naturalistic theatrical approaches, exercising gestures and unconventional vocalities, extending the actor’s scenic experiences and providing a cultural deconditioning process through the persona acting as an actor. The concepts of body and theater scene where ressignified from collective practices such as “imbalance”, “bubble” and tai-chi-chuan. I present the way the actors dealt with the distinction between feeling and sensibility and how it reverberated on the theater scene and in their perception of the theatrical character. From the speech of some actors of the group, we understand the dimension of theater as a path to self-knowledge, and the relevance of notions that associate the stage to the sacred and the actor connected to the divine. To access to these subtler dimensions, to create new performing atmospheres and exercise the ability to affect and to be affected appear to be within the basis of the work of this group, which has been reinventing itself over the years.

Resumo

Neste artigo reflito sobre a visão de mundo e processos criativos do grupo de teatro Macunaíma de São Paulo, dirigido por Antunes Filho, em sua atuação no início dos anos 90. Discorro sobre a experiência deste diretor e seu coletivo de atores em processos de investigação  de uma linguagem teatral  própria. O grupo pesquisa abordagens teatrais antinaturalistas, exercita gestualidades e vocalidades não convencionais, amplia as vivências cênicas dos atores e propicia processos de descondicionamento cultural por parte da pessoa que atua como ator. As concepções de corpo e de cena teatral são ressignificadas a partir das práticas coletivas, tais como “desequilíbrio”, “bolha” e tai-chi-chuan. Apresento a maneira como os atores lidam com a distinção entre sentimento e sensibilidade e de como isso reverbera na cena teatral e na sua percepção de personagem teatral. A partir da fala de alguns atores do grupo, percebe-se a dimensão do teatro como caminho de autoconhecimento, e a relevância de noções que associam o palco como sagrado e o ator ligado ao divino. Acessar essas dimensões mais sutis, criar novas atmosferas performativas e exercitar a capacidade de afetar e ser afetado parecem estar na base do trabalho desse grupo, que vem se reinventando ao longo dos anos.

Index   

Index de mots-clés : expérience, personnage, sensibilité, antinaturalisme, sacré.
Index by keyword : experience, character, sensibility, anti-naturalism, sacred.
Índice de palavras-chaves : experiência, personagem, sensibilidade, antinaturalismo, sagrado.

Texte intégral   

1Le contexte du théâtre de recherche au Brésil présente de nombreuses facettes. Au cours des dernières années, la recherche théâtrale dialogue avec une croissante réflexion à l’intérieur de l’espace académique qui présente une vaste production de dissertations et de thèses avec des études et des cas, ainsi que des analyses à propos des différentes trajectoires théâtrales. Je suis l’une de ces chercheuses qui a comme objectif les études théâtrales. J’ai réalisé mon Master 2 [Mestrado] en Anthropologie avec une recherche sur le CPT – Centre de Recherche Théâtrale et le Groupe de Théâtre Macunaíma, tous deux sous la direction d’Antunes Filho, dans le SESC de la ville de São Paulo.

2Cet article pose une réflexion sur une période précise, à savoir les années 1990, lorsque j’ai réalisé ma recherche de terrain en accompagnant le travail de ce groupe. Je partage ici mes impressions, réverbérations et échos de cette expérience d’échange avec des actrices et des acteurs qui travaillaient dans la recherche et la création théâtrales à l’intérieur de ce groupe. En plus d’accompagner ce travail durant cinq mois, j’ai fait plusieurs entretiens avec les acteurs, ainsi qu’avec le directeur Antunes Filho. Tous les entretiens et les images présentes dans ce texte ont été réalisés par moi dans ce contexte.

3Comme indique Sebastião Milaré dans son livre Hierofania: o teatro segundo Antunes Filho, la méthode de travail de l’acteur proposée par Antunes était que “tout d’abord l’être humain se transforme en un acteur, pour qu’ensuite la transformation se manifeste sur scène, gérant de nouvelles formes esthétiques.”1 (2010, p. 25)

4Le Groupe Macunaíma suivait une programmation intense qui alternait des expérimentations créatrices avec des dialogues en continu avec le directeur où des textes philosophiques et scientifiques étaient discutés. En parallèle, il y avait le montage d’une autre pièce qui devait être mise en scène, et des répétitions d’encore d’une autre pièce qui devait être à nouveau représentée intitulée Paraíso Zona Norte. L’horaire des rencontres était très rigide avec six heures de travail tous les jours, une seule pause le dimanche.

5Un des points les plus débattus entre les acteurs, à l’époque de la recherche, était la différence entre la connaissance organique et connaissance mécanique. La connaissance organique serait la plus désirable pour le type de théâtre qu’ils se proposaient, celui dans lequel la compréhension et le vécude l’acteur devraient découler d’un processus d’intériorisation dynamique et personnel. Lorsqu’interrogés sur le fait de travailler pour sortir du stéréotype, quelque chose de hautement critiqué par eux, il y avait une seule réponse : au moyen de la connaissance organique.

6Au contraire, la connaissance mécanique était mise de côté à cause de ce qu’ils nommaient la congélation d’une scène, c’est-à-dire, un travail développé d’une manière statique et stagnante. Dans la conception mise en avant par eux, l’inspiration, comme partie de la respiration, fonctionnait comme un levier.La respiration était, d’après eux, la base organique de tout ; d’où le développement d’un travail intense au quotidien sur ses bases.

7Tous les jours, ou au moins la plupart du temps, le groupe commençait le travail en prenant position sur le jeu scénique, et commençait à marcher chacun sur sa ligne, et à faire des exercices qu’ils appelaient déséquilibre. Cet exercice était à la base de tout le travail développé par le groupe. Il y avait un aspect dans le déséquilibre qui passait par la rencontre de l’axe premier de la personne. D’où le fait de provoquer le déséquilibre du corps au-moyen de la respiration. Pour certains, au début, le déséquilibre pourrait être plus du maniérisme, et s’ils arrivaient á l’imiter la chose serait résolue. Ils imaginaient alors que c’était un phénomène davantage mécanique jusqu’à ce qu’ils ont commencé à découvrir que le déséquilibre était plus mental que physique. Cet exercice a été créé et théorisé par Antunes lui-même qui se basa sur un exercice appelé levier existant à l’époque de la pièce Macounaíma. Dans la vision du directeur, lorsque la personne commençait à faire le déséquilibre, elle commençait à se bagarrer avec sa propre persona, c’est-à-dire avec son image socialement construite avec ses défenses. Le terme persona, tel que utilisé par Antunes, était une appréhension spécifique du concept jungien :

Comme son nom révèle, persona est un simples masque de psyché collective, masque qui ressemble à une individualité, cherchant à convaincre les autres et soi-même qu’il est individuel, lorsqu’en vérité il s’agit d’un rôle ou d’une performance au-moyen de laquelle parle la psyché collective (...) Au fond, la persona n’a rien de « réel ». C’est un compromis entre l’individu et la société à propos de ce que « quelqu’un paraît être » : nom, titre, fonction, et ceci ou cela2.  (Jung, 1988, 134)

8Dans cette approche jungienne, l’homme assume une apparence au contact avec le monde externe qui ne correspond pas à son mode d’être authentique, et il nomme cette apparence artificielle persona. Dans l’exercice développé par Antunes, celui-ci proposait que l’acteur se dégageât des vêtements créés par la persona et qu’il libérât son être authentique. C’était une posture qui rendait possible la personne d’abandonner ses propres maniérismes, les points de tension qu’elle porte dans sa propre vie. Le déséquilibre est un exercice qui agissait sur les points de tension, ce qui faisait que la personne sortaitde son axe. Dans la perspective de l’actrice Marlene Fortuna :

Le déséquilibre n’est rien de plus de que se provoquer, de se jeter à terre, non pas comme un fou. Alors vient la force que toi-même tu doses pour te mettre au point.Avec cela, l’acteur ne restera plus en scène, comme un petit soldat, tout dur, il restera tout mou, plein de vie, il aura de l’air en scène, il respirera, il va provoquer. Alors les acteurs perdent les postures inflexibles avec le déséquilibre. Il se lâche sur scène, tout léger, et susceptible également de voir, de regarder, d’avoir ses propres sens ouverts.3(Entretien : 05.07.90)

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Préparation de la pièce Paradis Quartiers Nord

© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

9Dans la vision du directeur Antunes Filho, la relation Yin/Yang, la terre et le haut faisaient partie du déséquilibre. Ce qui se maintient debout, et ce qui te met à terre. La personne devait avoir une perception de soi, sentir la gravité agissant sur elle, sa relation au sol. Dans le processus de création des personnages, l’acteur devait construire d’autres relations Yin/Yang, d’autres densités. Selon l’acteur J.C. Cooper qu’Antunes Filho prit comme base pour définir ces termes :

l’objectif fondamental du taoisme est l’obtention de l’équilibre et de l’harmonie entre le Yin et la Yang, connus comme les Deux Grandes Forces, les deux pôles de manifestation. (...) Le Yin et le Yang, les formes alternantes de la force créatrice telle comme elle se manifeste dans le monde ; elles sont la substance primordiale dans la différenciation : le Yin étant le physique, l’émotionnel, le cérébral, l’inertie, le carré ; le Yang, l’intelligence, l’énergie, le spirituel, le Cercle.4 (Cooper, 1989, p. 3)

10À partir de cette inspiration, Antunes Filho voulait dire que, pour chacun des personnages interprétés, l’acteur devrait partir d’un premier niveau avec lui-même. Il devait ensuite découvrir, avec le personnage, la relation singulière de l’acteur avec le sol. Il mettait en évidence que tout était inventé par l’acteur, que tout était créé, l’acteur n’ayant rien mis à part une sphère vide dans laquelle il dessinait tout ce qu’il voulait là-dedans. L’acteur, dans sa vision, travaillait avec le vide créateur.

11Une des premières, à l’époque, pour que l’acteur se maintint dans la structure du CPT était de comprendre et d’intérioriser organiquement le processus de déséquilibre, tout en sachant que cet exercice était le pont pour les autres manifestations. Le groupe travaillait aussi un autre élément : la bulle au-moyen de laquelle le spectacle Paraíso Zona Norte, sous la direction d’Antunes Filho, a été élaboré.

12Le directeur mettait en avant que les acteurs étaient très prisonniers des conditionnements culturels, et qu’il était fondamental que leur mental soit indépendant par rapport au social. Il y avait une recherche pour mettre à l’extérieur tous ces gestes que la société réprime, une recherche pour libérer le corps, pour sortir des cadres stéréotypés, et pour rencontrer de nouveaux gestes et attitudes. Ils étaient tout le temps attentifs à la possibilité d’un cercle vicieux, c’est-à-dire, de rester prisonnier des mêmes mouvements. Sa proposition équivalait, alors, à faire et à défaire tout le temps. Pour eux, seul celui qui construit et détruit en même temps était libre.

13La bulle était un exercice de sensibilisation en état de mouvement continu. C’était comme si, au lieu de la peau de l’acteur, il y avait une membrane imaginaire la plus transparente possible, et que le corps vibrât par les stimuli. Cela rappelait l’image d’une algue et de sa sensibilité par rapport à l’eau. Ou encore, d’une bulle de savon qu’on ne pouvait toucher de manière grossière, sous peine de l’affecter. L’intention était que ce ne fut pas quelque chose d’extérieur, mais une meilleure façon pour se mettre en relation avec le monde, pour s’exprimer. Ce qui la conduisait, en tant que mouvement, était la respiration.

14Les acteurs mettaient l’accent sur le fait que la posture de la bulle permettait de rompre avec la prédominance du rationnel, et permettait d’arriver à l’inconscient de l’acteur, en rompant avec ses propres personas. Tout au long du travail qu’ils faisaient avec la bulle, il y avait une musique qui les accompagnait en toile de fond, des sons instrumentaux de groupes orientaux rendant possible la méditation, qui donnaient le ton et l’ambiance favorables au type de laisser-aller et de posture qu’ils s’étaient proposés. Le directeur mettait l’accent sur le fait que pour faire la bulle, l’acteur devait avoir une proposition antérieure dans le sens où, soit il faisait une gestualité chaotique, soit il la faisait dans une esthétique propre qui n’admettait pas que la bulle devienne un exercice d’imitation parce que sinon elle s’en irait vers le mécanique, et se transformerait en un théâtre formaliste. Dans le programme de la pièce Paraíso Zona Norte, il y a une définition de ce qui, pour eux, était le processus de fluctuation – la bulle :

 L’oscillation du corps travaillant les pôles Yin/Yang principalement aux pieds, sous le commandement, cependant, des bras avec des forces qui agissent sur des points spécifiques comme si c’était des nageoires de poisson. Non pas l’impondérable, mais le « se maintenir dans l’eau ». Tout cela avec l’exercice, et sous le contrôle de la respiration comme axe de concentration5 (1990).

15Parmi les exercices fondamentaux qui nourrissaient les acteurs au niveau de l’expression, on observe la mimique. Selon le témoignage de l’acteur Luís Melo, tiré du programme de la pièce Paraíso Zona Norte :

De la mimique nous avons voulu la précision, le centre de l’attention que la mimique créé. Les spasmes (contraction subite et involontaire des muscles), les stop-motion (acte d’arrêter le mouvement), le travail des polarités, la complétude des antagoniques. L’attention pour ce qu’on désirait valoriser dans chaque partie du corps.6

16Ils considéraient que l’acteur devait avoir la technique et le répertoire pour arriver à s’exprimer intégralement, être maître de soi et libre pour créer de manière imaginative. La mimique agissait, de la sorte, comme un moyen pour élargir le répertoire personnel, les familiarisant avec le contrôle des propres muscles, de l’action même. Tout ce que l’acteur faisait était un acte de volonté, et le s’abandonner sur la scène n’existait pas. Dans la mimique, agissait tout un processus de l’imaginaire de l’acteur. Comme la jonction de tous les exercices travaillés individuellement, les acteurs faisaient une performance qui était également centrée sur la respiration, et où entraient les éléments Yin/Yang - les deux pôles archétypes de la nature. La performance n’était pas élaborée au préalable par l’acteur, le directeur appelait l’acteur par son nom, celui-ci montait sur scène, et en accord avec les vibrations du moment, il créait. Comme référentiel, il possédait le répertoire développé de manière exhaustive dans les processus de déséquilibre, la bulle et la mimique, qui offraient des subsides à une création intense et personnelle.

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L’acteur Jefferson Primo © Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

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L’acteur Luis Furlanetto © Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

17La pratique du tai-chi-chuan, qui se réalisait deux à trois fois par semaine était fondamentale pour le travail développé par eux. La salle des répétitionsétait silencieuse, seul le son d’une musique instrumentale de fond, des fois de la musique classique chinoise, et les mouvements des acteurs, légers, lents et continus. La proposition de cours, des fois, impliquait ne rien dire, observer seulement l’autre et le faire conjointement. Ce qui était fondamental était l’attention et le mouvement constant, le penser et l’agir comme étant une seule chose. Ces rencontres pour faire le tai-chi, étaient l’un des rares mouvements où n’existaient pas de modèles à être suivis à l’intérieur du propre groupe, tous étant également capables dans leur propre singularité. Selon le témoignage retiré du programme de la pièce Paraíso Zona Norte: « O tai-chi-chuan sont des mouvements rythmiques réalisés sans l’interférence de la pensée – pourtant, dans une forme non statique de méditation ». Dans la voix du directeur Antunes Filho :

Le tai-chi est fondamental. Comment est-ce que la personne va comprendre le propre corps, les énergies du corps Yin/Yang, comment est-ce qu’elle va comprendre qu’elle ne doit pas être grossière avec les énergies ? La personne doit avoir un contrôle, distribuer bien les énergies par le corps, avoir le domaine avec le corps au-moyen des énergies, sinon elle va vers le ‘n’importe quoi’, vers le ‘trop bien naturel’. Le tai-chi est une chose qui active l’être pour qu’il reste éveillé pour pouvoir agir sur scène. Rien sur scène n’est très naturel, le naturel sur scène est construit par l’acteur. (...) L’artiste n’est jamais fatigué sur scène, il est toujours actif, totalement actif avec les deux hémisphères en équilibre parfait ; en harmonie avec le cosmos et avec les autres êtres humains. Lorsque je parle en cosmos, je parle aussi des autres êtres humains qui sont dans le public,qui se trouvent de son côté sur scène7. (Entretien : 14.07.90)

18Selon la vision de l’acteur Luís Melo, ils avaient travaillé voix et corps comme des instances isolées, mais qui ont décidé de ne plus séparer la voix du corps. Le travail de respiration est vu comme indispensable pour le développement de la voix, et le même déséquilibre avec le corps est considéré fondamental par rapport à elle. Ils remplacèrent la projection de la voix, tendue sous le prétexte qu’ils devaient tous l’entendre, par la vibration de la voix, le son travaillé dans le propre organisme, exposant de l’acteur le strict nécessaire. La mise en avant dans l’exercice avec la voix était individuelle, et chaque acteur était en relation avec son propre son des heures durant sans interruption. Certains, des fois, se surprenaient avec eux-mêmes démontrant épouvante dans le regard lorsqu’ils expérimentaient des alternances dans la voix, car là se produisaient des sons avec lesquels ils n’avaient aucune familiarité au quotidien.

19Se déroulait, parallèlement à ces activités, le cours d’étirement-expression corporelle avec la professeure Paula Martins qui avait une longue trajectoire de travail lié à la danse. L’accent mis sur le langage non-verbal avait, comme perspective, le domaine corporel de l’acteur qui lui permettait de se mouvoir avec facilité sur scène. À l’ensemble des activités développées, Paula Martins appelait cela la synergologie.

20Les acteurs du Groupe Macounaíma, par rapport à l’actuation théâtrale, poursuivaient comme une de leurs prémisses la distinction, très nette, entre sentiment et sensibilité. Dans la vision de l’acteur Luís Melo, le sentiment était l’état brut, c’était comme si quelqu’un trouvât une pierre précieuse, encore à peu près grossière, et n’arrivait pas à en extraire la brillance suffisante. À partir du moment où tu lapidais cette pierre, tu sortais de l’émotion et tu te rapprochais de la sensation. Le concept de sensation, pour le groupe, était l’équivalent, par rapport au sens, à la sensibilité, en même temps que le mot émotion avait le même sens que le mot sentiment.

21Dans un premier moment, il y a l’émotion pour que l’acteur se mettre dans la situation du personnage. Mais, quand il connaît déjà profondément l’émotion, c’est comme s’il la jetait à la poubelle pour travailler seulement avec son impression. Non pas que plus tard l’acteur ne pouvait pas travailler avec l’émotion. Il avait la liberté pour se permettre d’être émotif, et, ensuite, de sortir de l’émotion. Cependant, il ne pouvait rester à l’intérieur. Sinon, il ne pourrait avoir la maîtrise d’absolument rien. Selon l’actrice Marlene Fortuna, dans la proposition d’Antunes, jamais on voyait un acteur jouant arbitrairement avec l’émotion. On apprenait que l’artiste est un esthète. Et que, s’il joue l’émotionnel de manière arbitraire, ce n’est pas du théâtre qu’il fait. Pour que ce soit du théâtre, il doit faire un travail de sélection, d’élaboration, de séparation, de choix et d’option.

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Les acteurs Luis Melo et Hélio Cícero dans la pièce Paradis Quartiers Nord

© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

22Antunes Filho disait à l’acteur : rationalise bien, sache très bien ce que tu fais, répond aux cinq questions fondamentales du journalisme en les transformant en art : qui, comment, quand, où et pourquoi, par rapport au personnage. Lorsque l’acteur joue avec l’émotion, un jour il l’a, le lendemain, il ne l’aura pas parce que l’être humain est susceptible à celle-ci.L’émotion est un axe passible de recevoir des modifications et des impressions de la vie qui peut conduire à quelque chose de distinct de ce qui est recherché dans une situation de personnage donné.

23Ils prenaient l’essence de l’émotion et la transformaient en quelque chose de plus subtil : la sensibilité. La méthode requérait de la distance de la part de l’acteur. Seule la sensibilité peut donner cela à l’acteur. Selon la conception du travail de direction d’Antunes, si l’acteur était pris par un sentiment, il s’agissait d’une manière d’aliénation. C´était comme s’il fuyait la responsabilité de créer de nouveaux signes. L’acteur ne devait pas rester pris par rien, mais bien sensibilisé par tout. La personne avec de la sensibilité a la liberté de sentir ce qu’elle veut, sans, cependant, rester prisonnière des sentiments, car, selon Antunes Filho, « les sentiments actionnent les muscles, les muscles actionnés se tendent, et alors, l’acteur est un taureau lâché sur scène ». Pour l’acteur Luís Melo : « Le plus grand gain lorsqu’on travaille avec Antunes est de passer de l’émotion à la sensibilité. Si l’émotion domine, l’acteur ne sort pas du niveau de la réalité. La sensibilité est l’émotion intelligente ». (Texte extrait de Estado de São Paulo, 28/04/89).

24La pensée du groupe sur le travail de l’acteur est une résonance de la première grande théorie sur le travail scénique de l’acteur, Le paradoxo sur le comédien, écrit en 1773 par Denis Diderot, augmenté en 1778, et publié de manière posthume, en 1830. Denis Diderot représente l’Illuminisme du XVIIIe siècle, la prépondérance de la raison contre la vision enchantée du monde. Il oppose à un imaginaire acteur d’inspiration le comédien froid, conscient de ses ressources techniques qui ne sent pas, mais fait sentir. Le discours du groupe Macounaima était différent dans la nomenclature, mais avait, à l’époque, une profonde affinité conceptuelle avec la théorie du philosophe français, comme lorsqu’il disait : « C’est l’extrême sensibilité qui rend les acteurs médiocres : c’est la sensibilité médiocre qui fait la foule des mauvais acteurs ; c’est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes ». (Diderot, 1979, p. 165)

25Diderot propose, ainsi, que l’art de l’acteur soit, avant tout, de la lucidité et de l’objectivité dans lesquelles où l’acteur lorsqu’il interprète un personnage, ne doit pas extérioriser ses propres sentiments spontanés. Pour Diderot, comme pour le groupe, l’émotion directe perturbe l’acteur. Celui-ci doit avoir beaucoup de discernement pour n’importe quel rôle ou n’importe qu’elle espèce de caractérisation :

(...) il ne lui reste ni perturbation, ni douleur, ni mélancolie, ni affaissement d’âme. C’est vous qui amenez avec vous toutes ces impressions. L’acteur est fatigué, et vous, triste ; c’est qu’il s’est agité sans rien sentir, et vous, vous avez senti sans vous agiter. Si c’était autrement, la condition du comédien serait la plus lamentable des conditions ; mais il n’est pas le personnage, il le représente, et le représente si bien que vous le prenez comme tel ; l’illusion existe seulement pour vous ; il sait très bien qu’il ne l’est pas8.  (Diderot, 1979, p. 165).

26Dans la vision de Diderot, être sensible est une chose, et sentir en est une autre. La première est une question de l’âme, et l’autre, une question de jugement. Dans cette perspective, nous sentons avec intensité ce que nous nous saurions exprimer ; c’est que, au théâtre, avec ce qu’il appelle sensibilité, âmes, entrailles, s’exprime bien une ou deux tirades, e tout le reste tombe à l’eau. Aussi bien pour Diderot que pour le groupe, les acteurs impressionnent le public non pas quand ils sont furieux, mais quand ils interprètent bien la fureur. L’acteur atteint seulement le niveau de l’expressivité souhaitée par le groupe par l’intermédiaire d’un rythme intense de répétitions,continuellement vécus, qui réverbèrent les mots de Diderot : « (...) transportez au théâtre votre ton familier, votre expression familière, votre expression simples, votre port domestique, votre geste naturel, et vous verrez combien pauvre et faible vous serez ». (1970, p. 166). Il faut dépasser le familier, et le transformer, et faire l’exercice de la distanciation pour arriver à interpréter et créer, dans la vision d’Antunes Filho. Et, dans les mots de Diderot : « L’âme d’un grand comédien est formée par l’élément subtil avec lequel notre philosophe remplissait l’espace qui n’est ni chaud, ni froid, ni lourd, ni léger, il ne prend aucune forme déterminée, et [que], étant également susceptible à toutes, il n’en conserve aucune ». (1979, p. 179). Dans la mesure où il n’en conserve aucune, l’acteur a le potentiel de rentrer en contact avec une infinité d’elles, et les interpréter comme si elles existaient encore, au moment du jeu sur scènedans un exercice d’illusionnisme avec le public.

27L’option esthétique du Groupe Macounaíma passait, à ce moment-là, par la rupture avec la tradition naturaliste. En tant que méthode de travail, on pouvait, dans un premier moment, s’approcher de la méthode naturaliste comme étant la base pour ce qui allait être créé. Mais, ensuite, ils l’abandonnaient au profit d’une perspective qui les conduirait à l’anti-geste, qui serait le geste non construit de manière conventionnelle, et, pourtant, non naturalisé. Dans cette vision, on ne pouvait continuellement répéter la même gestuelle, car l’esthétique demandait des développementset de la variété. Il fallait exercer les gestes que la société réprimait, ou ne concevait pas. Pour changer le rythme interne, il fallait avoir du chaos dans l’organisme. Il était indispensable de se lâcher, ou de se libérer pour rompre avec les conditionnements culturels de l’histoire de vie de chacun. Seulement de la sorte, ils croyaient être possible de créer de nouvelles expériences pour soi et pour l’autre.

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Les acteurs Luis Melo et Hélio Cícero et les actrices Clarissa Drebtchinsky, Eliana César, Flávia Pucci, Lulu Pavarin, Rita Martins et Samantha Monteiro dans la pièce Paradis Quartiers Nord© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

28Il fallait, cependant, mettre l’accent pour que cette posture ne fût pas purement rationnelle de la part de l’acteur, mais qu’elle fut bien vécue de manière organique. Ils étaient toujours attentifs à la possibilité de tomber dans un cercle vicieux, ce qui signifierait qu’ils resteraient prisonniers des mêmes mouvements ; pour fuir cela, ils suggéraient faire et défaire tout ce qu’ils créaient. Dans cette approche, seul est libre celui qui construit et déconstruit tout le temps. Pour Antunes Filho : « Le Kazuo Ohno fait et fait ; c’est pour cela que c’est un génie, il est libre. Je veux arriver à cela. » La composition théâtrale pour ce groupe était quelque chose de volontaire. Tout ce que l’acteur faisait, c’était à partir d’un acte de volonté, le fait de s’abandonner sur scène n’existait pas. Tout ce que l’acteur créait sur scène était dessiné, construit au préalable, tous ses muscles devaient être sous contrôle. Selon le directeur Antunes Filho :

Le naturalisme, pour moi l’homme qui va faire le jeu du théâtre, il doit savoir très bien jouer. Non pas qu’être simplement tout bien naturel soit de l’art. Je trouve que l’acteur, doit être une sculpture, il doit être une peinture, il doit être de la musique, il doit être tout. Il doit être tout actif. C’est un joueur de signes, pas vrai ? Alors, tout ce qu’il utilise : la voix, le corps, tout est de la responsabilité de quiconque crée des signes, de quiconque fait des oeuvres à chaque seconde. Tout obscur, il alluma la lumière du théâtre, il commença un nouvel univers, l’acteur est responsable. Maintenant, quand il se range et s’enfuit dans ce qui est paraît être très naturel, en faisant semblant d’être à l’aise, ce n’est pas ça, ce n’est pas de l’art. L’acteur doit être plein tout le temps, quand il est détendu, il s’évade, il fuit la confrontation, la lutte, ce qui doit être sa fonction. L’acteur sur scène peut gérer des galaxies et des galaxies, cela dépend seulement de lui, de sa capacité ; là il est réellement libre.9  (Entretien : 14/07/90)

29La vision d’Émile Zola, qui est à l’origine de la perspective naturaliste au théâtre, revendique pour la scène la vérité humaine, l’observation précise des costumes et de l’homme quotidien, une déclamation naturelle, bien comme une mise en scène plus réaliste. En contrepoint à ce qui se faisait à l’époque, qui était d’un idéalisme qui créait des types in abstrato, il indique qu’il fallait être en rapport avec le personnage comme s’il était réel, à savoir, attaché à la réalité contextuelle du XIXe siècle. J’observe quelque chose de cyclique dans ce processus. Je ne suggère pas ici que le processus mis en œuvre par le Groupe Macounaíma fut idéaliste par définition, mais d’un autre côté, je ne peux perdre de vue la perception qu’ils se situaient, par la perspective proposée par Émile Zola, comme étant plus sur le versant idéaliste.

30Je comprends la nécessité de la convention suggérée par Émile Zola par rapport aux idéalistes, tel un accord établi entre eux avec l’idée de prendre des distances avec les modèles du goût classique, prolongés au-travers du néoclassicisme illuministe. Dans la vision de Benedito Nunes, ce qui se passa avec le Romantisme, une expression idéaliste, a été que « se sont fondues plusieurs sources philosophiques, esthétiques et religieuses proches les unes des autres, et se sont réouverts les chemins magiques, mythiques et religieux d’avant » (1985, p. 52). Une relation similaire se passe entre le naturalisme et ce qu’on appela l’antinaturalisme. Il y a la rupture avec les modèles naturalistes et le recours à d’autres sources esthétiques, philosophiques et religieuses pour la construction d’un mode particulier de voir le monde et le théâtre en lui. Sont rompues les conventions en cours, mais se crée une forme propre. En dernière instance, on proclame une autre convention.

31Le point commun entre l’idéalisme et l’antinaturalisme est le dépassement de la matérialité dans la recherche de la transcendance. Pendant que les idéalistes désiraient atteindre cette séparation au-moyen de l’exubérance de l’émotion, celle-ci étant considéré comme quelque chose de suprême, les antinaturalistes, dans ce cas le groupe Macounaíma, parlent de perception, de précepte bouddhiste, de la non-substantialité, de la non-matière, et d’un épurement de la pratique théâtrale, ils exercent jusqu’au dernier niveau la sensibilité tout en sachant que l’émotion reste au premier niveau. Tous deux cherchent à récupérer l’enchantement que les rites proportionnés par nos ancêtres.

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Les acteurs Luís Melo e Hélio Cícero et les actrices Clarissa Drebtchinsky, Eliana César, Flávia Pucci, Lulu Pavarin, Rita Martins e Samantha Monteiro dans la pièce Paradis Quartiers Nord© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

32Le théâtre proposé par le groupe contrastait avec le monde contemporain, en même temps qu’il informait à son propos. Créer des images comme déséquilibre et bulle, faisait sens pour quiconque vivait dans le chaos urbain. Face à la vie en déséquilibre de la grande métropole, Antunes Filho proposait un autre déséquilibre, non pas celui de vider la subjectivité et d’effacer les espaces d’intimité, mais de recherche d’auto-connaissance. Pour s’éloigner de l’agitation du rythme urbain, la bulle se présentait comme un suggestif exercice de déplacement du réel, de l’imagination des autres niveaux de perception distincts de ceux conçus de manière routinière.

33Dans l’expérience théâtrale proposée par le Groupe Macounaíma au-moyen de la pièce Paraíso Zona Norte, ce que nous visualisons est que le type d’expression cherchée par le groupe les emmena à créer quelque chose que nous pouvons appeler une culture propre en raison d’avoir des gesticulations, des postures du corps et de la voix qui ne sont pas conventionnels au quotidien. Ils ont cherché, dans ce que nous pourrions appeler de culture théâtrale, une partie des éléments pour leur vécu affectif, mais ils firent aussi usage d’univers distincts du théâtre, comme les lectures et les discussions autour de la relation entre bouddhisme et physique quantique qui ont amené un autre type de perception, d’expérimentation, et peut-être, pourrions-nous dire, de construction d’un nouveau langage théâtral.

34Antunes disait qu’il avait été influencé par la lecture de Carl Jung, et qu’un chemin inépuisable d’investigation s’était ouvert, depuis Dans les mots d’Antunes : « La distanciation brechtienne est sociale, politique, pour plus qu’elle s’éloigne, elle se prend à une réalité, à un contexte, elle reste abreuvée par une réalité, la distanciation que je propose n’a pas une unique réalité comme référence ». (Entretien : 05/05/92)

35Le vécu du Groupe Macounaíma proposait de rompre avec l’expérience du quotidien. Pour cela, ils s’appropriaient des images archétypales, et cherchaient à rentrer dans des dimensions de l’inconscient collectif avec l’objectif d’élargir les potentialités d’affecter et d’être affecté par quelque chose. L’exposition de soi à laquelle l’acteur se soumettait de manière routinière au CPT ne lui permettait pas de rester au même endroit. C’était perturbateur pour les auteurs, dans leur propre discours, de vivre au seuil entre le je et l’autre. Même en exprimant que l’autre était simplement le je en situation, ce n´était rien d’externe ou en dehors du propre je. Avec cela, ils affirmaient que le personnage, l’autre, était la même personne qui expérimentait une perspective qui souvent pouvait paraître ou être éloignée de la sienne. La notion de personne peut ici être perçue comme une des catégories de l’esprit humain – une de ces idées qui, selon Mauss (2003), nous jugeons innées. Cet auteur part de la notion latine de persona, qui vient de personare, le masque au-travers (per) de laquelle résonne la voix (de l’acteur). À ce propos, l’acteur Luís Melo se dit :

Si je construis un personnage fragile au-dessus d’un masque de forteresse qu’en réalité je n’ai pas, il y aura une interférence. Je dois justement profiter de mon insécurité pour pouvoir construire ce personnage. La persona dont je parle est, en réalité, tout ce qu’en réalité je n’étais pas, et que je paraissais être, ou que je mettais là pour me protéger. (...) Je construisais le personnage, un masque par-dessus un autre masque, c’est-à-dire, je dessinais par-dessus un dessin déjà fait, ce n’était pas la feuille blanche, ce n’était pas le Melo comme il est en réalité.10(Entretien : 25/04/90)

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L’acteur Luis Melo dans les coulisses de la pièce Paradis Quartiers Nord

© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

36Le positionnement du groupe était que, dans le processus de création, il était nécessaire de casser les personas. D’après les mots du directeur Antunes Filho :

Car je trouve que les grands maux du monde sont l’égoïsme et l’ignorance. (...) Et le Bouddha disait déjà que la souffrance dans le monde est l’égoïsme et l’ignorance. (...) L’homme est libre seulement lorsqu’il rend tout ce qu’il reçoit. (...). L’homme prend son égo, et transforme son égo en égoïsme, un égo qui veut tout pour lui, plein d’huitres et de fruits de mer.Vouloir tout posséder, tout ce qu’on reçoit, on doit rendre à la nature. Ce que tu reçois du côté externe, tu dois vite rendre, sinon tu es mort.11  (Entretien : 14/07/90)

37Comme nous le dit Antonin Artaud (1987), le théâtre amène les hommes à se voir tels ils sont, c’est-à-dire, il fait tomber le masque, il met à découvert le mensonge, la tromperie. Dans ce sens, on considère que le masque quotidien est facteur de simulation, c’est comme un faux-semblant. Au théâtre, la personne peut se présenter dépouillée de ce qui la fait agir dans sa représentation quotidienne, révélant à elle-même une nouvelle dimension. On dépasse « la mesure pour chacun » pour créer « un autre ». Dans la vision d’Antunes, « l’artiste existe seulement lorsqu’il y a l’éloignement, il est ici, mais se trouve derrière de lui-même », et il ajoutait « je ne veux pas d’acteur dionysiaque, je veux un acteur shivaïte ». L’acteur dionysiaque étt ce qui se dit communément de l’acteur qui sortait de lui-même, qui agissait comme un possédé, selon la définition de Junito de Souza Brandão :

Or, les dévôts de Dionysos,après la danse vertigineuse dont a parlé, tombaient sans connaissance. Dans cet état ils croyaient sortir d’eux-mêmes par le processus d’extase. Ce sortir de soi, dans un dépassement de la condition humaine, impliquait un plongeon dans Dionysos, et celui-ci dans son adorateur par le processus de l’enthousiasme.12  (1985, p. 18)

38Le dépassement de la condition humaine quotidienne faisait partie du processus de création du groupe, mais suivait une trajectoire intellectuelle et sensitive différenciée de celle expérimentée par un acteur dit dionysiaque. Dans les mots d’Antunes Filho : « Ainsi comme Shiva créé cette réalité qui me provoque une illusion, moi, en tant qu’acteur, je vais créer une réalité qui provoque une illusion chez toi. » La potentialité de se métamorphoser est présente dans les postures conçues comme shivaïteet dionysiaque. Toutes deux prétendent dépasser l’apparence et construire une autre aura de la réalité. La trajectoire explicite de l’être possédé est celle qui éloigne Antunes Filho de la vision dionysiaque.

L’acteur shivaïtene devient pas saoûl, il rend saoûl. L’acteur dionysiaque non, il cherche la soûlerie,un type d’extase dynamique, orgiastique même. Et le shivaïtenon, il cherche le sommet de la montagne, en paix, tranquille. Je ne cherche pas l’acteur dionysiaque, je ne cherche pas l’enthousiasme, je ne cherche pas à être en Dieu, je suis Dieu, l’acteur est Dieu. Il est Brahman, il a son atman, il est atman, il fait partie de Brahman(...). Pendant que l’acteur dionysiaque est possédé par le rôle, l’acteur shivaïte n’est jamais possédé, il reste éloigné, il sait qu’il joue avec cette illusion. Le rôle est une illusion, c’est un jeu qu’il fait. 13(Entretien : 05/05/92)

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L’actrice Rita Martins dans les coulisses de la pièce Paradis Quartiers Nord

© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

39Comme dans la perspective de Jerzy Grotowski qui disait : « Si je devais définir nos recherches scéniques en une phrase, avec un terme, je me reporterais au mythe de la Danse de Shiva. Je dirais : jouer comme si nous fussions Shiva » (2007, p. 38). Être complètement à l’intérieur, dans la multiplicité des aspects de la réalité, et, en même temps, maintenir une distance. Les acteurs conspiraient pour créer une illusion pour l’autre, le public. Dans cette vision, ils jugeaient pouvoir jouer avec ce qu’ils voulaient pour ne pas être pris. Garder la lucidité infantile, cet exercice constant du jeu pour créer des illusions et interagir avec le public amène à la surface les concepts jungiens qui étaient intériorisés pour renforcer l’approche de l’acteur shivaïte.Dans la vision jungienne, l’enfant possède un sens de totalité qui existe seulement jusqu’à l’apparition de son égo conscient. Dans l’adulte, ce sens de totalité pourrait exister seulement avec la relation des contenus conscients et inconscients de son mental. Dans la vision de l’actrice Rita Martins, la théorie présentée au CPT sur le bouddhisme et la physique quantique ont en commun le fait de se rappeler ce que les gens étaient dans leur enfance : « l’enfant est impermanent, détaché, et, dans la phase où j’ai commencé à endurcir, je suis entrée au CPT, et tout de suite j’ai commencé à entendre ces choses, alors, je n’ai pas pu vraiment oublier l’enfant, je crois que je ne me suis pas transformée en une adulte ». (Entretien : 06/04/90). Voici le discours d’Antunes Filho à propos de l’acteur shivaïte:

les moines ont quelque chose à dire pour le public indépendamment de la fable qu’ils racontent parce que tout est illusion (...) Pour moi, l’acteur est la chose la plus proche du divin car, ainsi, comme il y a Maya, Mahamaya, la mère des illusions, l’acteur créé de nouvelles illusions pour le public (...) Il travaille dans l’éternité des Dieux (...) l’acteur fait le même rôle que le divin, il vit l’illusion Maya, et il invente d’autres Mayas pour le public. Ainsi comme Shiva, il est aussi un petit Shiva14 (Entretien : 05/05/92).

40Dans le vécu du Macounaíma, les acteurs passaient par un rituel initiatique de déconditionnement culturel et de création de valeurs intrinsèques propres, et même d’une nouvelle cosmogonie qui pourrait être vue comme un passage d’un état d’être à un autre, du profane au sacré, de personne en personne à celle dans la situation du personnage de manière à ce que l’être en situation, identifié dans sa condition de personnage, vint avec une plus grande organicité. A la base, pour construire cette vision du monde, il y avait les rapports cosmiques, le passage d’un monde à un autre, la porte ouverte à l’onirisme qui permettait de ramener à la superficie des images archétypales, révélation d’une autre réalité différente de celle à laquelle participait l’acteur dans son existence quotidienne. Comme ponctue Richard Schechner (2013, p. 40), « ce qui m’intéresse ici est la « performativité » : la capacité qu’ont les êtres humains de se comporter de manière réflexive, de jouer avec le comportement, de modeler le comportement comme « doublement comporté » ».

41La vie de l’acteur passait à être vécue sur un double niveau : son existence humaine à l’intérieur de sa propre histoire de vie, et, en même temps, la participation à une vie transmondaine, activée par l’imagination au-moyen de l’ambiance théâtrale. Ce passage d’une situation à une autre demandait des rituels propres qui incluaient, dans la pratique du groupe, le choix d’un espace, une manière propre de s’habiller, d’interagir avec le monde externe pendant qu’ils vivaient la situation rituelle qui consistait à s´éloigner du quotidien par des exercices comme le déséquilibre et la bulle. Pour entrer en contact avec le divin, il était nécessaire encore d’après la perspective du groupe, que l’acteur passât par un processus de dissolution de son égo, rentrant seulement alors dans cet espace. Il se dépouillerait de ses attaches les plus immédiates de la petitesse humaine, et se trouverait réceptif à l’atemporel, à l’inconditionné et à l’impermanent. Dans cette perspective, on peut penser à des rituels de passage qui conduisent l’acteur d’un état à l’autre. Il y a dans cet intermédiaire la situation limite, comme le dit Victor Turner (1974, p. 127) où l’acteur doit être « tabula rasa, un tableau sans rien d’écrit dans lequel s’insèrent la connaissance et la sagesse du groupe dans les aspects qui sont en relation avec le nouveau status”.

42Même pour ceux qui ont déjà fait du théâtre avant, et, dans un certain sens, surtout pour ceux-ci, il était fondamental de s’initier à ce nouveau système parce que c’était une manière particulière de percevoir l’homme et l’art théâtral. L’actrice Marlene Fortune parlait de la valeur que Antunes donnait à la fillette, au petit garçon qui arrivait là-bas, avec ses maniérismes, et Antunes disait : « mets à zéro ton corps, mets à zéro ta voix, mets une feuille de papier blanche dans ton corps et dans ta voix ». (Entretien réalisé le 14.07.1990). Pour s’intégrer dans l’approche antusienne, il était nécessaire que l’acteur devienne disponible pour déconstruire sa propre vie et se mettre en situation de personnage.

43On se rendait dans le processus du groupe d’une cohérence entre ce qu’ils disaient, ce qu’ils philosophaient, et le résultat final de la pièce. Maintenant, quant au processus quotidien de relation interpersonnelle, il est plus compliqué de dire qu’ils suivaient le même niveau de cohérence. Dans l’espace du travail, il existait des jalousies, des disputes, des intrigues, ce qui était compréhensible lorsqu’on considère un espace compétitif avec peu de protagonistes. À l’époque où j’étais sur le terrain, lorsqu’il y avait la troupede la pièce Paraíso ZonaNorte, il est difficile de dire combien de personnes étaient totalement liées à la formation humaine et à l’acteur, comme conséquence de cette histoire. Cela mis à part, tous continuaient de désirer le contact avec le divin, l’élargissement du mental cosmique.

44Utilisant la terminologie de Mircea Eliade, on peut inférer que le théâtre, pour ce groupe, était une imago mundi, où il était possible de reproduire l’image de l’univers, et d’avoir symboliquement une communication avec un autre monde, le transcendantal. D’après les mots de Giulia Gam, qui travailla de longues années avec le groupe : « On avait la sensation que le monde était ce groupe-là, tu sais, ce nombril du monde, il n’existait rien de plus que ne fut pas filtré par ce groupe. » (08/05/90). Un univers, selon Mircea Eliade, prend son origine à partir de son centre, se déploie à partir d’un point central qui est comme son nombril. La scène au théâtre fonctionnait comme le axis mundi, la potentialité de vivre au centre de l’univers en se souvenant que le centre est le lieu où s’origine la rupture du niveau, où l’espace devient sacré. Il y avait, dans ce contexte, l’option pour un travail quotidien et intensif avec la perspective d’arriver à ce que disait Antunes :

45Tout est inventé par l’acteur, tout est créé parce qu’il doit rester avec la sphère vide, l’acteur n’a rien si ce n’est une sphère vide dans laquelle il dessine tout ce veut, il travaille avec le vide créateur. C’est pour cela que l’acteur se rapproche beaucoup de Mahamaya, de Shiva.15  (Entretien : 05/05/92)

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Distribution de la pièce Paradis Quartiers Nord

© Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

46La posture du groupe Macounaíma en ce qui concernait la dimension du sacré, le singularisait dans le contexte de la grande métropole qui tendait à désacraliser les arts, les espaces publics. Le théâtre réinstaurait, ainsi, des relations primordiales qui mettaient en avant la soif ontologique de l’homme et sa recherche vers le divin. En dépit de l’éphémère du spectacle théâtral, le spectateur, généralement, homme de la métropole, pourrait être amené à un jeu divin, cosmique, et avoir pendant que cela durerait, sa portion d’extra-quotidienneté. La potentialité de la sacralisation du théâtre pourrait réverbérer pour que le spectateur en sorte renouvelé avec son aura de sacré, minimisé par la vie quotidienne.

47Dans la métropole de São Paulo, Antunes Filho, homme des premières décennies du XXe siècle, poursuit à la tête de son travail de recherche et d’investigation du CPT- Centre de Recherche Théâtrale et du Groupe de Théâtre Macounaíma. Au long des dernières décennies, il systématisa sa méthode de travail et maintint la posture inquiète et exploratrice pour créer d’autres mondes et d’autres perceptions. Avec différents groupes d’artistes, il créa et approfondit divers langages et esthétiques, il déplaça le regard des spectateurs et stimula des processus d’auto-connaissance. Avoir accès à ces dimensions plus subtiles, créer de nouvelles atmosphères performatrices et exercer la capacité d’affecter et d’être affecté reste à la base du travail de ce groupe qui se réinvente au long du temps.  

Distribution et public de la pièce Paradis Quartiers Nord

Distribution:  Barthô di Haro, Clarissa Drebtchinsky, Eliana César, Flávia Pucci, Geraldo Mário, Hélio Cícero, Jefferson Primo, Luís Melo, Lulu Pavarin, Luiz Furlanetto, Olival Nóboa Leme, Rita Martins, Samantha Monteiro e Walter Portella © Rita de ALMEIDA CASTRO, 1990.

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Bibliographie   

ARTAUD, Antonin, O Teatro e seu Duplo, São Paulo: Max Limonad, 1987.

BRANDÃO, Junito de Souza, Teatro Grego: tragédia e comédia, Petrópolis: Vozes, 1988.

COOPER, J. C, Yin e Yang: a harmonia taoísta dos opostos, São Paulo: Martins Fontes, 1986.

DIDEROT, Denis, Paradoxo sobre o comediante, in Coleção Os Pensadores, São Paulo: Abril Cultral, 1991.

ELIADE, Mircea, O Sagrado e o Profano: a essência das religiões, Lisboa: Livros do Brasil, s.d.

GROTOWSKI, Jerzy, FLASZEN, Ludwik, O Teatro Laboratório de Jerzy Grotowski 1959-1969, São Paulo: Perspectiva: SESC; Pontedera, IT: Fondazione Pontedera Teatro, 2007.

JUNG, C.G, O eu e o inconsciente. Petrópolis: Vozes, 1988.

NUNES, Benedito. “A visão romântica” in GUINSBURG, J. O Romantismo, São Paulo: Perspectiva, 1985, 23 páginas.

ZOLA, Emile. O Romance Experimental e o Naturalismo no Teatro. São Paulo: Perspectiva, 1979.

Journal

Texto extraído do Jornal Estado de São Paulo em 28 de abril de 1989.

Programe de la pièce

Textos extraídos do programa da peça Paraíso Zona Norte, em 1990.

Entretiens

Entrevista realizada pela autora com Rita Martins em 6 de abril de 1990.

Entrevista realizada pela autora com Luís Melo em 25 de abril de 1990.

Entrevista realizada pela autora com Giulia Gam em 8 de maio de 1990.

Entrevista realizada pela autora com Antunes Filho em 14 de julho de 1990.

Entrevista realizada pela autora com Antunes Filho em 5 de maio de 1992.

Entrevista realizada pela autora com Marlene Fortuna em 5 de julho de 1990.

Notes   

1  “que primeiro se transforme o ator, o ser humano, para que depois a transformação se manifeste na cena, gerando novas formas estéticas.”

2  “Como seu nome revela, persona é uma simples máscara da psique coletiva, máscara que aparenta uma individualidade, procurando convencer aos outros e a si mesma que é individual, quando na realidade não passa de um papel ou desempenho através do qual fala a psique coletiva. (...) No fundo a persona nada tem de "real". Ela é um compromisso entre o indivíduo e a sociedade acerca daquilo que "alguém parece ser": nome, título, função e isto ou aquilo”

3  “O desequilíbrio é nada mais do que você se provocar, o se lançar no chão, não como um louco. Aí vem uma força que você mesmo dosa para te colocar no ponto. Com isto o ator não ficará mais em cena, soldadinho, durinho, ele ficará molinho, cheio de vida, ele terá ar em cena, ele vai respirar, ele vai provocar. Então os atores com o desequilíbrio perdem as posturas inflexíveis, ele fica solto em cena, leve e também susceptível a ver, enxergar, a ter os seus sentidos abertos.”

4  “o objetivo fundamental do taoísmo é a obtenção de equilíbrio e de harmonia entre o Yin e o Yang, conhecidos como as Duas Grandes Forças, os dois pólos de manifestação. (...) O Yin e o Yang, as formas alternantes da força criativa, tal como se manifesta no mundo; elas são a substância primordial na diferenciação: o Yin sendo o físico, o emocional, o cerebral, a inércia, o quadrado; o Yang, a inteligência, a energia, o espiritual, o Círculo.”

5  “A oscilação do corpo trabalhando os pólos Yin/Yang principalmente nos pés, liderados porém pelos braços com forças que atuam em pontos específicos como se fossem nadadeiras de peixes. Não o imponderável, mas o 'manter-se na água'. Tudo com o exercício e sob o domínio da respiração, esta como o foco de concentração.”

6  “Da mímica quisemos a precisão, o foco de atenção que a mímica cria. Os espasmos (contração súbita e involuntária dos músculos), os stop-motion (ato de parar o movimento), o trabalho de polaridades, a completude dos antagônicos. A atenção para o que se desejava valorizar em cada parte do corpo.”

7  “O tai-chi é fundamental. Como é que a pessoa vai entender o próprio corpo, as energias do corpo Yin/Yang, como é que ela vai entender não ser grosseiro com as energias? A pessoa tem que ter controle, distribuir bem as energias pelo corpo, ter domínio com o corpo através das energias, senão ela vai para o 'bundolismo', para o 'naturalzinho', para o 'naturalisminho'. O tai-chi é uma coisa que ativa o ser para que ele fique desperto para poder atuar no palco. Nada no palco é naturalzinho, o natural no palco é construído pelo ator. (...) O artista nunca está cansado no palco, ele está sempre ativo, totalmente ativo com os dois hemisférios em equilíbrio perfeito; em harmonia com o cosmos e com os outros seres humanos. Quando eu falo em cosmos também estou falando dos outros seres humanos que estão na plateia, que estão do lado dele no palco.”

8  “ (...) não lhe resta nem perturbação, nem dor, nem melancolia, nem abatimento de alma. Sois vós quem levais convosco todas essas impressões. O ator está cansado e vós, triste; é que ele se agitou sem nada sentir, e vós sentistes sem vos agitar. Se fosse de outro modo, a condição do comediante seria a mais desgraçada das condições; mas ele não é a personagem, ele a representa e a representa tão bem que vós o tomais como tal; a ilusão só existe para vós; ele sabe muito bem que ele não o é.”

9  “O naturalismo, para mim o homem que vai fazer o jogo do teatro ele tem que saber jogar muito bem. Não é que estar lá simplesmente naturalzinho seja arte. Eu acho que o ator, ele tem que ser escultura, tem que ser pintura, tem que ser música, tem que ser tudo. Ele tem que estar todo ativo. Ele é um jogador de signos, não é verdade? Então tudo que ele utiliza: voz, corpo, tudo é com a responsabilidade de quem está gerando signos, de quem está fazendo obras a todo segundo. Tudo escuro, acendeu a luz do teatro, começa um novo universo, o ator é responsável. Agora, quando ele se acomoda e foge no naturalisminho, fingindo estar à vontade, isso não é nada, não é arte. O ator tem que ser pleno o tempo todo, quando ele está relaxado, ele está se evadindo, está fugindo da raia, da luta, daquilo que deve ser a sua função. O ator estando no palco ele pode gerar galáxias e galáxias, só depende dele, da sua capacidade, ali ele é livre realmente.”

10  “Se eu for construir um personagem frágil em cima de uma máscara de fortaleza que eu na realidade não tenho, vai haver interferência. Eu tenho que justamente aproveitar a minha insegurança para poder construir essa personagem. A persona que eu digo é tudo aquilo que na realidade eu não era e que eu aparentava ser ou que eu colocava como sendo para me proteger. (...) Eu construía o personagem, uma máscara em cima de uma outra máscara, quer dizer, eu desenhava em cima de um desenho já feito, não era a folha em branco, não era o Melo na realidade como ele é.”

11  “Porque eu acho que os grandes males do mundo são o egoísmo e a ignorância.(...) E o Buda já dizia que o sofrimento do mundo é o egoísmo e a ignorância. (...) O homem só é livre quando ele devolve tudo aquilo que ele recebe. (...) O homem pega o ego dele e transforma o ego dele em egoísta, um ego que quer tudo para si, cheio de ostras e mariscos. A posse de querer as coisas, tudo aquilo que você recebe, você tem que devolver para a natureza. O que você recebe do lado externo tem que devolver logo, logo, senão você está morto.”

12  “Ora, os devotos de Dioniso, após a dança vertiginosa de que se falou, caíam desfalecidos. Nesse estado acreditavam sair de si pelo processo do êxtase. Esse sair de si, numa superação da condição humana, implicava num mergulho em Dioniso e este no seu adorador pelo processo do entusiasmo.”

13  “O ator shivaíta não fica embriagado, ele embriaga. O ator dionisíaco não, ele procura a embriaguez, um tipo de êxtase dinâmico, orgiástico até. E o shivaíta não, ele está no alto da montanha, em paz, tranquilo. Eu não procuro o ator dionisíaco, eu não procuro o entusiasmo, eu não procuro estar em Deus, eu sou Deus, o ator é Deus. Ele é Brahman ele tem o seu atman, ele é atman, ele é parte de Brahman (...) enquanto o ator dionisíaco fica possuído pelo papel o ator shivaíta nunca fica possuído, ele fica afastado, ele sabe que ele está brincando com aquela ilusão. O papel é uma ilusão, é um jogo que ele está fazendo.”

14  “os monges têm que dizer algo para a plateia independente da fábula que se está contando, porque tudo é ilusão (...). O ator para mim é a coisa mais próxima do divino, porque assim como tem Maya, Mahamaya, mãe das ilusões, o ator cria novas ilusões para a plateia (...) Ele trabalha na eternidade dos Deuses (...) o ator faz o mesmo papel que o divino, ele vive a ilusão Maya e inventa outros Mayas para a plateia. Assim como o Shiva ele também é um Shivinha.”

15  “Tudo é inventado pelo ator, tudo é criado porque ele tem que ficar com a esfera vazia, o ator não tem nada, a não ser uma esfera vazia, na qual ele desenha tudo que ele quer ali dentro, ele trabalha com o vazio criador. É por isso que o ator se aproxima muito do Mahamaya, do Shiva.”

Citation   

Rita de Almeida CASTRO, «De la persona au soi-même : notes sur le Grupo de Teatro Macunaíma», Cultures-Kairós [En ligne], paru dans Théma, mis à  jour le : 25/12/2016, URL : https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=1412.

Auteur   

Quelques mots à propos de :  Rita de Almeida CASTRO

Ritade Almeida CASTRO est actrice, metteure en scène et chercheure. Elle a un doctorat en Anthropologie Sociale de l'Université de São Paulo (2005). Depuis 1995, elle est professeure au Département des Arts Scéniques de l'Université de Brasília. Elle intègre le programme de Recherches [Post-Graduate] en Arts Scéniques de l'UnB. Elle coordonne le groupe de recherches Poétiques du Corps et le groupe Théâtre de l'Instant. Elle a publié en 2012 le livre Ser em cena. Flor ao vento. Etnografia de olhares híbridos [Être en scène. Fleur au vent. Ethnographie de regards hybrides].
Ana ROSSI